«On livre une prestation à un moment donné, et on n’a qu’une seule chance de réussir. Sans droit de se rater. Mais cette pression, on l’aime, elle est source de plaisir», explique le CEO Tom Steffen, à quelques encablures du Paperjam Top 100. (Photo: www.arthurranzy.com/Maison Moderne)

«On livre une prestation à un moment donné, et on n’a qu’une seule chance de réussir. Sans droit de se rater. Mais cette pression, on l’aime, elle est source de plaisir», explique le CEO Tom Steffen, à quelques encablures du Paperjam Top 100. (Photo: www.arthurranzy.com/Maison Moderne)

Le CEO du Groupe Steffen, Tom Steffen, raconte comment, au côté du chef étoilé Cyril Molard, il prépare la soirée du Paperjam Top 100, le 10 décembre à la Rockhal, prêt à affronter les attentes d’un millier d’invités.

En temps normal, vous êtes sujet au trac?

. – «Non, pas vraiment. On est dans un métier qui nous ôte tout cela. Il y a de la pression en revanche. On livre une prestation à un moment donné, et on n’a qu’une seule chance de réussir. Sans droit de se rater. Mais cette pression, on apprend à la gérer avec le temps. On l’aime, elle est source de plaisir.

Dites-nous quand même… Sur une échelle de 1 à 10, où situer votre niveau de stress avant la soirée du 10 décembre?

«À 100. Comme le Top 100 (sourire). C’est une très belle soirée sur la place luxembourgeoise, tous les décideurs économiques du pays sont réunis. Pour nous, c’est une chance, l’occasion de nous présenter sous notre meilleur aspect. J’y reviens, il y a encore plus de pression que d’habitude.

Le standing de l’audience, c’est un paramètre dans l’orchestration d’une soirée?

«Notre exigence qualitative est la même que pour tous les autres événements de l’année. On a envie de montrer aux invités notre savoir-faire. Tout en sortant du cadre habituel de nos prestations.

Quelles surprises concoctez-vous?

«L’événement dans son ensemble doit laisser des marques d’excellence. La surprise de cette année, c’est la collaboration avec (à la tête de Ma Langue Sourit, ndlr). Un chef d’exception avec qui on a assez régulièrement la chance de travailler. L’ambition, c’est de montrer l’alliance de l’artisanat, poussé à l’extrême, et de l’art culinaire, poussé à l’extrême, que Cyril personnalise si fortement. Sur le papier, cela peut sembler un peu s’opposer. Mais non, pas du tout. Ce sont deux métiers qui se respectent énormément. Et qui peuvent travailler main dans la main lorsque c’est bien organisé. Ce qui est le cas dans le cadre du Top 100.

Sur quoi repose la réussite de ce mariage entre traiteur et chef étoilé, justement?

«Sur une préoccupation: comment interpréter les exigences élevées de Cyril et de ses équipes, tous les jours, dans un restaurant de 40, 50 ou 60 couverts, sur un lieu où l’on ne dispose même pas d’une cuisine, et pour un millier de personnes? Il faut trouver des réponses à toutes les questions qu’un événement soulève. C’est un parcours très inspirant pour les équipes de Steffen Traiteur. On a la chance de collaborer avec des personnes aussi exigeantes que Cyril. L’humilité fait que l’on va mutuellement s’écouter. Cette synergie est très puissante, tant philosophiquement qu’opérationnellement. Chacun ouvre sa vision et son angle de vue sur l’autre.

Cyril (Molard) a une approche très personnelle, très terre à terre. Il dégage une autorité très naturelle.
Tom Steffen

Tom SteffenCEOGroupe Steffen

Concrètement, qu’apprend-on d’une collaboration avec un chef aussi réputé?

«La précision. Le côté ‘répliquable’ d’un geste. L’exigence. La recherche sur les produits.

Et côté personnalité? C’est comment, en coulisse, de bosser avec une personnalité de la trempe de Cyril Molard?

«Génial.

OK, mais sans flagornerie?

«Vraiment génial. On a eu la chance de collaborer avec de nombreux chefs étoilés, cela nous a beaucoup appris. Cyril a une approche très personnelle, très terre à terre. Il dégage une autorité très naturelle. Il y a deux types de personnes dans le monde: celles qui pour se faire entendre haussent le ton et celles que, très naturellement, tout le monde écoute. Cyril se situe dans la seconde catégorie.

Quand avez-vous commencé à réfléchir au menu?

«À partir du printemps. Mars-avril.

Avec combien de prises de bec entre vous, depuis?

