Mieux vaut avoir le nez creux, quelques solides convictions, une bonne équipe d’analystes et des outils d’analyse de données performants pour miser sur les actifs à potentiel. (Photo: Shutterstock)

Mieux vaut avoir le nez creux, quelques solides convictions, une bonne équipe d’analystes et des outils d’analyse de données performants pour miser sur les actifs à potentiel. (Photo: Shutterstock)

Au gré de nombreuses conférences en ligne, les gérants de fonds partagent leurs stratégies d’investissement dans le contexte actuel de forte volatilité des marchés générée par la crise du Covid-19. S’ils reviennent prudemment sur les actions chinoises et le marché du crédit, ils boudent les marchés émergents.

C’est peu dire que les gérants s’arrachent les cheveux depuis le début de l’année... Entre mi-février et mi-mars, de leur valeur.

À l’heure où nous écrivons, quelques rallyes boursiers à la hausse ont été observés: ainsi, les principaux indices ont pris environ 20% par rapport à leur niveau de mi-mars.

Ce qui ne signifie pas pour autant un retour à une tendance haussière durable sur les marchés: aujourd’hui, la volatilité reste importante, et les opportunités peu nombreuses. Dès lors, les professionnels de la gestion d’actifs adoptent des stratégies tactiques. En somme, ils ont enclenché le pilotage manuel pour traverser la tempête.

Mieux vaut avoir le nez creux, quelques solides convictions, une bonne équipe d’analystes et des outils d’analyse de données performants pour miser sur les secteurs d’activité, les classes d’actifs ou les zones géographiques à potentiel.

Passage en revue des opportunités décelées par les gérants, et des actifs qu’ils délaissent a contrario.

Les tops

- Le marché action: IT et santé recherchés

«Sur le plan positif, on peut noter tout d’abord que, toutes choses étant égales par ailleurs, les actions sont devenues moins chères. Leur potentiel de rendement sur le long terme, qui fut très faible avant la chute, a donc augmenté», constate Guy Wagner, managing director de Banque de Luxembourg Investments, dans une note d’analyse parue le 9 avril.

Columbia Threadneedle Investments renforce ainsi ses positions sur les biens de consommation, la technologie de l’information, les soins de santé, ou encore les services de communication.

Candriam cible de son côté les valeurs de la santé et des technologies.

«Il faut faire une vraie distinction entre les entreprises dont la croissance est globalement indépendante du cycle de crise, et celles dont la croissance est sensible à l’environnement actuel», note Axelle Pinon, equity product specialist manager chez Carmignac, lors d’un webinar le 9 avril.

La société de gestion investit donc dans des sociétés qui peuvent «bien se comporter» dans la période post-Covid, et positionnées sur des tendances longues de consommation. C’est par exemple le cas des entreprises spécialisées dans le paiement électronique et sur toute sa chaîne de valeur.

Carmignac a cependant fortement baissé son exposition globale aux actions: Carmignac Patrimoine, le fonds phare du groupe, est ainsi passé d’une exposition de 44% aux actions fin février à 11% environ au 20 mars.

- Les actions chinoises et coréennes, avec parcimonie

Columbia Threadneedle Investments a un coup de cœur pour Alibaba, plus grande plate-forme de commerce électronique en Chine, et pour Tencent, plate-forme en ligne leader avec plus d’un milliard d’utilisateurs mensuels actifs. «Samsung, SK Hynix et TSMC, quant à eux, sont bénéficiaires des thèmes à long terme tels que le cloud et la 5G, et représentent donc également d’excellentes opportunités», ajoute Dara White, global head of emerging market equities chez Columbia.

Carmignac cible également les actions chinoises domestiques, en particulier le commerce en ligne, la santé ou les data centers.

Pictet Asset Management vise quant à lui les valeurs internet, comme JD.com (commerce en ligne) ou Tencent, et le secteur de l’éducation en ligne, avec des sociétés comme GSX ou TAL. «Ce sont des sociétés qui peuvent bénéficier du pendant et de l’après-Covid», estime Frédéric Rollin, stratégiste chez Pictet Asset Management, lors d’un webinar le 9 avril.

Le gérant cible aussi les sociétés européennes implantées en Chine, notamment les produits de luxe, dans le domaine des boissons ou des cosmétiques.

