Claude Wagner (CEO Batipro): «Au prix du mètre carré, entreposer des blocs et des briques sur notre sol est devenu une aberration.»  (Photo: Batipro)

Claude Wagner (CEO Batipro): «Au prix du mètre carré, entreposer des blocs et des briques sur notre sol est devenu une aberration.»  (Photo: Batipro)

Présent dans les quatre pays de la Grande Région dans le secteur des matériaux, Claude Wagner, CEO de Batipro, partage son expérience de la conduite d’activités sur plusieurs territoires. 

Vous couvrez les quatre pays de la Grande Région, ce qui est plutôt rare. Cela part d’une volonté ou c’est le fruit du hasard?

– Le fruit du hasard, non. Mais le fruit d’opportunités qui se sont présentées, oui! Jusqu’en 2006, Batipro – qui s’appelait alors Bati C –, notre enseigne spécialisée dans les matériaux lourds de construction, n’était présente qu’au Luxembourg. Puis, nous avons repris une ­société à Thionville. Avant que l’occasion se présente, en 2013, du côté de Bastogne et d’Arlon. Trois autres sites belges ont suivi (Athus, Libramont et Rochefort). Des sites complémentaires, vu que nous évoluons dans un secteur où on ne peut se permettre que de travailler dans un certain périmètre. Pour rester rentable, il ne peut excéder 80 km. 

Et pour l’Allemagne?

Nous y avons un pied-à-terre, à Perl, depuis 2010. À l’époque, c’était une manière d’avoir accès à des fournisseurs allemands qui voulaient une adresse de facturation sur leur territoire pour nous livrer. Aujourd’hui, la situation est différente. Nous possédons un deuxième dépôt, à Trèves, et nous affichons la volonté de nous développer sur un marché allemand différent.

Désormais, Batipro est situé à cinq endroits au Luxembourg, cinq autres en Belgique, sans oublier Thionville et le duo Perl-Trèves. Pour un total de plus ou moins 600 salariés. À côté, au Grand-Duché, nous couvrons aussi le bricolage avec cinq magasins Batiself. Et puis le sport, avec Intersport, Citabel, S-Cape et depuis peu Freelander’s, avec qui nous collaborons en vue d’une intégration dans notre groupe.  

Quelles sont les principales différences que vous relevez entre les quatre pays que vous couvrez?

La première chose qui me vient en tête, c’est le domaine foncier! Je n’ai pas besoin de vous expliquer la situation luxembourgeoise… Nous venons d’acquérir un terrain d’un hectare à Athus, pour 500.000 euros. En France ou en Allemagne, on aurait tourné autour de la même somme. Par contre, chez nous, je suis presque sûr qu’en donnant dix fois ce montant, je ne l’aurais pas obtenu! Au prix du mètre carré, entreposer des blocs et des briques sur notre sol est devenu une aberration. Et pourtant, nous sommes obligés de le faire, afin d’avoir du stock et de pouvoir ainsi répondre rapidement aux demandes. C’est l’une de nos forces. Nous devons la conserver.

Les fiscalités sont différentes aussi…

Oui. Au niveau de l’imposition des bénéfices, mais pas seulement. C’est aussi le cas en termes de fiscalité sociale. Ainsi, je vous avoue avoir de gros soucis à garder mon personnel d’Athus, d’Arlon ou de Bastogne. Tout le monde voudrait venir travailler là où c’est le plus avantageux financièrement: au Luxembourg. Une dynamique renforcée par des législations sociales différentes: les congés parentaux, les allocations familiales, etc., mais aussi l’indemnité de ­maladie ou de licenciement. Au Grand-Duché, le licenciement est bien compensé, par exemple, contrairement à la France… Quand on met tout ça bout à bout, on comprend qu’il peut devenir très compliqué d’accepter sa situation. Où est le mérite? D’autant plus que les cotisations sociales sont plus importantes chez nos voisins…

Comment fonctionnez-vous?

Toutes les décisions stratégiques à moyen ou long terme sont prises là où se situe mon bureau, à Bertrange. Mais je laisse beaucoup d’auto­nomie aux différentes antennes et aux gens sur le terrain. Ce sont eux qui font le business. En termes de gestion, nous avons des bureaux du personnel dans chaque pays. Après, je ne sais pas si vous avez déjà vu une fiche de salaire belge ou française. Les législations sont d’un compliqué… La loi luxembourgeoise est bien plus simple. Mais du coup, en Allemagne, en Belgique et en France, nous avons “outsourcé” vers des bureaux spécialisés en la matière.

Vous rêvez d’une harmonisation?

Elle me simplifierait la vie! Mais toute la question serait de savoir à quel niveau la mettre en place. L’idéal serait que nos voisins offrent les mêmes avantages que le Luxembourg. Que tout le monde puisse en profiter. Mais je me rends compte que c’est un vœu pieux. Et une harmonisation via un nivellement par le bas serait préjudiciable…

Et les consommateurs, sont-ils les mêmes partout?

Non. C’est donc très enrichissant d’être dans ces quatre pays. Instructif même, en termes de comportements, mentalités, etc. En ­Belgique, par exemple, les gens construisent ou rénovent beaucoup eux-mêmes. Tout l’inverse du Luxembourg.

Si tout était à refaire, vous réinvestiriez dans ces quatre territoires?

Comme tout le monde, j’ai fait des erreurs. C’est évident. Après, j’avoue que la France est un pays où il est difficile de gagner sa vie. Dans le négoce, en tout cas. Faire reconnaître sa compétence et sa qualité lorsque l’on souhaite évoluer à un niveau supérieur à la certification française est très compliqué. On y retrouve également davantage de freins au développement. Et socialement, ce n’est pas toujours simple d’impliquer les gens…

C’est le stéréotype du Français râleur que vous dépeignez là…

On va dire qu’il ne vient pas de nulle part [sourire]. 

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  parue le 30 mars 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

Votre entreprise est membre du Paperjam Club? Vous pouvez demander un abonnement à votre nom. Dites-le-nous via