Malgré les efforts de sensibilisation, la situation des femmes dans la formation aux nouvelles technologies évolue lentement. (Photo: Shutterstock)

Malgré les efforts de sensibilisation, la situation des femmes dans la formation aux nouvelles technologies évolue lentement. (Photo: Shutterstock)

La part des femmes dans la formation professionnelle continue, en ce qui concerne les nouvelles technologies, reste faible, descendant à 10% dans certains domaines techniques. Une conséquence de schémas appris dès l’enfance qui ont encore du mal à évoluer.

Le temps passe, les stéréotypes restent. Selon le «» de la Commission européenne, les femmes représentent au Luxembourg 16,8% des spécialistes des TIC (technologies de l’information et de la communication). La moyenne européenne n’est pas beaucoup plus haute, à 17,7%. Triste constat, à la veille de la journée internationale des femmes dans le secteur des nouvelles technologies, ou «Girls in ICT Day». Cette année, l’événement initié en 2014 par l’Union internationale des télécommunications a en effet lieu le jeudi 22 avril.

De 5 à 30%

Ressent-on une évolution au niveau de la formation professionnelle continue? Chez Oxiane, qui offre un catalogue de 350 formations majoritairement axées sur les nouvelles technologies, «cela commence à aller mieux, mais ce n’est pas encore ça», résume Nathalie Thielemans, directrice générale de l’organisme au Luxembourg. Pour la partie «méthodologie, analyse business, web design, testing d’applications», 25% des participantes sont des femmes. Un taux qui tombe à 10% quand on entre dans des domaines «plus techniques», révèle-t-elle, comme «la cybersécurité, les bases de données, ou tout simplement la programmation». En revanche, elles deviennent majoritaires (80%) lorsqu’il s’agit de sujets plus larges, comme la formation à des outils permettant de faire des rapports, pour les personnes travaillant dans la comptabilité par exemple. Même au niveau des formateurs, seulement 30% sont des femmes.

En moyenne, Nathalie Thielemans constate une augmentation de 5 à 10% de la part des femmes dans le secteur en 20 ans. Aucune action n’est faite pour les attirer, mais «c’est une idée intéressante», dit-elle. 

Les formations d’Oxiane s’adressent surtout à des personnes ayant déjà fait des études en rapport avec l’informatique. Pour celles qui voudraient s’y mettre plus tard, notamment dans le cadre d’une recherche d’emploi, l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem) propose plusieurs formations. Il y a le module «Coding Jobs», avec Numericall, pour apprendre à coder. Lancé en 2015, il n’attire en moyenne que 21% de femmes, sur un total de 246 personnes. Un chiffre en «légère augmentation au fil des ans, mais globalement stable». Les résultats sont meilleurs pour la formation Fit4Digital Future, où le taux de participation féminine s’élève à 45% depuis 2017.

Sensibiliser

«Il y a bien sûr une sensibilisation qui est faite auprès de nos demandeuses d’emploi, et ce de la part de leurs conseillers professionnels. Mais à l’Adem, nous raisonnons plutôt en termes de projet professionnel. Lorsqu’un candidat nous expose un projet qui correspond à une formation, nous l’incitons à participer. Peu importe qu’il soit un homme ou une femme», précise l’agence.

L’organisme de formation Numericall, qui s’occupe de Coding Jobs avec l’Adem, a été créé avec la volonté de rendre «accessible le code pour tous», raconte Brigitte Lepage, cofondatrice, en proposant des «bootcamp» de quelques mois au lieu de longues études. Pourtant, on n’atteint pas encore l’égalité entre les sexes. «D’une femme, au départ, pour Coding Jobs, on est passé à trois, puis cinq à six par session», sur 18 participants en général.

«Le mieux pour attirer les femmes est de leur expliquer le milieu du digital et les tas de métiers d’avenir possibles», estime Brigitte Lepage. Une des raisons qui l’ont poussée à lancer une formation pilote gratuite, «My Compass», visant à découvrir les métiers liés aux nouvelles technologies. Des témoignages de femmes travaillant dans la tech y sont inclus. La première session, qui s’est achevée en février, a été suivie par 30 à 40% de femmes. Dont trois ou quatre ont ensuite rejoint le programme d’apprentissage du code. Une prochaine session doit démarrer le 17 mai.

Le poids des stéréotypes

«Le message est très clair, on veut plus de femmes dans l’informatique, on leur dit que le secteur offre de nombreuses opportunités», analyse , à la tête de l’asbl Women in Digital Empowerment (Wide). Pourtant, «elles restent minoritaires dans ce genre de formations».

L’association organise déjà depuis plusieurs années des opérations de sensibilisation, comme des initiations régulières au code. Plus récemment, elle s’est associée à Huawei pour une formation en ligne et gratuite sur le même sujet, pour «familiariser les femmes aux TIC», et qui démarrera le 26 avril. En visant un public féminin, l’association compte généralement 90% de femmes parmi ses participants. Depuis son lancement il y a sept ans, «on estime qu’il y a au moins 1.000 femmes qui ont essayé de faire du coding», calcule-t-elle alors.

Les choix d’orientation ne leur appartiennent pas.
Marina Andrieu

Marina AndrieufondatriceWide

Après la sensibilisation, l’asbl dirige les participantes souhaitant poursuivre leur parcours dans la tech vers d’autres formations, comme Coding Jobs ou celles des chambres professionnelles. À ce sujet, la House of Training (issue de la Chambre de commerce) n’a pas pu nous fournir de données sur le sexe des participants. Marina Andrieu remarque tout de même que «plus c’est tech, plus c’est masculin». Les femmes se dirigeant surtout vers le design web, les fonctions plus commerciales, de gestion de projet, mais peu dans la cybersécurité, l’industrie ou la finance.

«Il y a toujours eu un intérêt et trouver des participantes n’a jamais été un problème», souligne-t-elle. L’évolution tarderait surtout au niveau des choix d’orientation. «Le poids des stéréotypes reste très fort, les parents encouragent moins leurs filles aux études scientifiques ou d’ingénieur. Les choix d’orientation ne leur appartiennent pas.» Pour que les choses changent, «c’est vraiment une question d’éducation». Et cela commence «dès la crèche, avec les jouets qu’on donne aux enfants».