- Le marché du crédit, retour en grâce

La corporate a permis aux investisseurs d’acheter à nouveau de la dette d’entreprises. La plupart des investisseurs ciblent cependant les sociétés aux fondamentaux solides pour se prémunir contre le risque de défaut.

Carmignac a ainsi renforcé son exposition sur le marché du crédit, de manière sélective: sur de courtes maturités, sur des notations BBB ou au-delà, et sur certains noms spécifiques, mais le gérant se méfie cependant de la forte volatilité possible de cette classe d’actifs.

- L’or, valeur refuge

Tous les gérants signalent qu’ils conservent un minimum d’exposition sur l’or et les sociétés qui exploitent la matière première, toujours considérée comme une valeur refuge.

Les flops

- Les marchés émergents, à éviter

La pandémie étant encore dans une phase ascendante dans les pays émergents, les investisseurs délaissent l’Afrique et l’Asie.

«La Chine fait figure d’exception dans un paysage où il est encore trop tôt et difficile de savoir quel impact va avoir l’épidémie de Covid sur les pays émergents», explique Axelle Pinon.

- Les actions sectorielles du tourisme, de l’aéronautique et de la finance, sinistrées

Columbia Threadneedle Investments précise avoir sous-pondéré les matériaux, les biens de consommation essentiels, la finance et l’énergie.

Les secteur de l’aéronautique et du tourisme sont délaissés par tous les gérants: Carmignac reste uniquement investi sur les équipementiers aéronautiques, qui sont sollicités pour la maintenance, ou sur les logiciels informatiques utilisés par l’industrie touristique.

Candriam tout comme Pictet . Selon Frédéric Rollin, «les banques européennes ont fait beaucoup d’efforts sur leurs ratios financiers de liquidité et de solvabilité. Mais nous préférons des secteurs avec une croissance plus visible. Les banques risquent de connaître une pression durable sur leurs marges et sur la qualité de leurs portefeuilles de crédits.»

Et après?

Didier Saint-Georges, managing director et membre du comité stratégique d’investissement de Carmignac, prévient d’un possible retour de bâton: «Depuis une quinzaine de jours, nous sommes rentrés dans la phase où les marchés se reprennent après la phase de panique. Mais dans le même temps, les marchés vont aussi bientôt prendre la mesure concrète de l’effondrement de l’activité économique depuis 2-3 semaines, puisque les chiffres réels vont commencer à être publiés. Donc il nous semble raisonnable d’anticiper, pendant cette deuxième phase, des marchés tiraillés entre vagues d’espoir et durs rappels à la réalité, donc avec des hauts et des bas, potentiellement de grande ampleur.»

Les conseils d’investissement

David Ross, CFA, gérant actions internationales à La Financière de l’échiquier, dans une note du 2 avril: «Si un titre s’effondre, il faut analyser la situation et prendre une décision. Soit vous achetez davantage, parce que vous êtes convaincu d’avoir raison sur un titre, soit vous vendez parce que vous avez eu tort. Beaucoup d’investisseurs attendent simplement en espérant que le cours se redresse. Mais l’espoir n’est pas une stratégie.»

De son côté, Dara White, global head of emerging market equities chez Columbia Threadneedle Investments, explique dans une note du 8 avril: «En tant qu’investisseurs à long terme, nous profitons de l’opportunité pour acheter des sociétés qui nous intéressent depuis un ou deux ans, voire plus, en exploitant les évaluations attrayantes et en augmentant le niveau de la qualité du portefeuille. Nous essayons de faire la part des choses entre nos émotions face à ce que nous voyons sur nos écrans et ce que nous avons ressenti lorsque nous avons rencontré les sociétés pour la dernière fois pour prendre nos décisions, en nous concentrant sur les actions.»

Pour aller plus loin:

- Carmignac fait un express (15 minutes) chaque jeudi à 16h pour la version française, conduit par Didier Saint-Georges et deux de ses gérants.

- Candriam a également mis en place , généralement introduit par un bilan macroéconomique, réalisé par Florence Pisani, global head of economic research.

- Pictet Asset Management organise des webconférences régulières, généralistes ou thématiques.

- Guy Wagner (BLI) ainsi que ses équipes postent régulièrement des analyses