Le passage au PoS permet de réduire la consommation d’électricité de la blockchain d’Ethereum de 99%. (Photo: Shutterstock)

Le passage au PoS permet de réduire la consommation d’électricité de la blockchain d’Ethereum de 99%. (Photo: Shutterstock)

Avec quatre ans de retard sur ses plans, Ethereum passe du «proof of work» au «proof of stake» entre le 13 et le 15 septembre. Un événement que scrute toute la cryptoshère et incompréhensible ailleurs. Décryptage et simplification avec le Head of innovation de Tokeny, Joachim Lebrun.

Ingénieur en chimie industrielle, Joachim Lebrun s’ennuyait. Jusqu’au jour où le tout jeune trentenaire découvre les cryptos et la blockchain, se forme et devient un des meilleurs experts d’Ethereum.

À la tête de l’innovation de Tokeny – il en a «écrit» tous les smart contracts – il a accepté de répondre à toutes les questions et de remettre à l’endroit tout ce que les journalistes et experts autoproclamés peuvent dire ou écrire de travers depuis quatre ans.

C’est en 2018 que Vitalik Buterin, cofondateur d’Ethereum, avait annoncé «The Merge», l’événement de ce début septembre.

The Merge, c’est quoi?

«C’est un changement de protocole pour la blockchain Ethereum. Au lieu du Proof of Work (PoW), elle fonctionnera sur le Proof of Stake (PoS). Avec le PoW, les ‘mineurs’ doivent résoudre un problème mathématique en lançant des machines informatiques pour effectuer des millions de calculs jusqu’à trouver la solution et être récompensé. Avec le PoS, il faudra démontrer qu’on possède des ethers (le jeton numérique associé à la blockchain) pour pouvoir valider des transactions. 

«Comme le Proof of Stake se passe des mineurs qui consomment l’électricité, la mise à jour permet de passer à une blockchain ‘verte’, qui ne consommera même pas 1% de ce qu’elle consommait avant», explique le développeur. «Le PoS permet beaucoup moins facilement de tricher avec le système parce que PoW permettait théoriquement à une entité qui aurait eu une très grande quantité de la puissance du réseau, d’avoir un contrôle qui nécessitait d’investir beaucoup pour faire tourner les ordinateurs, etc. Un nœud qui agirait de manière malicieuse, qui essaierait de tricher, à partir du moment où elle est détectée puis prouvée par d’autres nœuds, verrait une partie de son stake complètement détruite.»

Le stake, c’est quoi?

Pour devenir «validateur» de transactions avec le PoS, il faut mettre 32 ethers dans une sorte de consigne numérique. C’est le stake, qui a réservé des surprises à certains. «Ils sont bloqués. Les détenteurs d’Ethereum qui en ont stakés quand la beacon chain a été mise en place [en 2020, ndlr.] n’ont pas pu en retirer. Des gens se sont retrouvés bloqués et en banqueroute, comme le cryptolender Celsius, qui avait beaucoup d’ethers coincés. Les gens déposaient des ethers sur Celsius qui les mettait en staking pour avoir des dividendes et pouvoir payer les intérêts qu’ils promettaient à leurs clients. Mais à partir du moment où les gens ont commencé à paniquer, Celsius n’a pas été capable de leur renvoyer leurs tokens. Ce n’est pas un schéma de Ponzi parce qu’ils ont toujours les tokens mais bloqués.» Ils seront progressivement libérés quand The Merge aura eu lieu.

Comme le Proof of Stake se passe des mineurs qui consomment l’électricité, la a mise à jour permet de passer à une blockchain ‘verte’ qui ne consommera même pas 1% de ce qu’elle consommait avant.

Joachim LebrunHead of innovation de Tokeny

Pour avoir davantage de puissance de calcul et de donc de chance de miner un bloc sur Bitcoin, les mineurs se réunissaient dans des pools. Ils prêtaient leurs ordinateurs au réseau du groupe. Est-ce que les validateurs font ça aussi?

«Oui, mais le phénomène est plus limité. Il existe de grosses organisations, comme les exchanges, Binance ou CoinBase, qui permettent à leurs utilisateurs d’avoir un retour sur investissement sur leurs ethers en les mettant en stacking, même s’ils n’en ont pas beaucoup, parce que l’exchange en a bien plus», explique-t-il.

Encore quatre phases avant d’arriver à Ethereum 2

Est-ce que le Merge a un impact sur les frais à payer pour faire valider une transaction?

