À l’occasion du Global Funding and Financing Summit, Deutsche Börse a organisé un panel de discussion sur le futur des titres numériques. (Photo: Maison Moderne)

À l’occasion du Global Funding and Financing Summit, Deutsche Börse a organisé un panel de discussion sur le futur des titres numériques. (Photo: Maison Moderne)

L’avenir de la titrisation numérique ne sera pas que technologique. Le cadre réglementaire apporte un avantage concurrentiel dans la mesure où il permet aux acteurs du marché de développer des infrastructures interconnectées.

Une part considérable de la richesse mondiale se trouve stockée dans des actifs illiquides, note  publié le 12 septembre, fruit d’un partenariat entre Boston Consulting Group (BCG) et la plateforme d’échange numérique pour les marchés privés ADDX. Ces actifs comprennent des actions en préparation d’introduction en bourse, de l’immobilier, de la dette privée, des revenus de PME, de l’art, etc.

Le rapport indique que ces actifs sont illiquides, notamment en raison de leur accessibilité limitée en dehors des cercles d’investisseurs avertis, la complexe expertise en gestion de patrimoine et la difficulté à les acquérir ou à les échanger. Pour rappel, un actif est qualifié d’illiquide lorsque son détenteur ne peut facilement l’échanger contre de l’argent.

La tokénisation de ces actifs via la blockchain pourrait apporter une solution à leur problème d’illiquidité, indique BCG. Si ce marché reste encore marginal, avec un équivalent de 310 milliards de dollars estimés pour 2022, les prévisions s’avèrent exponentielles. Le marché mondial des actifs illiquides tokénisés pourrait atteindre un total de 5.200 milliards de dollars en 2026 et 16.100 milliards en 2030. BCG va même jusqu’à affirmer que le marché des actifs tokénisés pourrait représenter jusqu’à 10% du PIB mondial en 2030.

Au-delà de son potentiel, le marché de la tokénisation des actifs doit d’abord naviguer entre les incertitudes réglementaires qui varient d’une juridiction à une autre. La capacité des législateurs à apporter un cadre réglementaire clair aux acteurs du marché se transforme en atout concurrentiel entre les différentes régions du monde.

Les atouts de la réglementation

À l’occasion du  organisé par Deutsche Börse Group à Luxembourg du 13 au 15 septembre, un panel de représentants de l’industrie est justement revenu sur ce volet. «Du point de vue européen, nous avons le Digital Finance Package qui a vraiment fait avancer les choses», a expliqué Maha Al Saadi, compliance and regulatory affairs director chez Bankhaus Scheich/Tradias. Proposé en septembre 2020, le Digital Finance Package définit les orientations générales sur la façon dont l’Union européenne peut adapter son cadre réglementaire pour accompagner la transition numérique des services financiers.

Le règlement MiCA (Regulation on Markets in Crypto-Assets), en vue d’une protection des consommateurs et d’un accès harmonisé aux marchés des crypto-actifs, et DORA (Digital Operational Resilience Act), portant sur la gestion des risques technologiques par les acteurs du marché, en font partie. Sur ce constat, «l’Europe est en tête sur cette question (…) et aura une approche véritablement harmonisée pour l’ensemble des 27 États membres», a déclaré Maha Al Saadi.

À son tour, Jens Hachmeister, managing director chez Deutsche Börse pour la division Issuer services & New digital markets, partage la même opinion. Il émet par contre quelques réserves. «La préoccupation que j’ai cependant en Europe est que nous avons été probablement bons dans la réglementation des parties d’infrastructures, mais il est nécessaire aussi de se pencher sur les valeurs mobilières», a-t-il indiqué, avant de souligner: «Nous n’avons pas de passeport européen pour les valeurs mobilières. Ce que nous faisons donc chez nous (Deutsche Börse, ndlr), nous le faisons avec une solution allemande basée sur la loi allemande sur les valeurs mobilières.»

Une question de vision

Tant le cadre réglementaire que la technologie devraient donc permettre une même vision. «Nous construisons des réseaux à l’échelle mondiale. (…) Et la question est de savoir quel est l’avantage du prochain réseau numérique. C’est vraiment l’idée que nous pouvons nous diriger vers une solution instantanée de services de titres, qui devrait permettre aux acteurs du marché de créer encore davantage de produits à distribuer directement, afin de réellement créer l’interliaison entre les différents acteurs du marché», estime Jens Hachmeister.

Dans cette vision, Jens Hachmeister ne perçoit pas pour autant «une désintermédiation» du marché. «Je crois que les acteurs du marché, tels qu’ils sont aujourd’hui, conservent leurs rôles, mais ont de nouvelles opportunités en se connectant à cette infrastructure», a-t-il précisé.

Les objectifs revendiqués du Digital Finance Package sont d’«accélérer les opérations transfrontalières», d’«améliorer l’intégration des marchés financiers dans l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux» et ultimement de «renforcer l’union économique et monétaire européenne»,  par la Commission européenne. Il ne faudrait pas que l’application de ces objectifs aboutisse à un autre résultat. Comme le rappelle l’exécutif de Bruxelles, il en va de l’autonomie stratégique des services financiers européens.