Attendu le 30 avril, le jugement dans le procès du Srel a finalement été prononcé ce jeudi, du fait de la crise sanitaire. Les juges de la 12e Chambre correctionnelle ont décidé d’acquitter André Kemmer, Marco Mille et Frank Schneider des chefs d’inculpation retenus contre eux alors que le procureur d’État adjoint avait requis une amende à leur encontre. Ils encouraient selon la loi une peine d’emprisonnement de cinq ans.
L’ancien directeur du Srel et ses deux agents étaient accusés d’avoir participé à des écoutes illégales, en 2007, sur l’informaticien et ancien intermédiaire du Srel Loris Mariotto, ainsi que d’avoir participé au détournement d’un CD crypté, surnommé «Frisbee». Ce dernier contiendrait une conversation entre et au sujet des attentats des années 1980, dits du «Bommeleeër». Un CD resté indéchiffrable à ce jour.
Au cœur du procès: le témoignage du Premier ministre de l’époque, Jean-Claude Juncker, et ses souvenirs – – d’une conversation avec Marco Mille un soir de janvier 2007. Le directeur du Srel assure l’avoir appelé pour demander et obtenir son autorisation de déclencher une procédure d’urgence afin de placer au plus vite Loris Mariotto sur écoute.
Il n’y a point de doute que l’enregistrement et les écoutes téléphoniques sur [Loris Mariotto] du 26 janvier 2007 au 29 janvier 2007 n’aient pas été autorisés dans le cadre de la procédure d’urgence par le Premier ministre [Jean-Claude Juncker].
Loris Mariotto, un informateur du Srel versé sur l’informatique, venait en effet, après plusieurs semaines de tergiversations, un CD crypté dont il qualifiait le contenu d’«explosif». Ce CD comporterait l’enregistrement d’une conversation entre S.A.R le Grand-Duc et M. Juncker, au Palais, lors de laquelle la participation du Prince Jean aux attentats du Bommeleeër aurait été évoquée.
Si M. Juncker a indiqué à l’audience «ne pas se souvenir concrètement de [cette] conversation», il a assuré: «Je n’ai pas autorisé d’écoutes.» Tout en confirmant qu’il était «fermement décidé à surveiller M. Mariotto» et avait bien «demandé à ce que le CD soit déchiffré», puisque les «rumeurs pouvaient nuire gravement au fonctionnement de l’État».
Les juges retiennent toutefois plusieurs indices menant à la conclusion que l’écoute était bel et bien autorisée, comme le fait que l’enregistrement de la montre prouve que M. Juncker était au courant de l’écoute illégale. «Le tribunal conclut de ce qui précède qu’il n’y a point de doute que l’enregistrement et les écoutes téléphoniques sur [Loris Mariotto] du 26 janvier 2007 au 29 janvier 2007 n’aient pas été autorisés dans le cadre de la procédure d’urgence par le Premier ministre [Jean-Claude Juncker].»
Mille blanchi pour avoir conservé l’enregistrement en lieu sûr
Les juges estiment également que la commission spéciale censée examiner les demandes d’écoute n’avait pas à être saisie, puisque la surveillance a été rapidement abandonnée.
Le tribunal blanchit encore Marco Mille, accusé d’avoir «détourné» le fameux CD et l’enregistrement de la montre en les conservant hors du Srel. Il les avait effectivement placés dans un coffre et ressortis lors de son audition par la police, lorsque l’affaire de la montre a éclaté – et le déclenchement d’élections anticipées qui ont éloigné le CSV du pouvoir. C’est à cette époque que les agents du Srel .
Rappelant que ces éléments avaient tout bonnement disparu des bureaux du Srel et du ministère d’État, les juges indiquent qu’«il était donc non seulement permis, mais surtout indiqué, que [André Kemmer et Marco Mille] gardent ces enregistrements en dehors du Service de renseignement de l’État, et ceci même au-delà de leurs engagements dans le Service».
Lavés de tout soupçon, les trois anciens du Srel bénéficient donc d’un acquittement – sous réserve que l’une ou l’autre partie n’interjette pas appel d’ici 40 jours. La demande de constitution de partie civile de Loris Mariotto a par ailleurs été rejetée.