En effet, les déplacements sur la terre ferme doivent s’accommoder des contraintes imposées par les reliefs, le climat, etc. Pour le commerce maritime, il en est de même avec les courants, la profondeur… À cela viennent s’ajouter des considérations économiques comme le temps de transport, le coût et bien d’autres éléments. L’ensemble de ces contraintes expliquent l’existence de routes maritimes et comme les routes terrestres elles sont parfois plus ou moins faciles à emprunter pour les bateaux.
Les détroits vitaux pour le marché pétrolier
Le pétrole est un produit propice aux voyages. En effet, l’or noir est une matière stable, peu inflammable et qui concentre une forte capacité énergétique en un faible volume de produit. Toutefois, une des difficultés du marché du pétrole est que les principaux consommateurs ne se trouvent pas au même endroit que les lieux de productions. Cette situation a donc poussé à développer des techniques de transport tant terrestre que maritime. Dès lors, certains noms nous sont devenus familiers comme le détroit d’Ormuz, compris entre l’Iran et Oman et large de 30 km, où transite 20% de la production mondiale de pétrole avec environ 20 millions de barils par jour (Mbj) et 30% du gaz naturel liquéfié (LNG) mondial principalement en provenance du Qatar. Plus récemment celui de Bab El-Mandeb, entre le Yémen et la Corne africaine, large d’environ 30 km et où passe quotidiennement 4,5 Mbj sans compter les produits raffinés et le gaz naturel est arrivé sur le devant de la scène suite aux attaques dont on était victime des navires de commerce. À noter que depuis la mise sous sanction du pétrole russe, ce détroit a vu son activité décuplée puisqu’il sert de voie d’acheminement au gaz naturel du Qatar ou au pétrole raffiné indien en direction de l’Europe.
Les autres grandes voies du commerce mondial
Même si ces deux artères vitales du marché du pétrole mondial sont les plus connues et font la une des journaux pour des raisons géopolitiques, il existe d’autres détroits extrêmement importants pour le commerce mondial. Un des plus importants est le détroit de Malacca qui connecte l’Océan Indien, la mer de Chine et l’Océan Pacifique. Ce détroit, compris entre l’Indonésie, la Malaisie et Singapour et large de 30 km à certains endroits voit passer plus de 16 Mbj à destination principalement de la Chine. Ce détroit est stratégique puisque c’est la route la plus courte entre l’Extrême-Orient et le Moyen-Orient. Il est un des hauts lieux de la piraterie moderne.
On peut aussi citer les détroits turcs des Dardanelles et du Bosphore qui voient passer plus de 2,3 Mbj. Ces deux détroits sont parmi les plus difficilement navigables puisqu’ils voient près de 50.000 bateaux se croiser chaque année, ce qui en fait un des passages maritimes les plus fréquentés.
Les enjeux sécuritaires
Ce rapide et non exhaustif panorama des principaux goulots d’étranglement du commerce maritime du pétrole expose bien les enjeux sécuritaires que nous connaissons. En effet, il s’agit de passages étroits relativement faciles à contrôler depuis la terre. Or, ces routes commerciales sont vitales pour la fourniture d’énergie, en particulier, pour l’Europe et la Chine. Dès lors, l’importance stratégique de ces points de passages explique l’empressement des États à vouloir les sécuriser.
Toutefois, tous les détroits du monde ne se valent pas. En effet, nous pouvons observer que les tensions dans le détroit de Bab El-Mandeb n’ont pas provoqué un dérapage du prix du baril même si cela pourrait toucher jusqu’à 5% de la production mondiale. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un détroit de passage et in fine un confort pour le commerce mondial puisqu’il permet de raccourcir les trajets entre l’Asie et l’Europe. Toutefois, un passage par le cap de Bonne-Espérance à la pointe de l’Afrique est toujours possible même s’il rallonge les délais de deux semaines et de facto accroît les coûts de transport. Cette typologie des détroits est essentielle puisque les investisseurs l’intègrent dans leurs analyses. En effet, par comparaison, les tensions qu’a connu le détroit d’Ormuz au cours de l’histoire récente telles qu’en 1979 ou en 2010 ont généralement rendu nerveux les investisseurs, ce qui s’est traduit par des prix en hausse et plus volatils. Ce détroit est un lieu de passage obligé pour 20 millions de barils de pétrole par jour, il n’y a pas d’alternative et donc son blocage aurait des conséquences bien plus lourdes que celui de Bab El-Mandeb.
En conclusion, il apparaît que les routes maritimes sont, comme les routes terrestres, influencées par la géographie. Dans le cas du pétrole, mais ceci est vrai pour bien d’autres matières premières, la géographie façonne le commerce et elle devient une variable que les forces géopolitiques intègrent dans leurs calculs. Il est donc nécessaire pour les investisseurs de tenir compte aussi de ces éléments pour mesurer le risque et les potentiels impacts d’un blocage de détroits. Enfin, notons que tous les détroits ne se valent pas au sens que leur impact sur le marché n’est pas forcément le même. Il apparaît que le détroit d’Ormuz entre l’Iran et Oman a la particularité d’être la seule voie de passage pour le pétrole du Moyen-Orient, soit plus de 20 Mbj. Cette spécificité explique pourquoi les investisseurs réagissent de manière beaucoup plus forte quand des tensions émergent à cet endroit du monde en comparaison des tensions que l’on peut observer à l’entrée de la mer Rouge.