Arrivé à la tête de Talkwalker en 2010, Robert Glaesener en a fait une référence mondiale qui veut encore accroître son empreinte. D’où le recrutement, à son poste, de Tod Nielsen, annoncé ce mardi. (Photo: Archives Maison Moderne)

Arrivé à la tête de Talkwalker en 2010, Robert Glaesener en a fait une référence mondiale qui veut encore accroître son empreinte. D’où le recrutement, à son poste, de Tod Nielsen, annoncé ce mardi. (Photo: Archives Maison Moderne)

En 10 ans, l’ex-CEO et nouveau président du conseil d’administration, Robert Glaesener, a amené Talkwalker du statut de start-up à celui de leader mondial de la veille conversationnelle des marques. Une success-story luxembourgeoise.

Ce jour-là, au Technoport, on vit débarquer deux «gamins» en short et en tongs. Avec une idée: créer un outil de recherche sur internet plus puissant que Google. Douze ans plus tard, Talkwalker est le leader mondial de l’analyse en temps réel des «conversations» sur les marques et les entreprises. Et l’annonce, ce mardi, de l’arrivée d’un nouveau CEO en la personne de Tod Nielsen et du passage de Robert Glaesener vers la présidence du conseil d’administration, marque une nouvelle étape.

Racontez-moi, comment vous avez découvert cette incroyable start-up luxembourgeoise?

– «Avant, j’avais déjà créé une autre entreprise, une joint-venture entre la Banque Générale du Luxembourg et Toronto-Dominion Bank. Ça a aussi duré 10 ans, et quand l’entreprise a été vendue, j’y suis resté un an. J’avais aussi l’idée de faire quelque chose dans la ‘business intelligence’, dans l’information presse. Je cherchais des IT qui pourraient créer une telle infrastructure quand j’ai rencontré Christophe Folschette et Thibaut Britz au Technoport. Nous avons discuté du projet et nous nous sommes associés. C'était en 2010, eux avaient commencé en 2008 avec Trendiction, d’abord dans la technologie, et en 2013, nous avons sorti Talkwalker sous la forme où vous la connaissez aujourd’hui, un outil ‘end-to-end’ dans l’analyse de la réputation. C’était intéressant et je ne me voyais pas dans de très grandes entreprises ou institutions. Après Internaxx pendant 10 ans, et c’était déjà une belle entreprise, comment faire quelque chose au Luxembourg? Là, c’était encore plus start-up parce que les actionnaires… c’était nous!

Est-ce que vous imaginiez que cela pourrait devenir un outil de référence au niveau mondial?

«Quand on se lance dans une aventure comme celle-là, on a toujours une idée. Il faut avoir une certaine ambition et dire ‘voilà où nous voulons aller!’. Après, le chemin est toujours vers le but, mais jamais une ligne droite! Et il est semé d’embûches! Nous nous disions que ce serait super de prendre toutes ces données à l’intérieur de l’entreprise et à l’extérieur de l’entreprise pour donner un aperçu en temps réel de ce que les clients achètent, ce qu’ils préfèrent, pourquoi ils aiment le produit ou le service, ou pourquoi ils aiment moins. Pour les entreprises, pour les chefs de produit ou pour les chefs de marketing, nous nous disions que ce serait bien d’avoir du ‘real-time’ Bloomberg. Il faut avoir de la constance, les bonnes personnes – c’est le plus important – et continuer à travailler.

Vous avez aussi eu de la chance, dans le sens où les réseaux sociaux vont connaître un boom incroyable et porter les ambitions luxembourgeoises?

«Absolument. En 2010, au départ, nous étions beaucoup dans le ‘crawling’ des blogs, des forums, des ‘message boards’ et les commentaires d’articles. C’est comme ça que cela a commencé. Les réseaux sociaux étaient encore à la marge, mais très rapidement, avec l’avènement de Facebook, Twitter, Instagram et tous les autres, nous avons vu que les conversations de clients devenaient de plus en plus importantes et elles avaient de plus en plus d’impact sur les marques. Par exemple, comme vous regardez aujourd’hui une marque comme Shein, de prêt-à-porter, qui ne se vend presque que par internet, elle est créée par Instagram, Facebook ou TikTok. Nous avons eu de la chance parce que nous étions sur une vague de l’opinion exprimée en ligne avec des ‘drivers’ qui influencent les actes individuels.

