«Je ne pense pas qu’il y ait une politique économique de Donald Trump ou de Kamala Harris qui aura un impact ciblé sur le Luxembourg», indique Philippe Ledent, expert économiste à la banque ING à Bruxelles, lors d’une interview. Sinon, il explique que l’impact sur l’Europe affectera le Luxembourg de la même manière.
Comment le Luxembourg souffrirait-il des tarifs douaniers plus élevés proposés?
En se basant sur la première administration Trump, Cindy Tereba, CTO & directrice des affaires internationales à la Chambre de commerce, a noté un impact des droits de douane américains sur les exportations luxembourgeoises dans les secteurs suivants: machines, produits pharmaceutiques et indirectement dans le secteur de la logistique.
La mise en œuvre de tarifs douaniers réciproques a également eu un impact sur les importations de biens de consommation. Bien qu’elle s’attende à ce que les droits de douane aient une plus grande portée avec une deuxième administration Trump, Mme Tereba s’attend également à ce que Kamala Harris mette en œuvre sa propre série de droits de douane.
Après l’Allemagne, la France et la Belgique, Mme Tereba souligne que les États-Unis sont le quatrième pays en termes de commerce extérieur pour le Luxembourg. Pourtant, le secteur industriel luxembourgeois n’est pas seulement petit par rapport à son PIB, mais aussi beaucoup plus petit que le reste de son économie par rapport à ses pays voisins.
Malgré l’impact direct limité des droits de douane, M. Ledent pense que le Luxembourg se sentira également touché, car ses produits spécialisés approvisionnent des entreprises internationales aux Pays-Bas, en France, en Belgique, mais surtout en Allemagne, le champion mondial incontesté.
De plus, on s’attend à ce que Donald Trump réoriente ses politiques vers les industries des combustibles fossiles, ce qui pourrait entraver les industries renouvelables européennes naissantes, à moins qu’elles ne soient relocalisées aux États-Unis, selon Mme Tereba.
Les relations tendues entre Trump et les entreprises technologiques pourraient-elles déboucher sur une relocalisation?
Certaines des plus grandes querelles médiatiques de Donald Trump sont avec le Washington Post, propriété de Jeff Bezos, l’ancien CEO d’Amazon, et avec Meta, le propriétaire de Facebook. Paperjam a demandé à Mme Tereba si l’Europe ne pouvait pas bénéficier du dégoût apparent de Trump pour l’industrie technologique.
L’impact [direct] de Trump ou de Harris sur le secteur financier au Luxembourg sera marginal.
«Le secteur technologique est très rapide et opportuniste», a-t-elle déclaré. Les entreprises se délocaliseront rapidement si un cadre va à l’encontre de leurs intérêts. Par exemple, elle a noté une importante délocalisation interne de la Californie vers les environs de la ville de New York (industrie pharmaceutique et des puces, entre autres).
Mme Tereba pense que cela reflète la fermeture de certaines banques de démarrage en Californie et la nécessité de se rapprocher de Wall Street, y compris des investisseurs en capital-risque. Elle considère la proximité géographique de NY comme un avantage pour l’Europe et le Luxembourg. «Une frustration supplémentaire avec une administration Trump pourrait les amener à envisager de regarder au-delà de la [livre].»
Impact de Trump ou Harris sur le secteur financier luxembourgeois
«L’impact [direct] de Donald Trump ou Kamala Harris sur le secteur financier au Luxembourg sera marginal», a souligné M. Ledent. Il pense que la concurrence financière est une affaire intra-européenne plutôt qu’une concurrence directe contre les bourses américaines ou son secteur financier.
Il a toutefois mis en garde contre la dynamique des marchés. «Sur le long terme, le cycle économique au Luxembourg est fortement corrélé aux marchés boursiers (MSCI World)», a observé M. Ledent. Il a souligné que les défis économiques actuels sont exceptionnellement affectés par le secteur de la construction. Par conséquent, il s’attend à ce que les fluctuations des marchés boursiers continuent à avoir un impact plus important sur la croissance.
Comme indiqué dans notre , Mme Tereba pense que le secteur financier luxembourgeois devrait bénéficier d’une plus grande confiance de la part d’un gouvernement Harris, deux conditions importantes pour aller de l’avant dans les décisions d’investissement.
Développer des liens plus étroits avec les États-Unis
«En tant que chambre de commerce, notre rôle est de rester proche des entreprises», a déclaré Mme Tereba. «Nous comprenons qu’il y a un marché en jeu pour les entreprises luxembourgeoises et nous les soutenons en organisant régulièrement des missions économiques ou des foires aux États-Unis afin d’entretenir les relations commerciales.»
Par ailleurs, Mme Tereba pense que l’utilisation de cas concrets de partenariat transatlantique facilite les discussions avec les politiciens. Elle a cité l’intention de d’investir dans une usine de batteries au Luxembourg comme un tremplin pour le marché européen après que le LFF 2 de Luxembourg for Finance a investi 15 millions d’euros dans l’entreprise. Elle estime qu’une telle «collaboration gagnant-gagnant» mérite d’être encouragée.
Renforcer les liens avec la Chine
Mme Tereba a expliqué que la politique à l’égard de la Chine pourrait favoriser la collaboration future entre les banques chinoises et le Luxembourg, qui «a apporté un plus grand équilibre entre l’Ouest et l’Est». Il a été durement touché après l’introduction des tarifs douaniers de Trump lors de son premier mandat et a ensuite été gelé sur le dos de covid. «Nous aimerions reconstruire notre relation avec la Chine, mais nous craignons d’être refoulés par les États-Unis.»
Cet article a été rédigé initialement en anglais et traduit et édité en français.