Gudule Houx, Nora Bodeving et Lilly Cloos ont choisi d’interroger Liz Braz, Alexandra Oxacelay et Alexandra Kahn. (Photos: Romain Gamba, Guy Wolff et Matic Zorman)

Gudule Houx, Nora Bodeving et Lilly Cloos ont choisi d’interroger Liz Braz, Alexandra Oxacelay et Alexandra Kahn. (Photos: Romain Gamba, Guy Wolff et Matic Zorman)

Liz Braz, Alexandra Oxacelay et Alexandra Kahn. Trois femmes, trois rôles dans la société, trois visions. Qu’elles livrent ici dans le cadre d’un projet entre le Lycée de Garçons de Luxembourg et Paperjam.

[A nos lecteurs: cet article a été rédigé dans le cadre d’un projet avec neuf lycéens de 1re et de 2e et mené par Marc Muller, professeur de sciences économiques et sociales au Lycée de garçons de Luxembourg, en option «Economie: études, vie personnelle et actualité», avec le rédacteur en chef de Paperjam, Thierry Labro, pendant un semestre. Cet article respecte les règles de la profession et est livré dans la version de leurs trois auteures et avec leur accord pour Paperjam.]

Nous avons décidé d’interroger trois femmes, des femmes de pouvoir, des femmes qui travaillent dans des domaines différents. Nous avons donc interrogé Liz Braz, élue à la Chambre des députés lors des dernières élections législatives, Alexandra Oxacelay, directrice de la Stemm vun der Strooss, et Alexandra Kahn, directrice de la chocolaterie Genaveh.

Décrivez-vous en utilisant trois mots qui vous représentent ou caractérisent le mieux.

Liz Braz. – «Authentique, passionnée, déterminée.»

Alexandra Oxacelay. – «Impatiente, curieuse, passionnée.»

Alexandra Kahn. – /

Pourquoi avez-vous avez choisi cette voie?

Liz Braz. – «J’ai choisi cette voie pour donner une voix aux préoccupations des jeunes et contribuer à la promotion de l’équité sociale. Mon engagement envers le bien-être collectif a été́ le moteur de ma décision»

Alexandra Oxacelay. – «Pourquoi avoir choisi la voie du social? Parce que j’ai fait des études de journalisme, parce que je voulais contribuer à changer le monde. Je pensais qu’en écrivant, qu’en informant les gens, on pouvait faire bouger les choses. C’est pourquoi j’ai choisi ces études-là. Et je trouve qu’en travaillant à la ‘Stemm’, j’ai la possibilité, à mon niveau, d’essayer d’améliorer un peu les choses. De sensibiliser sur des problèmes qu’on n’a pas l’habitude de voir ou qu’on ne veut pas voir. Par engagement, j’ai choisi le social.»

Alexandra Kahn. – «J’ai commencé par faire des études de gestion et de finance et me suis dirigée vers la banque dans un premier temps, puis le consulting. Passionnée de pâtisserie et de chocolat, j’ai décidé il y a sept ans de me reconvertir dans ce secteur et c’est en commençant dans cette nouvelle voie que j’ai entendu parler d’une chocolaterie en vente.» 

Quand vous êtes-vous dit que c’est ce que vous vouliez faire?

Liz Braz. – «La décision d’entrer en politique a été assez spontanée. Au départ, je percevais la politique comme étant davantage réservée aux plus âgées et j’avais du mal à envisager l’entrée en politique à mon jeune âge. Cependant, certaines circonstances m’ont finalement amenée à changer d’avis.»

Alexandra Oxacelay. – «Par hasard. Parce qu’à l’époque, en 1998, quand j’ai commencé, la Stëmm cherchait un journaliste pour réaliser un journal de rue qui n’existait pas encore au Luxembourg. J’ai donc postulé et j’ai été prise. J’ai décidé de le racheter étant donné que le directeur qui m’avait engagé à l’époque a changé de travail. Je suis donc devenue la directrice et le suis restée depuis le mois d’avril 1998. (J’étais au bon endroit au bon moment.)»

Alexandra Kahn. – «Après mes premières expériences professionnelles plus ‘classiques’ dans la finance et le marketing, j’avais besoin de trouver quelque chose qui me passionnait plus et qui avait plus de sens pour moi.»

