Pour Ananda Kautz, Head of Innovation, Payments & Digital à l’ABBL, «l’un des grands enjeux, pour les acteurs bancaires, réside dans l’intégration des nouvelles exigences réglementaires». (Photo: Maison Moderne)

Pour Ananda Kautz, Head of Innovation, Payments & Digital à l’ABBL, «l’un des grands enjeux, pour les acteurs bancaires, réside dans l’intégration des nouvelles exigences réglementaires». (Photo: Maison Moderne)

Confrontés à des challenges majeurs, ne serait-ce qu’en matière d’intégration de nouvelles exigences réglementaires, les acteurs bancaires doivent intensifier leur transformation numérique en travaillant notamment avec les acteurs de la fintech, en envisageant des stratégies de mutualisation et en capitalisant sur l’upskilling et le reskilling de leurs équipes. 

La transformation numérique de la banque, si le sujet est depuis très longtemps évoqué, gagne en intensité. Pour répondre aux nombreux challenges qui s’imposent à eux tout en préservant leurs marges opérationnelles, les acteurs bancaires n’ont pas d’autre choix que d’innover au départ des solutions technologiques désormais disponibles. «L’un des grands enjeux, pour les acteurs bancaires, réside dans l’intégration des nouvelles exigences réglementaires», commente Ananda Kautz, Head of Innovation, Payments & Digital au sein de l’Association des Banques et Banquiers Luxembourg (ABBL). «Les projets de mise en conformité, de plus en plus lourds, exigent des acteurs de chercher des leviers d’efficience. Un meilleur usage du numérique, dans ce contexte, est devenu inévitable.»

 Entre 2015 et 2020, les coûts liés à la conformité ont augmenté de 16% par an. Les investissements réglementaires représentent en moyenne 38% des investissements des banques et pourraient atteindre 52% pour les banques plus petites. «Si la conformité vise au départ essentiellement la lutte contre la fraude et le blanchiment, d’autres exigences ont été formulées et devront être intégrées dans le modèle opérationnel et organisationnel des organismes de crédit», poursuit Ananda Kautz. «On peut évoquer DORA et NIS2, qui concernent la sécurité et la résilience des systèmes informatiques des acteurs, MICA, qui vise la régulation des actifs numériques, le projet de lois rendant obligatoire le paiement instantané pour tous les acteurs bancaires ou encore l’ensemble des textes relatifs à la finance durable.» La charge réglementaire, qui concerne notamment les risques liés aux nouveaux usages numériques, est pour le moins pesante. 

Levier de création de valeur

 Ces dernières années, l’ABBL a multiplié les initiatives pour accompagner la transformation numérique des acteurs face à ces enjeux. «Récemment encore, nous avons invité des CEO de banques à rencontrer des acteurs de la fintech. Nous nous attendions à recevoir une dizaine de participants. Ils étaient au final plus du double, dont des représentants des plus grandes institutions de la place, commente Ananda Kautz. La mobilisation des dirigeants exécutifs autour de ces sujets révèle une volonté forte de se transformer en capitalisant sur le numérique. La technologie est plus que jamais perçue comme un levier de création de valeur essentiel et la collaboration avec les acteurs de la fintech est désormais considérée par 70% des banques comme un vecteur d’innovation incontournable.»

Il s’agit de permettre aux banques et aux fintechs de se rencontrer, de faciliter le développement de nouvelles formes de collaboration.
Ananda Kautz

Ananda KautzHead of Innovation, Payments & DigitalABBL

 En développant des partenariats avec des acteurs innovants, les banques peuvent en effet gagner en agilité, se transformer plus efficacement. «L’une des difficultés, pour les banques, réside dans le fait de devoir composer avec des systèmes vieillissants, peu flexibles, commente la responsable de l’innovation au sein de l’ABBL. Pour faire évoluer ces environnements informatiques, il faut mener des chantiers complexes et couteux. En travaillant avec des fintechs, en intégrant les solutions qu’elles proposent, on peut plus efficacement générer de la valeur ajoutée en optimisant certains processus ou en améliorant l’expérience client.» À ce niveau, il s’agit de permettre aux banques et aux fintechs de se rencontrer, de faciliter le développement de nouvelles formes de collaboration. «Les choses bougent. Mais nous ne sommes encore qu’au début de tout cela», précise Ananda Kautz. 

Approches mutualisées

 La transformation numérique des banques passe aussi par la mise en œuvre de nouvelles approches opérationnelles. L’ABBL s’est par exemple engagée dans un projet de recherche et développement en collaboration avec le SnT. «La volonté est de mettre en place un modèle d’intelligence artificielle mutualisé pour optimiser les contrôles Know Your Transactions (KYT)», explique Ananda Kautz. Dans la lutte contre la fraude, répondre aux exigences s’avère particulièrement coûteux en raison des investigations à mener suite à une alerte qui s’avère finalement infondée. Dans le cadre de ce projet, l’intelligence artificielle doit permettre de limiter les faux positifs et, de facto, de réduire les coûts de la compliance en accédant par ailleurs à des gains d’efficacité.» Si les réglementations s’appliquent de manière plus ou moins uniforme à l’ensemble des acteurs, il y a un réel intérêt à développer des solutions mutualisées à l’échelle de la place par exemple.

C’est une culture de l’innovation qu’il faut parvenir à développer à l’échelle de chaque organisation.
Ananda Kautz

Ananda KautzHead of Innovation, Payments & DigitalABBL

 La multiplication des projets liés à l’adoption des solutions proposées par les grandes plateformes de cloud public est aussi révélatrice de la volonté des acteurs d’accélérer leur transformation. «Aujourd’hui, selon une étude que nous avons réalisée avec KPMG, plus 70% des banques luxembourgeoises exécutent 10% de leurs opérations au départ d’une application dans le cloud», commente Ananda Kautz. «Ce taux devrait sensiblement augmenter désormais que l’accès au cloud est mieux encadré. À travers ces plateformes, elles accèdent à des solutions innovantes et peuvent aussi gagner en agilité. Le cloud est un vecteur clé d’accélération de la transformation digitale.»

Faire évoluer les compétences

 Si la transformation digitale de l’activité bancaire s’accélère, les défis restent nombreux. En premier lieu, celui des talents et des compétences. «Le numérique soulève de nouvelles problématiques, liées à l’exploitation de la donnée ou encore à la sécurité. Pour y faire face, nous devons parvenir à attirer de nouveaux profils, mais aussi arriver à faire évoluer les compétences actuelles, à travers des approches de re-skilling ou d’up-skilling», explique Ananda Kautz. «C’est en outre une culture de l’innovation qu’il faut parvenir à développer à l’échelle de chaque organisation. Cela commence par une attention particulière portée aux attentes du client, permettant de mieux envisager comment y répondre de manière agile, en mobilisant les bonnes ressources et outils technologiques.» 

 Cette transformation, en outre, devra aussi s’opérer dans un cadre budgétaire qui reste limité. «Entre les obligations, liées à la mise en conformité réglementaire, et les opportunités d’améliorer des processus, la transformation digitale fait l’objet en permanence de compromis et d’arbitrages», explique Ananda Kautz. Elle n’en est pas moins inéluctable.