À certaines étapes de la vie d’une entreprise familiale, il est pertinent pour le propriétaire, souvent dirigeant, de se remettre en question et d’envisager des évolutions comme la mise en place d’une nouvelle gouvernance ou le rapprochement avec une autre entreprise (croissance externe ou cession de l’entreprise).

Ces réflexions interviennent généralement à un stade avancé dans la vie du dirigeant propriétaire, souvent autour de son départ à la retraite. C’est pourquoi la transmission des entreprises familiales représente un enjeu économique important en raison de l’arrivée à l’âge de la retraite de nombreux chefs d’entreprises issus du baby-boom.

Cette question de la transmission est souvent provoquée par des facteurs endogènes au chef d’entreprise et à sa famille. Lorsque le propriétaire dirigeant d’une entreprise souhaite diminuer son activité en arrivant à un certain âge, il faut évaluer s’il s’agit du bon moment également pour les enfants, ou si les enfants ont le désir et la capacité surtout d’assurer cette transition. Dans le cadre d’une succession familiale, il est fondamental de travailler sur les questions de gouvernance le plus en amont possible, au minimum cinq ou six ans avant de passer le relais à son successeur.

Ce délai permet au chef d’entreprise de réfléchir sur les questions de transmission et de succession, notamment sur le plan juridique et fiscal. Par exemple, s’il n’y a pas d’enfant pour assurer la suite de l’entreprise, il faudra définir comment la direction de l’entreprise sera assurée par un tiers. Un certain nombre de règles doivent être mises en place entre les actionnaires passifs et actifs, familiaux et extrafamiliaux, mais aussi dirigeants ou non.

Les membres de la famille peuvent, à cette occasion, définir des objectifs communs et s’interroger sur la nature de leur relation avec l’entreprise.
Hélie de Cornois

Hélie de CornoisHead of Estate Planning & International Patrimonial ServicesBanque Degroof Petercam Luxembourg

Dans ce contexte, la mise en place d’un outil juridique adéquat comme une charte familiale peut s’avérer utile pour instaurer une bonne gouvernance de l’entreprise familiale. Bien qu’elle ne lie pas juridiquement les membres de la famille, elle crée entre eux un engagement moral. Les membres de la famille peuvent, à cette occasion, définir des objectifs communs et s’interroger sur la nature de leur relation avec l’entreprise. Cela permet aussi d’évoquer les questions sensibles, par exemple l’intégration des nouvelles générations ou encore la possibilité pour les membres de la famille de travailler ou non dans l’entreprise. Cela permet d’éviter ou a minima de gérer les crises.

L’incapacité des enfants à assurer la direction dans le bon timing peut justifier l’entrée au capital d’un actionnaire externe, soit en minoritaire, soit en majoritaire. Cela amènera nécessairement une modification des règles de gouvernance pour le cédant. Par exemple, dans certaines opérations de Bimbo (Buy-in Management Buyout), le chef d’entreprise va céder une partie de son capital à un repreneur externe tout en restant actionnaire de la structure de reprise.

La connaissance des clients et du management, du marché et des produits constitue un atout.
Hélie de Cornois

Hélie de CornoisHead of Estate Planning & International Patrimonial ServicesBanque Degroof Petercam Luxembourg

Ce sont des opérations qui ont d’ailleurs une réelle efficience en raison de la meilleure continuité de l’activité de l’entreprise. La connaissance des clients et du management, du marché et des produits constitue un atout. C’est souvent un élément de succès lors de transmissions à des managers externes, qui sont des opérations financières plus risquées. Dans ce cas, il faut réfléchir à la gouvernance pour déterminer les modalités de cet accompagnement.

La réflexion sur l’évolution de l’entreprise familiale peut aussi résulter de facteurs exogènes au propriétaire d’entreprise. Au-delà de la planification successorale, les défis auxquels sont confrontés les groupes familiaux sont nombreux à l’heure actuelle. C’est dans ce cas plutôt le contexte qui provoque cette question de la transmission.

Ainsi, pour faire face à une concurrence internationale accrue, il peut être utile d’avoir recours à des capitaux plus importants. La consolidation dans certains secteurs peut aussi justifier une cession à une autre entreprise ou un rachat.

Il y a aujourd’hui sur le marché beaucoup de liquidités, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.
Hélie de Cornois

Hélie de CornoisHead of Estate Planning & International Patrimonial ServicesBanque Degroof Petercam Luxembourg

En l’absence de regain des taux d’intérêt dans un horizon proche, les perspectives de rapprochement sont actuellement favorables en Europe, où les prix payés dans le cadre de transactions privées ne cessent de croître. Il y a aujourd’hui sur le marché beaucoup de liquidités, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Lorsque le chef d’entreprise est à la tête d’une société florissante et qu’il souhaite la transmettre à son management, familial ou non, ou à un repreneur externe, le financement ne pose actuellement pas souvent de difficultés.

Les valorisations traduisent parfaitement cette réalité. Selon les derniers indices, elles sont aujourd’hui à plus de neuf fois l’Ebitda, soit à des niveaux historiquement très élevés. Ce contexte favorable peut amener le propriétaire d’entreprise à s’interroger sur l’opportunité d’un rapprochement ou d’une cession. Toutefois, pour envisager la vente d’une entreprise familiale, il faut s’assurer au préalable que la société remplisse certains critères (stratégie, flux de trésorerie positifs avec un potentiel de croissance, etc.).

La transmission est une affaire d’experts nécessitant une bonne préparation en amont; elle ne s’improvise donc pas.