Quelles sont les qualités qu’il faut avoir pour faire ce travail?

Liz Braz. – «Les qualités essentielles pour ce travail incluent l’écoute active des citoyens, la persévérance face aux défis, la capacité de collaborer avec diverses parties prenantes pour trouver des solutions concrètes, la curiosité pour la lecture, le suivi assidu des dossiers.»

Alexandra Oxacelay. – «Je crois qu’il faut être persévérant, il faut être ouvert, flexible. Inventif parfois. Patient. Il faut être engagé. Il faut voir un sens dans ce qu’on fait. Enfin, moi ça m’aide, le fait de me dire que ce que je fais, ce n’est pas pour moi, mais c’est quelque chose dont la société a besoin.»

Alexandra Kahn. – «De la passion, de la créativité, de la polyvalence, des bonnes connaissances et compétences en gestion, et surtout être entouré d’une équipe qui a toutes les qualités complémentaires!»

Y a-t-il des aspects auxquels on ne s’attend pas dans votre travail?

 Liz Braz. – «En tant que jeune femme politique, je fais face à des stéréotypes et à des attentes préconçues qui exigent une détermination supplémentaire pour être prise au sérieux. De plus, la pression des réseaux sociaux ajoute une dimension moderne au rôle du politicien, nécessitant une gestion habile pour rester connectée avec les électeurs. Cette diversité de défis demande une grande adaptabilité et résilience pour réussir dans son engagement politique.»

Alexandra Oxacelay. – «Oui, il y a tout le temps des choses qui arrivent auxquelles on ne s’attendait pas. Étant donné qu’on est une structure d’urgence et qu’on travaille en première ligne, dès qu’il y a des guerres, dès qu’il y a des problèmes économiques dans un pays, automatiquement ça a des répercussions sur les pays avoisinants, sur les pays riches. Et donc, on ne peut rarement prévoir, quand on travaille dans l’urgence. On n’est pas dans les grandes prévisions, on n’est pas dans la planification, mais on est beaucoup plus au jour le jour, de quoi avons-nous besoin? Comment faire pour l’avoir? De façon à pouvoir répondre le plus rapidement possible à la demande.

Et puis, il y a régulièrement des gens, qui meurent. Donc ça c’est le côté le plus négatif du travail, mais on a aussi des surprises, des gens qui tout d’un coup réussissent à trouver un travail, qui réussissent à trouver un logement, se stabilisent alors qu’ils ont été malade, dépendant, ils ont vécu dans la rue des années et des années et beaucoup de travailleurs sociaux étaient d’avis que la personne ne réussirait pas à se relever, alors que tout d’un coup, ça marche quand même. Donc, il y a des surprises positives, comme il y a des surprises négatives. Mais il y a plus de surprises négatives, malheureusement.»

Alexandra Kahn. – «L’avance avec laquelle il faut prévoir les saisons suivantes? On travaille avec un an d’avance pour les grands événements tels quel Noël, la Saint-Nicolas, Pâques, la Saint-Valentin...»

Quels sont vos objectifs pour l’avenir?

Liz Braz. – «Pour l’avenir, l’objectif doit être de maintenir la cohésion sociale au Luxembourg et d’empêcher toute fracture supplémentaire au sein de la société. Contribuer à une société plus juste implique une réforme nécessaire de notre système fiscal, la révision du système éducatif pour garantir des opportunités équitables, tout en demeurant constamment attentif aux objectifs climatiques.»

Alexandra Oxacelay. – «L’objectif principal, c’est utopiste, mais c’est qu’il n’y ait plus de pauvreté, que tout le monde puisse avoir un logement, un travail et une bonne santé. J’aimerais qu’on puisse ouvrir de nouvelles structures, de travail et de logement, de façon à pouvoir mieux répondre à la demande croissante des personnes qui vivent dans la précarité. Parce qu’il yen en a beaucoup trop et on n’arrive pas à suivre. Et toutes les structures qu’on a ne sont pas suffisantes.»

Alexandra Kahn. – «Continuer à proposer des chocolats gourmands, tout en continuant à produire de manière artisanale au Luxembourg. Innover toujours plus sur les produits, les ingrédients, le packaging, la marque…»

Vous êtes-vous déjà sentie discriminée en raison de votre sexe?

