s’exprime ici à titre personnel.
«Le logement au Luxembourg est cher. Tous le disent, ce doit donc être vrai. Ce n’est cependant pas vrai pour tout le monde, puisque 70% des résidents sont propriétaires de leur logement, et la très grande majorité de ces 70% l’est depuis assez longtemps pour ne pas avoir eu à souffrir des montées des prix des 10 dernières années. En vérité, ils en ont profité. Mais pour la minorité des nouveaux arrivants sur ce marché – donc notamment pour les plus jeunes –, le logement devient à peine abordable. Ils souffriraient moins s’ils occupaient l’espace vide laissé dans les maisons sous-occupées des aînés. Mais c’est là une autre histoire…
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Pour pallier les difficultés d’accès à l’habitat des outsiders de la propriété, le gouvernement promet que l’État créera des logements ‘abordables’, notamment en rajoutant de nouvelles réglementations et lois fiscales à un marché où une multitude d’intervenants étatiques se donnent déjà la main pour veiller à ce qu’ils croient être le mieux – avec le résultat que l’on connaît.
Dans mille domaines, le pays n’est pas en phase avec sa propre croissance démographique.
Pourtant, le marché du logement au Luxembourg fonctionne, car, à voir l’offre et la demande, il semble parfaitement normal que les prix explosent. Les chiffres sont sans équivoque: en 20 ans, le Grand-Duché est passé d’environ 440.000 à 640.000 habitants, soit une augmentation de la population qui correspond à 10 fois la ville de Dudelange. Au cours de la même période, le nombre de travailleurs frontaliers a augmenté jusqu’à dépasser la barre des 200.000, ce qui fait qu’entre 300.000 à 400.000 personnes, en considérant les frontaliers et les membres de leur foyer habitant dans la Grande Région, ont un intérêt potentiel à vivre ici.
Le Statec estime qu’il faudrait créer plus de 6.000 logements chaque année. La vitesse de croisière actuelle se situe entre 3.000 et 4.000 nouvelles constructions auxquelles l’État et les municipalités contribuent à hauteur de 10%. Depuis plus de 20 ans, environ 3.000 logements manquent à l’appel chaque année.
Certains soutiennent qu’il n’est pas réaliste d’espérer la livraison de 6.000 logements par an. Ils n’ont peut-être pas tort, mais il est un fait: on ne construit pas assez au Luxembourg. Et ce depuis des dizaines d’années.
Ceux qui s’en étonnent ne sont pas au bout de leurs surprises. Dans mille domaines, le pays n’est pas en phase avec sa propre croissance démographique. Que ce soit en matière de transport, d’éducation, de pensions, de santé, de dimensions de certaines administrations et généralement de finances publiques, le pays engrange sans hésitation les fruits de l’apport en femmes et hommes à notre main-d’œuvre sans conscience des coûts à plus long terme. Pire, il distribue en pouvoir d’achat d’aujourd’hui les futurs coûts en infrastructures, prestations sociales et pensions. En politique, la dette est utile, mais rien ne vaut la dette cachée. Elle est même à l’origine de notre apparente richesse, ce qui n’encourage pas à reconnaître le problème.
Le transport et le logement sont les premiers signes extérieurs d’un décalage que la politique peine à avouer. Elle tente de renverser la vapeur sur les transports depuis une douzaine d’années, elle n’a pas encore vraiment commencé en matière de logement et elle n’a pas du tout identifié les pensions comme prochain point de rupture de son manque de cohérence.
À cela s’ajoutent plusieurs épiphénomènes des 20 dernières années qui ont augmenté la demande en logements: taux d’intérêt bon marché sur les prêts, délais de remboursement plus longs, Bëllegen Akt, baisse de la taille des ménages, taux d’intérêt nuls sur les comptes bancaires, etc. Tout cela, en plus du harcèlement administratif de plusieurs administrations qui ralentissent la construction et de la hausse des coûts de la construction, a fait grimper les prix et profite en réalité aux fiers propriétaires que sont la majorité des électeurs.
Tant que la pénurie de logements s’aggravera, tous ceux qui comptent sur de nouvelles hausses de prix auront raison.
À défaut d’une solution à court terme sans catastrophe concomitante, la politique rêve de spéculation nocive comme le Grand Inquisiteur rêvait de sorcières. Mais la spéculation et la rareté sont comme la poule et l’œuf: tant que la pénurie de logements s’aggravera, tous ceux qui comptent sur de nouvelles hausses de prix auront raison.
Actuellement, la bulle spéculative est loin. Une bulle éclate après des investissements massifs dans des choses dont personne n’a besoin. Le Luxembourg, en revanche, a un besoin urgent de logements. La poursuite de l’inflation des prix de l’immobilier est donc inévitable, surtout qu’actuellement, toutes les politiques – nationales et internationales – se précipitent pour aggraver les problèmes d’approvisionnement et donc d’inflation. Et plus elle galopera, plus il est juste d’être investi en ‘pierres’.
Le logement ne devient pas non plus ‘abordable’ par les quelques dizaines de logements que le Fonds du logement et la SNHBM inaugurent en triomphe chaque année. Ce ne sont que des gouttes d’eau sur des pierres brûlantes. Si 100 personnes se disputent 90 logements, 10 resteront sur le carreau et 90 paieront trop cher. Sur ces derniers, à en croire le ministre du Logement, quelques-uns paieront moins cher, bientôt. Malheureusement, en fin de compte, il ne s’agira que de capacité de financement et de volumes globaux: si les promoteurs privés ne construisent pas à la hauteur des besoins, aucun pacte n’arrivera à faire pousser les logements ‘abordables’ requis. Et, pourtant, l’inefficacité spectaculaire de l’État ne l’empêche pas de tirer la conclusion que le secteur privé est coupable de la misère et qu’il doit rester exclu de toute recherche de solution.
Si au moins l’aversion devant l’initiative privée avait pour conséquence que l’État montre un courage à la hauteur du problème. Mais où est-il, cet État qui osa s’approprier à bon compte les terrains du Kirchberg il y a 60 ans, qui jeta un pont rouge dans le vide, donnant naissance à une seconde ville; cet État qui osa garantir les satellites de SES, qui construisit le barrage de la Haute-Sûre, qui monta le cinquième plus important aéroport de fret du continent et qui libéra, récemment encore, un terrain pour Google?
Cet État-là n’a, vraisemblablement, pas encore compris que le logement constitue, depuis 20 ans, sa plus grande urgence sociale.»