Nathalie Aach a rejoint l’enseigne Tapis Hertz il y a 30 ans. Début septembre, l’entreprise familiale créée en 1946 mettra la clé sous la porte à la Belle Étoile.  (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Nathalie Aach a rejoint l’enseigne Tapis Hertz il y a 30 ans. Début septembre, l’entreprise familiale créée en 1946 mettra la clé sous la porte à la Belle Étoile.  (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Tapis Hertz, La Maroquinerie du Passage et Casa Nova Contemporain ont en commun une très longue histoire commerciale. Pourtant, ces trois enseignes ont été contraintes, ces dernières semaines, de programmer des cessations d’activité.

93 ans d’existence pour la Maroquinerie du Passage (qui toutefois conserve deux boutiques, la précision est d’importance), 78 pour Tapis Hertz, 35 pour le magasin d’ameublement Casa Nova Contemporain… Preuve qu’une longévité exceptionnelle et un puissant ancrage local ne suffisent pas à vacciner contre les crises, ces trois enseignes de renom ont décidé de tourner une page. Voire de refermer un livre entier. Chronique d’adieux annoncés…

Tapis Hertz: «Il n’y avait pas d’issue»

Entrée il y a 30 ans dans l’entreprise familiale créée en 1946, et que couvaient alors ses parents, Nathalie Aach ne sait pas trop de quoi demain sera fait. «Je suis juste opposée à deux choses: le nettoyage, que je déteste faire, et la cuisine, que je déteste faire!» Un trait d’humour pour mieux chasser la petite déprime du moment.

Pour l’heure, de toute façon, la dirigeante a la tête dans le guidon. Depuis l’annonce sur les réseaux sociaux, le 29 avril, de la cessation d’activité de l’enseigne Tapis Hertz, «c’est la folie, du jamais-vu». «La liquidation a commencé très fort. Dès qu’ils ont appris la nouvelle, les gens ont commencé à ‘paniquer’», raconte la gérante du magasin qui fermera ses portes à la Belle Étoile au début du mois de septembre.

Sur les 14 salariés, six ont déjà trouvé un poste ailleurs ou vont prendre leur pension. Tapis Hertz avait quitté le centre-ville de la capitale – la Grand-Rue et son adresse historique – au moment de la crise sanitaire. «Mais heureusement que l’on a fait ce choix. Sans cela, on n’aurait pas tenu jusque-là.»

Hélas, le transfert vers un seul et unique espace de vente n’a pas suffi. «Cela faisait des mois que cela devenait problématique», relate Nathalie Aach, qui a commencé à voir les difficultés poindre à partir de l’été dernier. «Chiffre d’affaires en baisse constante et augmentation des frais, entre indexation, charges… Si d’un côté ça baisse, et que de l’autre ça augmente… Il convenait de prendre une décision avant de couler, et d’éviter une faillite. Nous avons toujours été une entreprise avec un standing assez élevé, je ne voulais pas que les choses se terminent d’une mauvaise manière.»

La cessation d’activité a été actée en février. Avec l’aval de ses parents, bien sûr. «Je suis allée les voir avec l’ensemble des chiffres sur les trois dernières années. Il n’y avait pas d’issue possible. Mes parents m’ont toujours soutenue, nous sommes très proches. Nous sommes ensemble dans les hauts comme dans les bas.»

Petite éclaircie dans le tableau: l’activité rideaux et tapis plain de Tapis Hertz fait l’objet d’une reprise par la société De Buedemleër, à Ehlerange. Une société familiale, comme il se doit.

La Maroquinerie du Passage: «Ce n’est plus le cœur qui doit parler»

C’est l’histoire d’un essoufflement. Une première fois rattrapée par la crise – sanitaire celle-ci – au sortir du confinement de 2020, l’enseigne La Maroquinerie du Passage avait été poussée , en activité depuis 25 ans.

Aujourd’hui, c’est le magasin de la rue de Louvigny, dans la capitale, qui s’apprête à tirer sa révérence. Le rideau sera baissé d’ici la fin du mois, en même temps que partira à la retraite sa gérante. C’est en 2017 que La Maroquinerie du Passage, fournisseur de la Cour, s’était établie à cet endroit, après un quart de siècle de présence rue Philippe II.

«Les raisons sont économiques», témoigne le gérant de cette enseigne familiale dont il incarne la troisième génération, Marc Muller. «C’est assez compliqué en ville. Cela a commencé lorsqu’on a déménagé de la rue Philippe II, avec les travaux du tramway. Là-dessus est arrivée la crise du Covid. Et maintenant celle de l’immobilier, qui a pour effet d’entamer le pouvoir d’achat des gens. S’ils ne viennent pas, un magasin ne peut pas vivre. Impossible de fonctionner sur la seule journée du samedi.»

Marc Muller confie avoir mené «une longue réflexion» avant de prendre sa décision. Un crève-cœur. C’est sa grand-mère, en 1931, qui avait fondé l’entreprise. «Mais ce n’est plus le cœur qui doit parler, il faut réfléchir avec la tête», s’est-il raisonné, alors même que le propriétaire des locaux qu’il occupe s’est toujours montré compréhensif et conciliant avec lui. «Ce n’est pas du tout une question de loyer. Mais la crise, elle est là. Et je crains que d’autres commerces connaissent un sort similaire.»

En attendant, La Maroquinerie du Passage continue de regarder droit devant, en direction de l’avenir, à travers ses deux boutiques implantées à la Belle Étoile et à Ettelbruck. «On ne disparaît pas, dites-le bien! On met le cap sur nos 100 ans d’existence», s’efforce de sourire Marc Muller. Malgré tout.

Casa Nova Contemporain: «Le centre-ville, c’est compliqué…»

«Quand j’ai eu 65 ans, j’ai commencé à préparer la suite. Mais je n’ai pas trouvé. Il y a eu des contacts, ils n’ont pas abouti…» Début mars, le magasin d’ameublement haut de gamme Casa Nova Contemporain a fait savoir à ses clients de l’avenue de la Porte-Neuve que l’aventure s’arrêterait là. Elle aura duré 35 ans. «Il y a un regret, bien sûr. J’y aurais passé toute ma vie», convient l’architecte d’intérieur et fondateur de l’enseigne, Marc Reding, en pleine période de promotions avant la fermeture définitive de l’espace de vente et d’exposition d’un demi-millier de mètres carrés, répartis sur trois niveaux.

Après trois ans de recherche, donc, Marc Reding s’est heurté à la problématique de la reprise d’entreprise. Sans trouver de porte de sortie. «C’est compliqué, le centre-ville…», souffle-t-il au téléphone. «L’augmentation des prix est une chose, le haut de gamme devient chaque année plus compliqué. Les délais sont aussi devenus exagérés. Avant, on attendait un mois et demi. Maintenant, c’est trois mois. En fait, il n’y a pas qu’une raison, ce sont plusieurs raisons.» L’époque n’a que faire du passé.