«Le variant brésilien viendra de toute façon au Luxembourg, car nous avons de fortes relations avec le Portugal, qui a des liens avec le Brésil», explique Claude Muller. Mais il ne devrait pas pour autant devenir majoritaire – sauf s’il se révèle plus infectieux que les autres variants. (Photo: Miikka Heinonen/LIH)

«Le variant brésilien viendra de toute façon au Luxembourg, car nous avons de fortes relations avec le Portugal, qui a des liens avec le Brésil», explique Claude Muller. Mais il ne devrait pas pour autant devenir majoritaire – sauf s’il se révèle plus infectieux que les autres variants. (Photo: Miikka Heinonen/LIH)

Efficacité des vaccins, impact sur la transmissibilité, durée de l’immunité, effets secondaires, conséquences des nouveaux variants… le professeur Claude Muller, du Luxembourg Institute of Health (LIH), fait le point sur les vaccins.

Quel est le niveau d’efficacité des vaccins contre le Covid-19?

Claude Muller. – «En général, plus un vaccin est efficace, plus il protège, en plus des formes graves, contre les formes simples – les moins graves – du Covid-19. Un vaccin qui fonctionne bien protège même contre l’infection.

Et si le vaccin s’avère moins efficace?

«En cas de moindre efficacité, il protège contre les symptômes les plus graves, mais pas contre les plus simples. Les vaccins que nous avons actuellement protègent contre les formes graves et les formes bénignes des symptômes, ainsi que, ce qui devient de plus en plus évident, contre les infections.

Certains vaccins sont-ils plus efficaces que d’autres?

«Pfizer protège plus rapidement: dès la première dose, après deux ou trois semaines, puis une semaine après la deuxième dose, pour avoir une protection maximale. Pour AstraZeneca, cela met plus de temps. Mais c’est la seule différence. Sinon, il est tout aussi efficace. Surtout, ils protègent tous contre les formes graves de la maladie.

Quel est l’impact des variants sur l’efficacité des vaccins?

«Il y a des différences entre vaccins. La plupart des tests sur l’efficacité des vaccins se concentrent sur la neutralisation par les anticorps. Mais ces tests ne portent pas sur l’immunité cellulaire. Or, même si la neutralisation par les anticorps peut être déficiente, l’immunité cellulaire reste bonne parce que les structures de reconnaissance utilisées par le système cellulaire restent largement conservées. Et il reste quand même dans la plupart des cas un certain niveau de protection par les anticorps. Cette combinaison est donc rassurante.

Même si la neutralisation par les anticorps peut être déficiente, l’immunité cellulaire reste bonne.
Claude Muller

Claude MullerLIH

Quels vaccins peuvent le plus facilement s’adapter aux variants?

«C’est très clair, les vaccins à ARNm (Pfizer-BioNTech et Moderna, ndlr) sont plus adaptables que les vaccins à vecteur viral (AstraZeneca et Johnson & Johnson, ndlr). C’est aussi une question de prix, car il est plus facile de faire des cocktails d’ARN que d’adénovirus.

Qu’est-ce qu’un cocktail de vaccins?

«L’ARN est modifié pour tenir compte des mutations d’un variant particulier d’un virus circulant. S’il y a deux variants qui circulent, on synthétise un ARNm adapté à chacun des variants. Puis, on en fait un cocktail en réunissant les deux – voire trois, ou même cinq différents, d’ailleurs – ensemble. Différents vaccins peuvent ainsi être réunis au sein d’une seule seringue.

Peut-on espérer un vaccin universel, fonctionnant sur tous les variants?

«On n’y est pas. On travaille sur des vaccins universels, le principe est bien compris. Mais est-ce que cela fonctionne? Il n’y a pas de résultats, et on en est encore loin. C’est surtout un bon moyen pour se faire de la publicité, à ce stade.

Différents vaccins peuvent être réunis au sein d’une seule seringue.
Claude Muller

Claude MullerLIH

Doit-on s’inquiéter du variant brésilien? Peut-il devenir majoritaire?

«Pour le moment, il y a très peu de cas. Il n’est d’ailleurs pas encore tellement répandu en Europe, ce qui est étonnant. Mais cela peut changer. Le variant brésilien viendra de toute façon au Luxembourg, car nous avons de fortes relations avec le Portugal, qui a des liens avec le Brésil.

Mais je ne dirais pas qu’il peut devenir majoritaire, sauf s’il est plus infectieux que les autres variants. S’il est moins infectieux, il a moins de chances de s’établir.

Et le variant indien, qui semble faire des ravages?