En 10 ans, comme tout entrepreneur, vous devez avoir beaucoup de bons souvenirs. Donnez-nous-en un ou deux, vos meilleurs souvenirs.

«Oui, il y a certaines grandes étapes plus marquantes! Je me rappelle l’inauguration de nos bureaux à New York. Nous avons tout un étage sur la Lexington Avenue, qui est au centre de Manhattan. Une vision à 360 degrés. Pour l’inauguration, (DP), qui était à New York, est venu. C’était vraiment un grand moment.

Autre chose assez spécial, dont nous étions assez fiers, c’est l’ouverture, en pleine pandémie, de notre bureau au Japon, il y a quelques mois. Tout était en ‘remote’, mais le message est que nous avons fait preuve de beaucoup de résilience. Nos résultats pour 2020 ont été très positifs, avec une croissance de 40%.

Je me souviens aussi d’une très très grande marque, qui a commencé à travailler avec nous à l’échelle mondiale, ça a changé notre univers. Nous avons commencé à attirer d’autres marques. Nous avons pu évoluer et développer de nouvelles choses que nous avons pu proposer à d’autres marques. 

Faites vraiment les choses qui sont importantes: occupez-vous de vos clients, de vos produits et de votre équipe. Le reste, comme le financement, suivra!
Robert Glaesener

Robert Glaesenernouveau président du conseil d’administration de Talkwalker

À l’inverse, tout entrepreneur est confronté aux montagnes russes avant de connaître le succès. Quels sont les mauvais moments que vous avez dû surmonter?

«Il n’y en a pas tellement eu. Ces 10 ans ont été une période marquée par l’énergie déployée à grandir. Nous avons bien bossé. Parfois, nous n’avons pas pu recruter qui nous voulions, parfois nous avons perdu un client, parfois nous avons eu des difficultés, surtout au départ, à faire financer notre entreprise, ça durait plus longtemps que ce que nous aurions souhaité. Ça fait partie de la vie d’une entreprise, de toute façon. Mais je crois que nous ne pouvons pas nous plaindre!

Est-ce qu’il fallait que vous quittiez les fonctions opérationnelles? Pourquoi maintenant?

«Nous sommes devenus une très grande entreprise, nous avons environ 500 salariés. Notre ambition est de continuer à croître de façon significative à travers le monde. Nous voulions avoir un top manager qui a déjà réussi cela deux fois, trois fois, quatre fois, qui a su gérer des entreprises avec des centaines de millions d’euros et parfois même un milliard de chiffre d’affaires. C’est le profil du nouveau CEO, une super recrue. Le troisième étage de la fusée Talkwalker est prêt!

Vous allez vous ennuyer…

«Je vais voir. Je suis très lié à l’entreprise et je deviens président du conseil d’administration. Ce sera encore du travail, mais moins opérationnel et moins au jour le jour. À terme, nous verrons ce qui se passe…

Pour finir, compte tenu de vos expériences, vous avez toute la légitimité de donner des conseils aux jeunes entrepreneurs innovants. Vous leur diriez quoi?

«Ce qui est important, ce sont les gens que l’on recrute, dont on s’entoure. On a toujours une vision de l’entreprise ou du produit, mais ça change toujours et il faut avoir une certaine flexibilité qui vous est donnée par la qualité des gens qui vous épaulent. Il faut avoir, dans l’équipe, des gens avec une certaine expérience, qui sont capables de vous éviter des erreurs inutiles. C’est déjà assez compliqué comme ça! Être entouré, dans l’actionnariat ou dans l’entreprise, de gens qui peuvent baliser le terrain est très important. Enfin, faites vraiment les choses qui sont importantes: occupez-vous de vos clients, de vos produits et de votre équipe. Le reste, comme le financement, suivra!»