«Zéro! Le chef Molard a un grand respect pour notre métier. Il est d’une grande humilité vis-à-vis du fait de servir 1.000 personnes. Et nous, on est très humbles par rapport à son imagination, sa créativité et son niveau d’excellence. Quand le chef a un mot à dire, on écoute. Et quand nous, on pointe les limites de quelque chose, le chef a la bienveillance de bien vouloir nous écouter aussi.

Et donc, ce menu? Pour le moment il est tenu secret, mais vous pouvez nous dire: c’est une proposition qui porte davantage la griffe de Cyril Molard ou celle du Steffen?

«Le plat principal est signé Cyril Molard. L’apéritif, l’entrée et le dessert sont signés Steffen. Maison Moderne nous fait confiance sur cet événement qui, me semble-t-il, est le plus important du calendrier. Il y a pour nous la joie de pouvoir sortir un peu des sentiers battus. Une grande partie de plaisir. Dans ce type de soirée, les assiettes viennent en complément d’un ballet. Il y a un climat. Nous sommes là pour embellir le reste.

Quel est le plus gros défi logistique? L’absence de cuisine, comme vous y avez fait allusion?

«Non, ça c’est le côté matériel, on sait le résoudre. L’enjeu, il est davantage sur la quarantaine de personnes affectées au service, et aux 35 actives en cuisine. Leur attribuer un rôle, une fonction. Leur faire comprendre, en 30 ou 45 minutes, l’ampleur de l’événement. Les briefer sur les mois de travail qu’on y a passés. Faire en sorte que ça clique.

Si nous, en tant que traiteur, on ne dicte pas le rythme du service, ce sont les 1.000 personnes qui donnent le rythme.
Tom Steffen

Tom SteffenCEOGroupe Steffen

Pour une soirée d’un millier de convives, la liste des questions dont vous parliez tout à l’heure est plus importante qu’en d’autres circonstances?

«Pas forcément. Pour peu qu’il ne soit pas insurmontable, l’imprévu dans le cas d’une soirée de 1.000 personnes peut être plus facilement géré que sur une prestation pour un mariage de 80 convives. Sur une telle soirée, on sait que si nous, en tant que traiteur, on ne dicte pas le rythme du service, on perd le fil, et ce sont les 1.000 personnes qui donnent le rythme. Une vigilance particulière s’exerce là-dessus. Notre rôle premier, au-delà de l’expérience culinaire que les invités vont vivre, c’est d’être là quand les gens ont besoin de nous. Et de disparaître le reste du temps. Nous sommes au service ‘de’. Au service d’une expérience.

Dans la comédie française «Le Sens de la fête», au cinéma, le traiteur en charge d’un mariage fait partir des plateaux de feuilletés aux anchois décongelés pour camoufler un problème avec l’entrée. Dans la vraie vie, les plans B existent aussi?

«Il y a des moments où il faut savoir improviser… Je prends l’exemple d’un mariage où au moment de mettre les assiettes en chauffe pour l’entrée, trois piles se sont effondrées. On avait au bas mot 18 minutes devant nous, pour un mariage de 200 personnes. Ce jour-là, je n’ai pas tout à fait respecté le Code de la route. Il faut réagir.

Le plus important, dans une soirée d’envergure, c’est le conducteur?

«Oui. Ainsi que la communication. C’est une chose d’avoir un timing, c’en est une autre de le mettre à jour. Un discours qui se prolonge, deux minutes en plus ou en moins, cela a un impact sur tout le reste de la soirée.

Votre rôle à vous, dès lors?

«Je reste toujours à côté de nos équipes. Si jamais il y a un imprévu…

Six boucheries, trois restaurants, deux take-aways, un service traiteur, 270 employés sous vos ordres… Où trouvez-vous le temps pour ce challenge?

«On le trouve pas ce temps, on se le crée. La diversification a toujours été dans notre ADN. Et elle nous a souvent donné raison. Depuis 1989 (année de création de la marque Steffen, ndlr), on vit des périodes parfois plus dures dans un métier que dans l’autre. Dans l’alimentaire, la question des crises n’est pas de savoir ‘si’, mais ‘quand’. Cette diversification nous a permis de ne pas renier notre fil rouge et nos valeurs. Je suis un boucher du matin, je suis un traiteur de l’après-midi, un restaurateur du soir… Il faut jongler avec beaucoup de balles. Cela a un gros impact sur les équipes. Le cumul des différentes crises successives que l’on est en train de vivre est très challenging. Il faut savoir où l’on met les pieds.

Qu’aimeriez-vous que l’on dise en début de nuit, le 10 décembre, quand tout le monde aura enfilé son manteau et reposé sa serviette sur la nappe, avant de partir?

«’Bravo et merci. J’ai passé une très bonne soirée.’ C’est tout ce que j’ai envie d’entendre. Message qu’ensuite je relaierai aux équipes, toutes ces belles personnes sans qui rien ne serait possible.»