Le Fonds monétaire international (FMI) voit dans les modulations successives du système d’indexation des salaires appliqué depuis 2005 lors de toutes les périodes d’incertitude ou de ralentissement économique, la preuve que l’index n’est déjà plus une valeur absolue, mais un système flexible. Une flexibilité honteuse qui menace la crédibilité et l’efficacité du système. Pour les experts de l’institution de Washington, une réforme s’impose.
Pour rappel, face aux prix du pétrole alors très élevé, les tranches d’indexation ont été reportées au cours de la période 2006-2009. S’en est suivi un délai de plusieurs mois entre le déclenchement et le versement, ce qui s’est traduit par une réduction des salaires par rapport à l’évolution attendue des salaires nominaux.
Le système a de nouveau été modulé au cours de la période 2010-2013, lorsqu’une seule indexation par an a été autorisée. Ce qui a de nouveau entraîné plusieurs mois de retard non compensé. Enfin, plus récemment, l’accord tripartite de mars 2022 comprenait une disposition prévoyant le report de la deuxième tranche d’indexation pour 2022 à avril 2023.
Et le sujet fait toujours débat. Les opposants mettent en avant l’effet sur la rigidité des salaires, sur les effets de second tour, sur la baisse de la productivité du travail – particulièrement dans le secteur des services – et sur un manque d’équité, les hausses profitant plus aux ménages aisés qu’aux ménages en difficulté. Les partisans, eux, en font le totem de la stabilité politique et la pierre angulaire de toutes les politiques sociales.
Ne plus regarder que l’inflation core
Dans ce contexte de débat très empreint d’idéologie, le FMI fait trois propositions de réforme «pour améliorer ses résultats socio-économiques et la résilience du pays, en particulier dans le contexte des chocs d’offre».
Premier axe: calculer l’évolution de l’index non plus par référence à l’inflation globale, un indicateur jugé trop volatil, mais seulement à l’inflation sous-jacente.
En Belgique, le système automatique s’appuie sur l’indice dit de «santé», une mesure de l’inflation qui exclut l’alcool, le tabac et l’énergie. En Italie, où le système est basé sur la négociation, on utilise une projection de l’inflation sur trois ans qui exclut les produits énergétiques comme référence pour les négociations. L’idée est de rendre l’indice plus prospectif que rétrospectif.
Pour le Luxembourg, le FMI préconise d’adopter l’inflation de base comme référence. Ce qui aurait pour avantage d’augmenter la prévisibilité des index pour les opérateurs économiques. Les effets de ce choix sur les ménages à faibles revenus seraient alors compensés par «des mesures de soutien ciblées et temporaires». Des mesures dont le «coût budgétaire associé serait beaucoup moins élevé que les mesures générales appliquées pour atténuer l’impact sur la compétitivité».
Rendre le système plus progressif
Le deuxième axe de réforme est l’introduction de considérations progressives. Une introduction qui «améliorerait l’équité en matière de consommation». Concrètement, il faudrait fixer un seuil au-delà duquel la variation salariale implicite ne correspondrait pas entièrement à l’inflation.
Si le FMI est conscient de la complexité de mise en œuvre d’un tel système, tant d’un point de vue pratique que politique, il estime que «l’ajustement proportionnel des salaires pourrait non seulement améliorer l’équité en matière de consommation, mais aussi réduire son impact sur les coûts, tant pour le gouvernement que pour les entreprises».
Décentraliser les négociations
Le troisième axe de réforme serait l’adoption d’une suspension de l’indexation fondée sur des règles, «en remplacement des suspensions ad hoc utilisées de manière extensive au cours des deux dernières décennies». Une manière de réduire les incertitudes.
Face à la nature «universelle» du système, le FMI préconise lors d’éventuelles suspensions des négociations décentralisées sur la question de la fixation des salaires. Ce qui permettrait «d’atténuer les préoccupations en matière de compétitivité au niveau national, qui entraînent souvent la suspension du système pour tous, et de donner une plus grande marge de manœuvre aux syndicats et aux employeurs pour convenir de la manière la plus durable de répartir les coûts des chocs, ce qui pourrait à son tour sauver des emplois».