Le coronavirus a eu raison des chantiers du pays. (Photo: Anthony Dehez / archives Maison Moderne)

Le coronavirus a eu raison des chantiers du pays. (Photo: Anthony Dehez / archives Maison Moderne)

Afin de lutter contre la propagation du coronavirus, tous les chantiers du pays sont à l’arrêt depuis le vendredi 20 mars 17h. Au-delà des entreprises de construction, c’est tout un secteur qui est touché.

En trois jours, tous les chantiers du pays ont dû se mettre à l’arrêt. Le soleil a beau briller dans le ciel, il ne s’agit pourtant pas encore des congés collectifs. Pas de combat de gel non plus, ni de tempête de neige. Non, il s’agit d’un ennemi invisible, le Covid-19, une particule microscopique qui est pourtant plus forte que toutes les grues et les tractopelles du pays rassemblées.

«Tous nos ouvriers sont renvoyés chez eux jusqu’à nouvel ordre, annonce , directeur général de l’entreprise de construction Soludec. Seule une trentaine de personnes continuent de travailler au bureau en respectant les consignes de sécurité ou en télétravail. Mais combien de temps cela va-t-il pouvoir durer? Je ne peux pas vous le dire. Certains ont du travail pour deux mois, d’autres pour quelques jours. Cela va être très variable.»

«Nous allons pouvoir rattraper le retard, traiter le travail moins urgent, ainsi que tout préparer au mieux pour la reprise, travailler au développement des projets, dessiner les plans et les métrés, explique Paul Feider, directeur administratif, commercial et financier de Felix Giorgetti. Nous allons aussi rattraper le retard en facturation, veiller à avoir une trésorerie positive. Cela nous permettra d’honorer les factures de nos sous-traitants, ce qui est important, car eux aussi vont avoir besoin de trésorerie. Nous devons les soutenir dans ce moment difficile et nous assurer qu’ils seront toujours là au moment de la reprise, sinon nous ne pourrons pas reprendre le travail.»

L’expérience des intempéries

Au niveau administratif, les entreprises de construction savent gérer ce type d’arrêt soudain pour en avoir l’habitude en cas d’intempérie. «Tous les chantiers sont impactés, que ce soient les chantiers de l’État comme ceux des privés, des CFL, les infrastructures routières, mais aussi les immeubles de logements ou de bureaux», observe Paul Feider.

Dans ce contexte, les entreprises de construction peuvent avoir recours au chômage partiel. Les employés toucheront 80% de leur salaire, avec un maximum de 2,5 salaires.

«Le but est de préserver la santé de nos employés et de préserver la viabilité de la société, rassure Jacques Brauch. Nous sommes solides, nous pouvons tenir, mais pas indéfiniment. Notre chiffre d’affaires est de 8 à 10 millions par mois. Si nous faisons une pause de deux mois, ce sera donc une perte du chiffre d’affaires de 15 à 20 millions. Les frais généraux ne pourront plus être couverts et nous aurons par conséquent un risque de ne pas faire de bénéfice. Je reste toutefois assez confiant, car le carnet de commandes est bien rempli et les maîtres d’ouvrage sont impatients de voir les projets avancer. Je ne pense pas que nous aurons un climat de régression. Mais nous aurons inévitablement des retards sur les projets et les livraisons. Il ne manquait que trois ou quatre semaines de travail par exemple, ou l’immeuble du Mama Shelter au Kirchberg qui devait être livré le 15 avril.»

Par ailleurs, la question des congés collectifs de cet été va évidemment se poser. «Je pense qu’il va falloir réfléchir à les déplacer ou à exceptionnellement les annuler cette année. La discussion va forcément venir sur la table dans les prochains jours. Il ne me semble pas envisageable de mettre quasi à l’arrêt tout un pays, puis de partir en congé quelques semaines après la reprise», analyse Jacques Brauch.

Déjà des dégâts collatéraux

Mais les entreprises de construction ne sont pas les seules concernées par l’arrêt des chantiers. Cela impacte aussi les artisans, les entreprises qui interviennent dans le domaine du second œuvre, tout comme les architectes, les ingénieurs, les géomètres, les paysagistes… Certains d’entre eux avaient vu le vent tourner et s’y étaient préparés.

C’est le cas par exemple du bureau d’ingénieurs Betic. «Nous avons commencé à nous organiser dès le début du mois de mars, quand nous avons vu la situation s’enliser dans les autres pays, explique , co-CEO du bureau. Nous avons alors vérifié notre matériel en amont pour nous permettre de travailler depuis la maison dans de bonnes conditions, même si le télétravail ne faisait pas encore partie de nos habitudes.» En effet, pour exercer ces métiers, que ce soit pour les ingénieurs ou les architectes, les postes de travail nécessitent d’utiliser des logiciels très puissants, plusieurs écrans, une connexion internet à haut débit… «Nos collaborateurs partaient par petits groupes avec leur poste de travail complet à la maison pour le tester et y apporter les modifications nécessaires une fois de retour au bureau.» Cette stratégie s’est avérée être payante, car dès que le gouvernement a annoncé les mesures à prendre, les employés de Betic ont pu poursuivre leur activité depuis leur domicile.

Pour les architectes de Steinmetzdemeyer, le changement a été plus aisé. «Heureusement, nous avons mis sur le cloud un système qui nous permet de travailler à distance, détaille , architecte et partenaire de Steinmetzdemeyer. Ainsi, nos collaborateurs peuvent plus facilement travailler de chez eux sans avoir nécessairement recours à des machines hautement performantes. Grâce à cela, nous restons opérationnels, même en dehors du bureau.» La digitalisation de ces professions ces dernières années a beaucoup aidé à rendre le télétravail possible. Aujourd’hui, les équipes conceptrices ont déjà l’habitude de travailler avec des plates-formes d’échanges, des outils de partage. La philosophie du paperless conduit à plus de réactivité, les collaborateurs sont équipés de GSM ou de tablette et peuvent aisément communiquer avec le reste de l’équipe ou les clients.

En attendant la reprise

S’il n’est pas possible de connaître aujourd’hui la date de la reprise, il faudra quand même s’attendre à une certaine lenteur de redémarrage. «La fermeture des chantiers dans le pays représente environ 25% de notre activité, explique David Determe. Nous savons que cette situation aura une influence sur la productivité et que les processus de conception seront ralentis. Toutefois, nous assurons une continuité des services et profitons du temps rendu libre pour avancer sur des projets internes, optimiser nos processus, ce qui nous permettra d’être plus forts une fois cette épreuve passée.»