Benoit Wtterwulghe et Patrick Terazzi,  Audit & Advisory Partners  chez BDO.  (Crédit: BDO, montage photo Maison Moderne)

Benoit Wtterwulghe et Patrick Terazzi, Audit & Advisory Partners chez BDO.  (Crédit: BDO, montage photo Maison Moderne)

Si la crise sanitaire actuelle touche de façon évidente les activités liées au risk management par exemple, elle n’épargne pas non plus des secteurs comme la compliance, pour les établissements bancaires notamment. Comment? Quels sont les risques et les enjeux? Quelles sont les actions à mettre en place? Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré Patrick Terazzi et Benoit Wtterwulghe, Audit & Advisory Partners chez BDO.

Avant d’aller plus loin, pouvez-vous rappeler à nos lecteurs en quoi consiste la compliance, notamment pour le secteur bancaire?

Patrick Terazzi: La compliance est l’un des éléments de l’environnement de contrôle interne des institutions financières dont la fonction principale est de s’assurer que les réglementations en vigueur soient respectées. Pour garantir cela, elle doit identifier les risques de non-conformité et mettre en place un certain nombre de contrôles.

En quoi la crise bouscule-t-elle les process liés à l’exercice de la compliance?

Patrick Terazzi: Bien que de manière générale les banques et fonctions compliance se soient adaptées à la situation de manière rapide et efficace, cette crise sanitaire a considérablement affecté le processus de contrôle interne de plusieurs façons. Tout d’abord, les banques ont dû réduire la présence physique de leurs employés. Même si le travail à distance a été rendu possible, cette situation a créé quelques complications au quotidien. C’est notamment le cas pour certains établissements bancaires dont le niveau de maturité digital n’est pas optimal, où beaucoup de dossiers physiques subsistent. Et puis, les outils dont disposent les collaborateurs à domicile sont parfois moins performants, alors que les transactions, à l’inverse, ont été en augmentation. Enfin, les processus opérationnels par ailleurs dans les banques ont été bouleversés, ce qui augmente le risque de non-conformité. La fonction compliance est donc extrêmement sollicitée dans cette situation.

Covid-19 et compliance bancaire en 8 dates Maison Moderne

Covid-19 et compliance bancaire en 8 dates Maison Moderne

 Le rôle de la banque est crucial dans cette crise sanitaire qui vient affecter logiquement l’économie.
Patrick Terazzi

Patrick Terazzi Audit PartnerBDO

Quels sont les risques possibles sur les marchés financiers?

Benoit Wtterwulghe: Non seulement la crise a affaibli la capacité de contrôle des institutions financières comme nous venons de le dire, mais elle amène aussi de nouveaux risques. Certains sont des risques directs, liés à des personnes essayant de mettre à profit cette situation de stress général pour mettre en place des schémas de fraude comme la cyberfraude ou le phishing par exemple. L’exploitation de la détresse éventuelle des clients est une issue possible aussi. Des clients qui sont dans une situation économique compliquée et qui sont moins regardants sur l’origine des fonds qu’ils acceptent, car ils en ont un besoin urgent. Il y a également des risques indirects liés à des délits d’initiés et abus de marché. Ces derniers étant beaucoup plus volatiles, l’incertitude règne, et il est donc beaucoup plus facile aujourd’hui de faire réagir les marchés sur de fausses informations. Ces comportements déviants peuvent apparaitre de façon malencontreuse: les gens paniquent, vendent des positions alors qu’ils n’en sont pas autorisés. Enfin, certains outils utilisés pour monitorer les transactions ne sont pas adaptés pour fonctionner dans cette situation inédite. Par exemple, ils ne déclenchent pas d’alerte car ils ne détectent aucun changement comportemental alors que pour de nombreux acteurs économiques comme les magasins ou les restaurants en cette période le maintien de l’activité à un niveau similaire au passé est suspect. La situation actuelle implique également un plus grand risque de non-compliance au niveau de MiFID II, un plus grand nombre de plaintes clients à traiter… La fonction compliance est fortement impactée. Les risques doivent être revus et les contrôles adaptés dans un environnement de volume en hausse.

Chez BDO, comment avez-vous concrètement procédé pour assurer la continuité de ces opérations pour vos clients?

Patrick Terazzi: Nous nous sommes adaptés en interne tout d’abord, en mettant en place le télétravail pour la quasi-totalité des collaborateurs. Nous avons ensuite été en contact très rapproché avec nos clients et partenaires bancaires pour comprendre leurs besoins et nous adapter immédiatement à leurs contraintes. Nous travaillons essentiellement en remote avec eux, nous avons mis en place des plateformes d’échanges sécurisés de documents pour continuer à les servir. Nous sommes également en contact avec eux pour les alerter sur les risques qui pourraient subvenir suite à cette crise, les assister pour mitiger ces risques. Le rôle de la banque est crucial dans cette crise sanitaire qui vient affecter logiquement l’économie. En tant que prestataire de ces banques, nous avons un rôle de soutien, d’assistance.

Benoit Wtterwulghe: BDO a aussi mis en place une série d’initiatives pour faciliter la communication, comme cette hotline gratuite créée spécifiquement pour répondre à leurs questions, ou bien ces publications didactiques et informatives. Nous avons adapté notre offre compliance par rapport à leurs besoins, les accompagner durant cette crise. Par exemple en les assistant dans l’évaluation de l’efficacité des contrôles, la définition et la mise en place d’actions pour les améliorer, l’intégration des nouveaux risques dans le plan de contrôle…

Les banques vivent aujourd’hui un stress test grandeur nature qui permet de révéler certaines faiblesses qu’elles pourront corriger pour être plus fortes.
Patrick Terazzi

Patrick Terazzi Audit PartnerBDO

Selon vous, quelles perspectives se dessinent pour la compliance et le secteur bancaire en général?

Patrick Terazzi: Essayons d’être optimistes, cette crise créera probablement des opportunités pour les banques et les fonctions de compliance, notamment au niveau de la digitalisation, en leur permettant d’avancer sur ce terrain, de mettre au point des outils plus efficaces. Autre point intéressant, les banques vivent aujourd’hui un stress test grandeur nature qui permet d’identifier certaines potentielles faiblesses et qu’elles pourront agir par la suite afin de renforcer leur environnement de contrôle.

Benoit Wtterwulghe: Nous avons parlé des impacts négatifs et des risques, mais les adaptations nécessaires pour contrer ces risques constituent un challenge constructif, certes complexe vu l’ampleur de l’impact, mais qui permet aux banques de se repositionner, de revoir certains modèles de leur fonctionnement. Dans le cas de la compliance, la priorité a d’abord été mise sur la survie de l’entreprise. Aujourd’hui, il faut non seulement assurer un environnement de contrôle sans faille mais aussi l’adapter sans délai aux nouveaux risques, les autorités ont bien insisté sur ce point. La donne a changé et la crise et ses impacts ne repartiront pas aussi vite qu’ils sont venus. Il faut donc s’y adapter à moyen terme, mener une réflexion poussée avec cette nouvelle donne qui va durer des mois.

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