«Il y aura des variants provenant de partout… Les coronavirus sont très divers, ils sont très répandus parmi différentes espèces animales, donc c’est un virus très diversifié et adaptable. Par conséquent, beaucoup de variants sont possibles.

Mais, de façon très générale, les variants ont tendance à devenir de moins en moins virulents. Ils s’adaptent à leurs hôtes. Et, pour eux, il est contreproductif de les tuer.

Ces vaccins sont-ils efficaces contre la transmissibilité du virus?

«La transmissibilité du virus est considérablement réduite suite à la vaccination. Mais la question doit être posée différemment: à quel degré le facteur R (le taux de reproduction du virus, ndlr) est-il réduit par l’immunisation?

Beaucoup de variants sont possibles.
Claude Muller

Claude MullerLIH

Avec un vaccin, le facteur R peut être réduit d’un facteur de 30, 50 ou 100. Donc, si R est égal à 3 dans une population sans immunité, il pourrait atteindre 0,1 avec une population vaccinée. Nous le constatons sur le terrain au sein des populations immunisées.

L’impact au niveau de la transmissibilité se joue donc au niveau de la société, et non de l’individu?

«Au niveau de la population, on le remarque par la réduction du facteur R. Au niveau de l’individu, le risque d’être infecté se réduit, puisqu’il y a moins de personnes infectées.

En outre, une personne qui serait infectée malgré la vaccination voit sa charge virale réduite, ce qui limite les risques de contamination d’un tiers.

Quelle est la durée de l’immunité de ces vaccins?

«On ne sait pas encore. Mais le début des vaccinations a eu lieu en juin, et l’immunité est toujours là. Pour Pfizer-BioNTech, par exemple, sur base de mon expérience avec d’autres vaccins, je dirais que la durée de l’immunité dure au moins un ou deux ans. Suite à quoi on fera probablement un rappel, comme on le fait pour d’autres vaccins. L’immunité peut alors durer cinq ou dix ans. Sachant que, dès que l’immunité diminue, s’il n’y a plus de protection contre l’infection, celle-ci subsiste encore longtemps contre les formes graves.

Mais cela peut changer en cas de variant. Il faudrait alors une nouvelle dose, qui n’est pas un rappel à proprement parler. Une combinaison avec un antigène modifié dans le cadre d’un cocktail serait alors envisageable.

Les thromboses sont beaucoup plus fréquentes dans le cas de la maladie qu’avec le vaccin.
Claude Muller

Claude MullerLIH

Doit-on s’inquiéter des effets secondaires des vaccins?

«Non! Dans les semaines qui suivent la vaccination, il y a de rares cas de thromboses et de thrombopénies. Mais c’est extrêmement rare. Il y a un cas sur un million pour Johnson & Johnson, et encore moins pour AstraZeneca. Même si l’on ignore tous les autres symptômes et les autres complications du Covid-19, les thromboses sont beaucoup plus fréquentes dans le cas de la maladie qu’avec le vaccin.

Ne constate-t-on pas une forme d’hypervigilance quant à l’observation des effets secondaires des vaccins contre le Covid-19?

«Il faut reconnaître que, plus on trouve d’effets secondaires, plus on devient sensible pour les observer, et plus on devient sensible, plus on en trouve. On regarde actuellement de très, très près: .

Le problème est que l’on compare l’incidence de ces observations à l’incidence avant Covid-19. Or, la sensibilité était alors beaucoup moins élevée. Donc, on compare des nombres sous surveillance élevée avec des nombres historiques, qui étaient sous une surveillance moins élevée – des chiffres qui ne sont pas strictement comparables.

On regarde actuellement de très, très près: tout est signalé concernant ce qui suit les semaines après la vaccination.
Claude Muller

Claude MullerLIH

La réaction des autorités publiques a-t-elle parfois – en arrêtant la vaccination avec AstraZeneca, par exemple – été disproportionnée?

«D’un point de vue immunologie et épidémiologie, je trouve que c’était exagéré. Je ne l’aurais pas arrêté. Car même cette courte interruption, et l’hésitation qui a suivi, a probablement causé plus de morts et d’hospitalisations, notamment en soins intensifs, que si on avait continué. Donc ce n’était pas une bonne décision.

L’ouverture à la vaccination avec AstraZeneca pour les volontaires est-elle une bonne chose?

«C’est une bonne chose de l’ouvrir à ceux qui veulent l’avoir. Ce vaccin est tout à fait recommandable. Je l’ai d’ailleurs conseillé à mon entourage.»