C’est au niveau de la distribution que l’évolution dans l’aviation a probablement une longueur d’avance sur l’industrie des fonds, estime Germain Birgen. (Photo: Keven Erickson, Krystyna Dul/Lala La Photo/Archives)

C’est au niveau de la distribution que l’évolution dans l’aviation a probablement une longueur d’avance sur l’industrie des fonds, estime Germain Birgen. (Photo: Keven Erickson, Krystyna Dul/Lala La Photo/Archives)

Quelles sont les leçons apprises par l’industrie des transports aériens et qui peuvent inspirer le secteur des fonds d’investissement? Retour sur ce sujet discuté sur la scène de la dernière conférence Alfi par Germain Birgen et Michael Gloor, senior director of sales France, Netherlands and Luxembourg, Lufthansa Group.

Qu’est-ce que le monde de l’aviation peut bien avoir en commun avec l’industrie des fonds d’investissement? A priori rien, si ce n’est que certains fonds investissent directement ou indirectement dans ce secteur. Toutefois, en y regardant d’un peu plus près, on serait surpris des similarités, notamment au niveau de l’évolution du produit d’une part, et de sa distribution, d’autre part.

À l’aube des fonds luxembourgeois, marquée par l’introduction de la première réglementation en 1983, le monde de l’aviation subissait les conséquences de la «dérégulation». Les compagnies aériennes, jusque-là contrôlées et détenues par des entités gouvernementales, s’ouvraient au capital privé et devenaient plus libres et flexibles quant à leur politique commerciale.

La première directive UCITS de 1985, suivie par ses mises à jour successives, avait pour objectif, entre autres, de faciliter la distribution des fonds d’investissement à l’intérieur de l’Union européenne dans un premier temps et au-delà par la suite. Bien que l’industrie se soit considérablement développée les années suivantes, la concurrence entre prestataires devenait également plus importante, menant à des fusions et acquisitions au niveau des acteurs.

Le monde de l’aviation a connu une évolution similaire avec les accords dits «ciel ouvert», permettant aux compagnies aériennes d’opérer des vols entre deux aéroports, indépendamment de leur pays ou port d’attache. Ces évolutions ont eu pour résultat une concurrence accrue entre les compagnies, certaines n’ayant pas réussi à s’adapter assez rapidement. Nous connaissons les résultats. Des enseignes prestigieuses comme TWA, PAN AM, Swissair ou encore Sabena ont tout simplement disparu. D’autres compagnies ont fusionné ou encore créé des alliances stratégiques avec plus ou moins de succès.

Dans les années 90, l’aviation civile a vu la naissance des premières compagnies «low cost». Le secteur des fonds d’investissement, quant à lui, a connu une tendance similaire avec l’apparition des premiers ETFs ou autres fonds passifs, considérablement moins chers comparés aux fonds classiques. Si au début, les compagnies aériennes et gestionnaires de fonds bien établis voyaient cette évolution avec une certaine arrogance, son succès est aujourd’hui indéniable et ce, dans les deux mondes. De surcroît, on peut constater une certaine convergence, les principaux acteurs se développant dans les deux créneaux pour mieux répondre à la demande d’une clientèle très large.

Germain Birgen (Banque de Luxembourg) et Michael Gloor (Lufthansa Group) durant la dernière édition de la conférence Alfi, les 24 et 25 septembre au Kirchberg. (Photo: Keven Erickson, Krystyna Dul/Lala La Photo/Archives)

Germain Birgen (Banque de Luxembourg) et Michael Gloor (Lufthansa Group) durant la dernière édition de la conférence Alfi, les 24 et 25 septembre au Kirchberg. (Photo: Keven Erickson, Krystyna Dul/Lala La Photo/Archives)

C’est au niveau de la distribution que l’évolution dans l’aviation a probablement une longueur d’avance sur l’industrie des fonds. Il y a une vingtaine d’années encore, acheter un billet d’avion se faisait en poussant la porte d’une agence de voyages. Cette dernière fut d’ailleurs rémunérée, et bien rémunérée par les compagnies aériennes.

Progressivement, ces rémunérations ont été réduites pour finalement disparaître complètement. Aujourd’hui, c’est le voyageur qui paie une commission à l’agence pour son service. Bien des agences ont disparu et celles qui ont survécu ont dû se réinventer pour vendre un service à valeur ajoutée aux clients. Il est indéniable qu’aujourd’hui la majeure partie des billets sont vendus en ligne, soit directement par les compagnies aériennes, soit à travers des agences digitales ou des plates-formes de comparaison ou d’achat.

Un des plus grands changements à l’horizon de l’aviation est celui de la mise en production de «NDC» (New Distribution Capability). Ce programme repose d’une part sur une standardisation d’une gamme élargie de produits offerts par plus d’une vingtaine de grandes compagnies aériennes, et d’autre part sur de nouvelles technologies, surtout au niveau de la centralisation et de l’accès à l’information. NDC devrait permettre une distribution bien plus efficace pour les compagnies aériennes et une expérience d’achat bien plus transparente pour l’acheteur.

Si, dans l’industrie des fonds, de nombreuses réglementations, surtout au niveau de contrôle des investisseurs, semblent freiner une telle évolution pour l’instant, il reste néanmoins très probable que l’industrie suivra un chemin similaire à celui de l’aviation, inévitablement avec des turbulences à l’horizon.

est head of business development - professional banking au sein de la Banque de Luxembourg.