Liz Braz. – «Face à la réalité persistante du sexisme en politique, je prends de plus en plus conscience des défis supplémentaires auxquels les femmes font face. Cependant, cette prise de conscience renforce ma détermination à sacrifier une partie de mon engagement pour mener activement la lutte contre ces préjugés.»

Alexandra Oxacelay. – «Non. Je n’ai jamais été discriminée.»

Alexandra Kahn. – «Pas particulièrement. J’en ai plutôt fait une force. Ma jeunesse et mon sexe ont étonné certains au début de mon aventure entrepreneuriale, mais avec beaucoup de sérieux, on peut retourner ces avis de manière encore plus positive.»

Êtes-vous heureuse de ce que vous faites actuellement?

Liz Braz. – «Oui, absolument. C’est une opportunité énorme à laquelle je consacrerai toute mon énergie au cours des cinq prochaines années.

Alexandra Oxacelay. – «OUI. Je ne sais pas ce que je ferais je n’étais pas ici. Ça fait 25 ans que je travaille ici, je me suis déjà demandé s’il ne fallait pas que je change, mais bon, je ne sais pas pour aller où. C’est une très très bonne équipe, qui est très très investie, très engagée. Jaime ce que je fais. J’y vois un sens.»

 Alexandra Kahn. - «Je ne pourrais pas être plus comblée.» 

 Quel a été́ votre plus grand obstacle jusque-là?

Liz Braz. – «Mon plus grand obstacle a été́ de surmonter le scepticisme lié à ma personne en raison du contexte familial et mon âge. Lors des élections communales et nationales de 2023, j’ai été confiée un rôle avec des responsabilités énormes et chaque jour je dois prouver ma capacité à assumer ces responsabilités.»

Alexandra Oxacelay. – «Ma maladie. Le fait d’avoir une santé un peu fragile, qui régulièrement me fait devoir freiner et être moins active que ce que je voudrais. Les politiques des fois, quand ils ne répondent pas assez rapidement à l’urgence, à nos appels lancés.»

Alexandra Kahn. – «Retrouver la confiance des fournisseurs notamment quand j’ai repris l’activité de la chocolaterie Genaveh en 2017. L’entreprise était en perte de vitesse, et il a fallu regagner la confiance de toutes les parties prenantes.»

 Disposez-vous de suffisamment de temps pour vos loisirs et votre famille en dehors du travail?

Liz Braz. – «Équilibrer le travail politique avec mes loisirs et ma famille est un défi que je n’ai certes pas bien maitrisé en 2023, mais j’œuvre pour préserver un peu plus de temps pour maintenir un équilibre sain et durable dans le futur.»

Alexandra Oxacelay. – «Non. Pas assez. J’essaye, mais la journée n’a pas assez d’heures, ni pour le travail ni pour le privé, pour rien. La vie passe trop vite. Quand on est malade, elle passe encore plus vite. C’est là qu’on se rend compte qu’elle peut s’arrêter très vite aussi. Et quand on n’est pas malade, il faut en profiter.»

Alexandra Kahn. – «Je ne peux pas dire que j’ai les mêmes temps libres qu’avant d’entreprendre, car ma tête n’est jamais au repos; mais le chocolat a une certaine saisonnalité qui nous permet de prendre un peu plus de temps pour nous en été.»

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes?

Liz Braz. – «Aux jeunes, je souhaite dire: persévérez dans vos convictions, soyez passionnés et engagez-vous activement dans les causes qui vous tiennent à cœur. Nous avons besoin de votre voix et vos actions.»

Alexandra Oxacelay. – «Engagez-vous. Ouvrez les yeux, regardez ce qui se passe autour de vous. Allez vers les autres et vous verrez à quel point c’est enrichissant. Soyez curieux. Ouvrez-vous. Indignez-vous, rebellez-vous. Bougez-vous!»

Alexandra Kahn. – «Posez-vous les bonnes questions, écoutez-vous! On suit facilement les voies classiques sans trop se poser de questions, mais il faut à un moment écouter sa petite voix intérieure. Et si vous avez une envie d’entreprendre, entourez-vous bien!»