La pandémie a boosté les ventes de l’e-commerce de 30 à 40% l’an dernier, et l’Union européenne va doper les prix des plus petites cette année: à partir du 1er juillet, même les achats de moins de 22 euros sur des sites non européens devront s’acquitter de la TVA. Au Luxembourg, cela augmentera la facture de 17%, indique le Centre européen des consommateurs, situé au Grand-Duché, selon lequel «l’impact de ce nouveau système devrait être positif pour les citoyens européens».
Soit 23,4 euros à partir du 1er juillet, contre 20 euros plus les taxes à payer à la livraison jusque-là, le gain est impossible à mesurer réellement. C’est la Cour des comptes européenne qui le dit dans une étude consacrée à ce sujet. Au lieu du chiffre communément admis au sujet de ces pertes – 7 milliards d’euros –, la Cour fixe la barre à 5 milliards d’euros… avant d’indiquer qu’aucun État membre n’est capable de donner sa propre addition pour avoir une image globale correcte au niveau européen.
De grandes entreprises comme Amazon, Rakuten ou eBay enregistrent déjà leurs transactions sur le mini-guichet unique (Moss), plateforme qui a fait des émules au Canada, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, dont 76 européennes assujetties depuis le Luxembourg dans le régime UE et 24 dans le régime non UE. Selon le chef de l’unité TVA à la direction générale Fiscalité et union douanière de la Commission européenne, Patrice Pillet, le Moss aurait déjà permis de récupérer 5,6 milliards d’euros en 2019.
Des déclarations plus près de la consommation
Pour bien faire, il faudrait mettre ce chiffre en rapport avec les 50 à 170 milliards d’euros perdus chaque année dans la fraude à la TVA, qui, pour le coup, ne concerne pas que des vendeurs non communautaires… Car l’enjeu de cette réforme, présentée sous le jour de la justice fiscale appelée de ses vœux par l’OCDE, cache une immense arnaque aux formes multiples, qui profite que le marché unique européen ne soit pas assez… unique. Du coup, grâce au mini-guichet unique, les entreprises devraient pouvoir déclarer leur TVA depuis leur pays de résidence et s’affranchir de toutes les formalités sans avoir à tomber sous le charme des administrations fiscales des autres États membres.
Au-delà de 10.000 euros de ventes dans un autre État, le vendeur devra aussi s’enregistrer dans cet autre État membre et paiera sa part de TVA sur la base d’une déclaration trimestrielle. Mais il ne lui sera pas possible de déduire la TVA dans les États membres de livraison, il devra continuer à demander un remboursement internet s’il y est identifié ou suivre la procédure pour les opérateurs étrangers non établis localement dans le cas contraire, et il devra continuer à tenir un registre spécifique. Les opérations sont encore plus compliquées pour les ventes à distance de biens importés ou pour les ventes à distance opérées par des plateformes.
Et ce ne sera pas forcément le succès attendu, avait indiqué la Cour des comptes européenne, qui dit que la sous-évaluation reste à résoudre, que les dispositifs de coopération administrative entre États membres et pays tiers ne sont pas pleinement exploités, que les contrôles effectués par les autorités fiscales nationales laissent à désirer et que ceux de la Commission européenne sont insuffisants, que les systèmes de dédouanement présentent des faiblesses et que l’UE risque de ne pas pouvoir empêcher les abus des intermédiaires et que l’application des mesures de la perception de la TVA et des droits de douane n’est pas efficace.
-400 millions en 2020
En 2020, l’Administration de l’enregistrement et des domaines a récolté 5,63 milliards d’euros de TVA, soit une hausse de 14,77 millions d’euros par rapport à 2019. L’impact de la crise est particulièrement net au deuxième trimestre, où les recettes ont baissé de 18,5% par rapport au même trimestre de l’année précédente (-246 millions d’euros). Cette baisse a été compensée par les trois autres trimestres. Mais l’AED estime à plus de 400 millions d’euros le manque à gagner en 2020.
Sur les montants collectés, l’administration a remboursé 1,78 milliard d’euros, dont 1,57 milliard aux 82.312 assujettis luxembourgeois. 52% d’entre eux font moins de 112.000 euros par an de chiffre d’affaires, 29% de 112.000 à 620.000 euros et 19% plus de 620.000 euros.
Au Luxembourg, le Service Anti-fraude a effectué 151 contrôles de la TVA avant de proposer une récolte supplémentaire de 5,7 millions d’euros, a participé à 207 demandes d’assistance européennes et sollicité les autres États membres dans 23 dossiers et 48 informations sur des transactions transfrontalières.
Si le rapport de la Cour des comptes européenne ne s’est pas penché spécifiquement sur la situation au Luxembourg, il dit que les contrôles sont insuffisants et les communications entre les administrations pas assez précises pour éclairer les zones d’ombre dont profitent des entrepreneurs aussi bien informés que peu scrupuleux.