Début décembre, le président américain, Donald Trump, et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, étaient reçus à l’Élysée par le président français, Emmanuel Macron. Aujourd’hui, l’Europe n’est plus à la table des négociations… (Photo: Shutterstock)

Début décembre, le président américain, Donald Trump, et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, étaient reçus à l’Élysée par le président français, Emmanuel Macron. Aujourd’hui, l’Europe n’est plus à la table des négociations… (Photo: Shutterstock)

«Une bonne solution est celle où tout le monde peut rentrer chez lui en disant qu’il a gagné», disait l’ancien chef de la diplomatie luxembourgeoise, Jean Asselborn. Aujourd’hui, c’est cela le sujet: comment faire en sorte que les discussions autour de la fin de la guerre en Ukraine, qui ont commencé par des marchandages autour des terres rares, des ports et du blé, permettent à tous les acteurs d’en sortir par le haut.

Après trois ans de destructions initiées par la Russie, la question centrale n’est plus seulement celle du soutien à l’Ukraine, mais des marchandages pour sortir du conflit. Donald Trump tente d’imposer brutalement sa vision, conditionnant l’aide américaine à un accord qui ferait de l’Ukraine une «dépendance économique» des États-Unis: le président américain exige 50% des revenus générés par les matériaux rares ukrainiens ainsi que le contrôle des infrastructures énergétiques et portuaires, transformant le soutien en un véritable racket politique.

Cette approche choque évidemment Kiev, où Zelensky rejette catégoriquement l’idée de livrer son pays aux intérêts américains. Ce week-end, le président ukrainien a profité d’une conférence de presse organisée au millimètre pour annoncer qu’il pourrait quitter le pouvoir si cela permettait à l’Ukraine d’obtenir la paix ou d’intégrer l’Otan. Une manière de couper l’herbe sous le pied au milliardaire américain, qui fait de lui un «dictateur» sans mandat politique et qui voudrait s’accrocher au pouvoir.

Les alliés ont soutenu l’Ukraine à hauteur de 200 milliards pour les États-Unis et 132 milliards pour les Européens, alors que la guerre a causé des dommages se montant à 152 milliards de dollars pour l’Ukraine, avec des coûts de reconstruction évalués à 486 milliards de dollars. Sans parler des 31.000 militaires ukrainiens morts à la guerre, selon Zelensky, et les 138.500 à 200.000 soldats russes tués, selon différentes estimations. Entre la nécessité de reconstruire un pays exsangue et les intérêts stratégiques de ses alliés, l’Ukraine se retrouve à négocier non seulement sa survie, mais aussi son avenir sur l’échiquier mondial.

À Washington ce lundi, le président français, Emmanuel Macron, lui, refuse que l’Europe soit marginalisée et insiste pour que l’Union européenne soit pleinement présente aux négociations, malgré la faiblesse allemande, où le vainqueur des élections législatives de ce dimanche, le conservateur Friedrich Merz, va devoir trouver au moins un allié pour gouverner. Paris plaide pour un plan ambitieux, non seulement pour reconstruire l’Ukraine, mais aussi pour renforcer les défenses européennes. La France et l’Allemagne poussent pour un fonds européen de plusieurs centaines de milliards d’euros afin de garantir la sécurité des frontières avec la Russie et d’éviter que l’Europe ne reste spectatrice d’une négociation dictée par Washington et Moscou.

Mais certaines voix en Ukraine dénoncent un troc déguisé, où l’aide occidentale ne serait plus une question de valeurs et de sécurité, mais un calcul basé sur l’exploitation des richesses du pays. L’UE doit gérer des divisions internes entre les pays favorables à un accord rapide, comme la France et l’Allemagne, et ceux qui craignent un précédent risqué. L’enjeu dépasse le seul avenir ukrainien: c’est la crédibilité de l’Europe en tant qu’acteur stratégique mondial qui est en jeu. Soutenir l’Ukraine fermement doit rester un impératif stratégique. L’Europe doit non seulement continuer à fournir une aide militaire et économique substantielle, mais également s’assurer que l’Ukraine puisse se reconstruire sans être captée par des intérêts extérieurs prêts à la transformer en simple fournisseur de ressources. L’heure n’est plus aux hésitations, mais à une action résolue et coordonnée.