En cas de déconfinement, le nombre de cas de Covid-19 repartira inévitablement à la hausse. Mais le dépistage et l’identification des personnes en contact avec celles infectées permettent d’atténuer significativement l’intensité de cette augmentation, selon une étude du LCSB.

«Les tests et le backtracking sont essentiels pour atténuer l’épidémie» dans le cadre du déconfinement, estime le docteur Alexander Skupin, du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB), qui dirige une étude simulant la propagation de l’épidémie selon cinq scénarios de déconfinement différents.

Quel que soit ce scénario, l’augmentation du nombre de personnes infectées est inévitable. Mais dépister les personnes avant sa mise en œuvre puis identifier et tester les personnes qui ont été en contact avec une personne infectée (backtracking) permet d’atténuer significativement les effets de cette seconde vague, nous apprend l’étude.

Dans l'hypothèse d'un déconfinement généralisé à partir du 4 mai, qui prendrait la forme d'un véritable «retour à la normale», sans dépistage, sans backtracking, sans distanciation sociale et sans masques, plus de 1.800 décès (et même plus de 2.200 selon une estimation haute) seraient ainsi à déplorer d’ici la fin de l’année dans le pays. «Sans monitoring, une sortie de crise généralisée provoquera une deuxième vague et une augmentation significative du nombre de décès», commente Alexander Skupin.

Le nombre cumulé de personnes atteintes du Covid-19 (qui inclut un nombre supposé de cas asymptomatiques) exploserait pour atteindre près de 400.000 cas. Le nombre de personnes en soins intensifs augmenterait lui aussi, avec un pic d’environ 200 lits en soins intensifs occupés dès la première quinzaine de juillet. «Les simulations montrent qu’un ‘retour à la normale’ entraînerait une deuxième vague qui dépasserait la capacité des hôpitaux», commente Alexander Skupin. Par comparaison, depuis le début de l’épidémie, il n’y a pas eu plus de 45 personnes hospitalisées simultanément en soins intensifs, selon les chiffres du ministère de la Santé.

189 décès en cas de maintien du confinement

À l’inverse, en cas de maintien strict du confinement, le nombre de cas se limiterait à 70.000 et le nombre de décès à 189.

Ce qui constitue malgré tout une augmentation, car, même en cas de confinement, le nombre de nouveaux cas par jour, s’il diminue, n’est pas égal à zéro. «Même pendant le confinement, certaines personnes exerçant des fonctions essentielles (professionnels de santé, employés de supermarché) ont des contacts au travail», explique Alexander Skupin. «En outre, les citoyens quittent toujours la maison pour effectuer des tâches nécessaires (faire des courses, se promener). Et, comme l’ont montré les contrôles de police, certains ont même ignoré les règles de confinement. De nouvelles infections peuvent survenir dans n’importe lequel de ces cas.»

Déconfiner sous contrôle

Entre ces deux scénarios extrêmes, l’étude envisage le déconfinement à partir du 20 avril de 63.000 travailleurs du secteur de la construction. Trois modalités de déconfinement sont alors envisagées pour ces travailleurs: soit sans aucun suivi, soit en les testant et en effectuant un backtracking, efficace dans un cas à 25% et dans l’autre à 50%.

Or, chacun de ces scénarios montre une atténuation toujours plus significative des effets de l’épidémie à mesure que le suivi des personnes déconfinées est plus efficace. «Plus la capacité de ‘recherche rétrospective’ est grande et efficace, plus les chaînes d’infection peuvent être stoppées efficacement», explique Alexander Skupin.

De fait, en cas de déconfinement sans suivi de ces 63.000 travailleurs, plus de 140.000 personnes seraient infectées d’ici la fin de l’année. Un chiffre en diminution à 123.000 avec des tests et backtracking efficaces à 25% et même à 95.000 dans le scénario avec tests et backtracking efficaces à 50%.

De 379 décès en cas d’absence de suivi, le nombre de décès descendrait à 248 dans l’hypothèse du suivi le plus rigoureux.

Un pic du nombre d’hospitalisations atténué

Le pic du nombre de personnes simultanément en soins intensifs se limiterait respectivement à 101, 78 et même seulement 56 patients selon le scénario avec le monitoring le plus efficace. Soit une diminution de moitié en cas de tests et de backtracking efficaces à 50% par rapport à un scénario sans monitoring.

Tests et backtracking apparaissent donc comme des outils essentiels pour mener à bien le déconfinement. Ce sont d’ailleurs les méthodes choisies par le gouvernement pour encadrer sa stratégie de reprise du travail. Son consiste à dépister par contingents avant de déconfiner les personnes qui auront été préalablement testées négatives. Puis à identifier et tester les personnes en contact avec celles détectées positives au Covid-19. Une stratégie qui devra donc être menée avec efficacité pour éviter une seconde vague trop importante. Ce qui dépendra en partie de la bonne volonté de la population, puisque le dépistage repose sur le volontariat. Et sur les capacités de backtracking dont disposeront les autorités sanitaires.