«Je ne suis plus vraiment néerlandais, depuis que je parcours le monde pour faire avancer le financement de la transition environnementale», s’amuse Frank Rijsberman. Le directeur du Global Green Growth Institute (GGGI) se pose dans une petite salle de la Luxembourg House of financial technology (Lhoft). Il sort du ministère de l’Environnement où il vient de signer une nouvelle convention à cinq millions d’euros pour aider les pays du Pacifique à trouver des investisseurs dans leurs projets de transition environnementale.
D’une certaine manière, le Luxembourg a mis la charrue avant les bœufs pour la bonne cause. «Habituellement, nos membres commencent par devenir membres et nous ouvrons un bureau dans leur pays. Le Luxembourg a choisi d’ouvrir le bureau et de financer un deuxième programme en étant toujours en cours d’examen de sa candidature», explique celui qui dirige 600 à 700 experts de 77 nationalités, dans plus de 40 pays.
Le Luxembourg, 50e membre d’ici un à deux ans
Le , créé en 2012 en Corée du Sud sous la forme d’une organisation intergouvernementale basée sur un traité et proche des Nations unies, compte aujourd’hui 45 membres et 20 autres en sont plus ou moins au même stade que le Luxembourg. «Votre pays devrait être le 50e membre. À peu près. D’ici un an ou deux», explique M. Rijsberman. L’aventure a commencé en octobre 2016 par la signature par la ministre de l’Environnement, , d’une première convention à cinq millions d’euros, au bénéfice de Vanuatu (des panneaux solaires), du Sénégal et du Vietnam. À l’été 2022, racontait la ministre des Finances, (DP), lors de sa tournée en Corée du Sud en février dernier, «le Luxembourg a signé un accord avec GGGI en vue de l’établissement d’un bureau au Luxembourg pour ses activités en Europe».
C’est ce bureau, pour l’instant à la Lhoft, et confié à la Luxembourgo-Canadienne Julie Godin, que trois ministres – celui de la Coopération et de l’Action humanitaire (LSAP), des Finances Yuriko Backes (DP) et de l’Environnement, du Climat et du Développement durable (déi Gréng) – inaugureront à la mi-journée. Le bureau devrait être occupé par trois experts seniors (finance, carbone, action climatique) et deux employés de support et monter jusqu’à 10 personnes à moyen terme, toujours selon le même modèle du tiers d’experts internationaux et deux tiers d’experts locaux.
8,6 milliards de dollars trouvés
Depuis 2015, l’institut a permis de trouver 8,6 milliards de dollars d’investissement «verts». Et ici, pas de greenwashing, GGGI ne pourrait pas se le permettre. Concrètement, les gouvernements élaborent des politiques de «verdissement» de leurs économies, les experts de GGGI viennent transformer ces politiques en projets «bankables» avant d’aller se mettre en quête d’investisseurs, en utilisant toute une palette d’outils à leur disposition, des fonds d’investissement spécialisés aux garanties de crédit.
L’intérêt du Luxembourg peut s’exprimer à différents niveaux, détaille le directeur du GGGI, dans le contexte de l’aide au développement pour permettre à des pays en développement de trouver les financements, dans celui du Luxembourg Stock Exchange initiateur désormais bien identifié d’obligations vertes et enfin dans celui du business. «Par exemple, les sujets de la gestion des déchets au Sénégal, problématiques qui vont de la réduction des déchets au recyclage, cela permet de mettre en contact des entrepreneurs des deux pays, les uns avec des besoins, les autres avec des technologies et des processus clairs.»
15 dollars mobilisés pour un dollar investi
Car, insiste-t-il, l’innovation est un élément clé. Pas question de financer des idées qui ne sont pas dans l’air du temps. À la différence de consultants classiques, les experts du GGGI sont soumis à des évaluations en permanence, évaluations aussi bien sur leurs compétences que sur le respect de leur code éthique et qui servent de base à l’adhésion de nouveaux membres et de nouveaux investisseurs.
Mieux, encore, comme l’organisation applique des principes globaux, une standardisation émerge autour des solutions pour répondre aux six verticales (catalyser et accélérer l’accès aux investissements verts, renforcer les politiques publiques, parvenir à une économie durable et circulaire, rendre les villes et les communautés durables, vivables et résilientes, accélérer l’éradication de la pauvreté et favoriser l’égalité des genres, et faire émerger un prix du carbone).
Avec un track record qui dit que chaque dollar investi permet de mobiliser 15 dollars, qui indique que 200.000 jobs «verts» ont été créés, que 7 millions d’hectares de nature ont été protégés, les grands argentiers ne mettent pas longtemps à comprendre l’intérêt d’entrer dans cette danse vertueuse.