«Non. Ça sera avec Ethereum 2, oui, mais ici, nous ne sommes que dans la première phase. Cette mise à jour ne sert qu’à changer le mécanisme de consensus. Pas à augmenter la taille des blocs, ni la rapidité ou la scalabilité. La concurrence entre les transactions restera la même: les frais de transactions resteront à peu près les mêmes. Ils pourraient être un petit peu moins chers parce que les mineurs étaient un peu plus gourmands que ce que seront les validateurs. C’est négligeable, si on obtient 20 à 30% de réduction, ce sera déjà très bien. Les transactions seront en concurrence les unes avec les autres. Étant donné qu’il existe un maximum de transactions qui peuvent passer sur la blockchain en un temps donné et qu’il y a une grosse utilisation de cette blockchain à la limite de sa capacité, c’est une question de concurrence. Les gens vont juste augmenter les frais de transaction pour qu’elles passent plus vite. Finalement, c’est un peu compliqué d’évoquer une variation du coût des transactions parce que parfois, en une seule journée, les frais de transactions passent de 10 à 20 Gwei pour une transaction à 500 dans une seule journée.»

The Merge n’est qu’une phase, mais il y aura encore plein de phases intermédiaires?

«Oui, nous sommes à The Merge, mais après, il y aura The Surge, The Verge, The Purge, The Splurge [après The Merge, Ethereum n’en sera qu’à 55% de sa modernisation, a expliqué Vitalik Buterin, le cofondateur d’Ethereum, fin juillet]. Cela permettra arriver à Ethereum 2, la version finale, qui offre une scalabilité plus importante et d’être sécurisé.»

Comment est-ce que le débit, le nombre de transactions traitées sur un espace temps, va s’améliorer?

«Dans les prochaines mises à jour, au sharding, qui permet de créer des sous-blockchains. Les transactions envoyées à Ethereum seront dispatchées sur des sous-blockchains qui gèreront chacune une partie des transactions. Il y aura une démultiplication de la capacité. Il faut beaucoup de validateurs pour avoir beaucoup de shards et que ce soit élargi et que ça reste sûr. Aujourd’hui, Ethereum gère deux millions de transactions par jour. On pourrait passer à 100 millions de transactions par jour. C’est beaucoup mais encore très loin de Visa ou Mastercard. Soit il faudra encore augmenter le nombre de shards, soit il faudra regarder les optimistic rollup, qui traitent les transactions et les renvoient vers la blockchain avec une preuve de tout ce qui s’est passé sur la blockchain parallèle. Il y a des solutions.»

Qu’est-ce que le trilemme blockchain, dont parle Vitalik Buterin?

«Il y a toujours une perte d’un côté quand on gagne d’un autre côté. Il y a trois points principaux sur laquelle la blockchain s’appuie: la scalabilité, la décentralisation et la sécurité. Le trilemme est de savoir jusqu’où on peut pousser un des trois axes sans trop endommager les deux autres. Le mieux, le Proof of Work, est le plus sécurisé: outrepasser les règles de validation d’un bloc nécessite des puissances de calcul même pas à la portée des plus gros ordinateurs du monde. C’est impossible de tricher. Le PoS est un peu moins safe mais ça reste extrêmement safe quand même si on compare par rapport à ce qui est comparable. Ethereum est utilisée dans l’industrie de la finance pour transférer de la valeur. La blockchain telle qu’elle sera mise en place est plus sécurisée que la database d’une banque. C’est impossible de rentrer une ligne qui ne soit pas en accord avec tout le reste de la blockchain et que tous les nœuds ne valident pas. C’est le principe de la décentralisation, dont je suis un fervent supporter. C’est ce qui permet d’apporter la sécurité. Avec les accès nécessaires, vous pouvez changer une ligne dans la database d’une banque.»

Est-ce que la décentralisation est une réalité? Beaucoup de banques ou d’acteurs de la finance se sont regroupés dans différentes entités autour des blockchains?

«C’est peut-être un rêve de cryptopunk. Toutes les banques avec qui on discute s’intéressent toutes à la blockchain, ont toutes un département blockchain et la plupart voient un futur là-dedans. Les banques centrales, la Chine a déjà commencé, discutent de faire des central bank digital currencys et ça va arriver. Et cela fonctionnera sur des systèmes décentralisés.

Est-ce que le retard pris par Ethereum a un impact sur des projets comme les vôtres, à Tokeny?

«Nous ne les avons pas attendus pour passer à autre chose, sur Polygon, qui est une très bonne blockchain et qui avance très vite. Poygon est une des premières sociétés qui ait fourni une de ses blockchains pour les qui fonctionne sur Ethereum. Comme les  [dont la particularité est de pouvoir être contestés pendant sept jours, ndlr.]»