Julien Bellony est Head of Wealth Planning chez Edmond de Rothschild Luxembourg. (Photo: Edmond de Rothschild Luxembourg)

Julien Bellony est Head of Wealth Planning chez Edmond de Rothschild Luxembourg. (Photo: Edmond de Rothschild Luxembourg)

Les droits de succession ne font l’objet d’aucune harmonisation et sont donc susceptibles de différer d’un pays à l’autre, tant aux niveaux des taux, que des méthodes de calcul ou encore des règles de territorialité, y compris au sein de l’Union européenne.

Si certains États appliquent des droits de succession uniquement lorsque le défunt avait dans cet État sa résidence fiscale (Royaume-Uni, Danemark, États-Unis…), d’autres ont un champ d’application plus étendu et prélèvent des impôts également lorsque l’héritier à son domicile fiscal sur leur territoire alors même que la personne décédée était résidente d’un autre État (France, Espagne…).

D’autres pays quant à eux n’appliquent aucun droit de succession, du moins en ligne directe (Norvège, Suède, Australie et Luxembourg).

Dans ce contexte, et alors qu’il n’est pas rare qu’un ou plusieurs membres de la famille abandonnent le confort du Grand-Duché pour aller s’établir dans d’autres pays, il est important de se renseigner sur les règles applicables dans ce nouveau pays d’accueil et d’anticiper la transmission du patrimoine.

Pour rappel, lorsque le défunt a son dernier domicile au Grand-Duché, les droits de succession sont exigibles sur la totalité de ses actifs meubles, et ce, où qu’ils soient situés, ainsi que sur les immeubles situés au Luxembourg.

Les droits de succession sont calculés sur base d’un taux qui varie en fonction du lien de parenté entre le défunt et l’héritier, majoré en fonction de la valeur de l’actif transmis (majoration pouvant aller jusqu’à 22/10e au-delà de 1.750.000€).  

Ainsi, il convient de retenir que les successions sont exonérées en ligne directe (sur la part légale) et entre conjoint, et peuvent s’élever jusqu’à 48% entre tiers (en tenant compte de la majoration).

Si l’héritier réside lui-même au Luxembourg ou dans tout autre pays dont le droit interne prévoit que les droits de succession sont exigibles uniquement lorsque le défunt était résident sur son territoire, alors aucun droit supplémentaire ne sera dû, c’est notamment le cas de la Belgique, de la Suisse ou encore du Royaume-Uni. En revanche, certains pays prévoient que des droits de succession doivent être acquittés lorsque l’héritier/le bénéficiaire est résident sur son territoire quand bien même le défunt était résident luxembourgeois: c’est notamment le cas de la France et de l’Espagne.

En France, l’article 750 ter du Code général des impôts prévoit en effet, que dans le cas où le défunt était domicilié hors de France, des droits sont tout de même exigibles sur l’ensemble des biens meubles ou immeubles situés en France ou hors de France dès lors que l’héritier est domicilié en France au jour de la transmission et l’a été pendant au moins 6 ans au cours des 10 dernières années. Ainsi, dans la mesure où il n’existe pas de convention préventive en matière de double imposition en matière de droit de succession, le patrimoine d’un défunt résident luxembourgeois dont l’enfant réside en France depuis plus de six ans serait soumis aux droits de succession français lesquels peuvent atteindre 45% en ligne directe.

Il en est de même pour l’Espagne où des droits de succession seront exigibles dès lors que l’héritier y a sa résidence. Si les résidents de Madrid peuvent bénéficier d’un abattement de 99%, ceux qui vivent à Barcelone pourront être amenés à payer des droits à hauteur de 32% en ligne directe.  

Anticiper et maitriser le cout de la transmission grâce à la donation

Au Luxembourg, les donations peuvent porter sur tous les éléments du patrimoine du donateur, que ce soient des biens meubles ou immeubles.

En principe, toute donation doit être passée sous forme authentique par-devant notaire, ce qui entraine la perception des droits d’enregistrement, toutefois la jurisprudence admet que certaines donations peuvent s’accomplir sans être soumises à cette obligation.

Ainsi, si le passage devant le notaire est obligatoire lorsque la donation porte sur un immeuble situé au Luxembourg (les donations d’immeubles n’étant soumises à aucun formalisme au Luxembourg), ce n’est pas nécessairement le cas pour les donations portant sur des biens meubles, communément appelées «dons manuels», qui dès lors, peuvent être réalisées sans entraîner le paiement de droits.

Il est toutefois précisé que si le donateur décède dans l’année qui suit la donation, les actifs ainsi transmis sont réintégrés dans le patrimoine du défunt pour le calcul des droits de succession. Cependant, l’impact est limité en l’absence de droits de succession en ligne directe ou entre conjoint.

Par ailleurs, l’enregistrement d’une donation permet de sécuriser la donation en lui donnant date certaine à l’acte et ainsi pouvant le rendre opposable à une administration étrangère si besoin, notamment si la donation est suivie d’un changement de résidence.

Lorsqu’elle est soumise aux droits d’enregistrement, ceux-ci sont calculés sur la valeur vénale du bien transmis (valeur de marché du bien meuble ou immeuble) au jour de la donation, sans aucune déduction des charges afférentes. 

Il est à noter que les règles de territorialité applicables en France et en Espagne pour les successions s’appliquent également pour les donations, ainsi si la donation est réalisée alors que le bénéficiaire a déjà changé de résidence (depuis au moins 6 ans pour la France), des droits pourront être exigibles.

Pour les personnes qui ne souhaiteraient pas transmettre de façon anticipée en estimant que ce n’est pas le bon moment et qu’elles ont besoin des revenus générés par le bien qui serait transmis, il est utile de rappeler que la donation peut s’effectuer avec réserve d’usufruit. On parle alors de donation en démembrement de propriété où l’usufruitier conserve la possibilité d’utiliser le bien transmis ou d’en percevoir les revenus. L’avantage réside notamment dans le fait que la donation porte  uniquement sur la nue-propriété dont la valeur est fonction de l’âge de l’usufruitier, et au décès de ce dernier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans devoir acquitter de droits supplémentaires. 

Prenons par exemple le cas de Mme M résidente au Grand-Duché:

– Elle est âgée de 55 ans, elle possède un immeuble à Luxembourg d’une valeur de 1,5M€ et souhaite faire une donation au profit de son fils, tout en continuant à percevoir les loyers qu’il génère.

– Mme M pourrait donner la nue-propriété à son fils. La base imposable aux droits d’enregistrement sera de 750.000€ (50% de la pleine propriété compte tenu de l’âge de Mme) et les droits s’élèveront à 13.500€.

Au décès de Mme M, le fils deviendra plein propriétaire de l’immeuble sans devoir acquitter de droits supplémentaires, même s’il est parti s’installer en France.

Par comparaison, si rien n’est fait, et que son fils s’est installé en France et qu’elle décède plus de six ans après, alors des droits de succession seront dus en France pour un montant de 412.678€.

Comme nous venons de le voir, lorsque l’on s’interroge sur le coût d’une transmission, il convient de prendre en considération non seulement le domicile du défunt, mais également à supposer que l’on puisse le déterminer à l’avance, celui du ou des bénéficiaires. Afin de prévenir toute mauvaise surprise, la réalisation de donations de son vivant permet d’entériner la fiscalité applicable.