Les laboratoires Ketterthill promettent un résultat entre 48 et 72 heures à ses patients, et en moins de 24 heures pour les urgences. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Les laboratoires Ketterthill promettent un résultat entre 48 et 72 heures à ses patients, et en moins de 24 heures pour les urgences. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le temps entre le test Covid-19 et le résultat peut sembler long pour les plus impatients. Afin de mieux comprendre ce qui se passe durant ces 24 à 72 heures, nous avons suivi le parcours d’un échantillon, du prélèvement au résultat, au sein des Laboratoires Ketterthill.

Mardi midi, une file commence déjà à se former jusqu’à l’extérieur du laboratoire Ketterthill à Belval. Une trentaine de personnes patientent sous la chaleur du jour, masque sur le nez et ordonnance à la main. Toutes viennent se faire dépister au Covid-19. 

Face à cette forte affluence, Ketterthill a d’abord arrêté de traiter les demandes sans ordonnance, puis réduit le créneau «Covid-19» de 12h à 16h du lundi au vendredi. Mais cela n’a pas suffi. À partir de lundi prochain, le 28 septembre, ce ne sera plus que sur  (sauf pour les patients ayant d’autres analyses).

Pour éviter de telles queues devant ses laboratoires, Ketterthill proposera ses tests Covid-19 sur rendez-vous à partir de la semaine prochaine. De quoi alléger également le travail administratif, souvent lourd. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour éviter de telles queues devant ses laboratoires, Ketterthill proposera ses tests Covid-19 sur rendez-vous à partir de la semaine prochaine. De quoi alléger également le travail administratif, souvent lourd. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le CEO de Ketterthill, , espère ainsi mieux réguler la demande par rapport aux capacités des laboratoires: 800 analyses par jour. Entre le moment du test et la réception du résultat par SMS, Ketterthill promet un délai de 48 à 72 heures, et moins de 24 heures pour les urgences (tests préopératoires ou de personnes symptomatiques). 

Mais quel est le chemin emprunté par le test pour aboutir au résultat? Réponse en six étapes.

Étape 1: le prélèvement

Les tests PCR nasopharyngés que l’on connaît ne prennent pas tellement de temps. Mais chaque patient doit d’abord passer à l’accueil - où son ordonnance est vérifiée – avant d’emprunter un parcours fléché au sol pour rejoindre une petite salle de prélèvement. L’infirmier procède alors au test en enfonçant un écouvillon (sorte de grand coton-tige) dans le nez ou la bouche.

L’infirmier doit ensuite étiqueter les tubes et les déposer sur un portoir, avant de passer à la personne suivante. Quand ce dernier est rempli, il le transporte à l’étage, au département de microbiologie. Dans le cas où le test est effectué ailleurs qu’au siège de Belval pour Ketterthill, il doit être transporté jusque là pour son analyse.

Étape 2: l’encodage

Au département de microbiologie, une personne est chargée de scanner à la chaîne les codes-barres présents sur les étiquettes de chaque tube, pour qu’il soit possible ensuite de suivre leur parcours de manière informatique. Certains portent un petit «U», ce qui veut dire «urgent», et sont traités en priorité.

Corinne est chargée de scanner tous les échantillons pour savoir ensuite, à n’importe quel moment, à quel endroit ils se trouvent. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Corinne est chargée de scanner tous les échantillons pour savoir ensuite, à n’importe quel moment, à quel endroit ils se trouvent. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Les ordonnances sont, quant à elles, envoyées au département Secrétariat, où elles sont encodées une à une, à la main. L’énergie est palpable lorsqu’on pénètre dans le grand open space à moquette grise. Cette étape peut prendre du temps: d’une à quinze minutes par dossier, selon la clarté des informations. Juste à côté, le call center doit traiter plus de 1.000 appels par jour, contre 400 avant la crise. Le laboratoire a donc eu besoin de renforts, et l’équipe administrative est passée de 19 à 26 personnes pour traiter la pile de documents qui arrivent chaque jour.

Au total, les laboratoires, qui emploient 270 personnes, ont dû procéder à une dizaine de recrutements, sans compter les avenants aux contrats de travail, passés pour beaucoup de 24 heures à plus de 30 heures par semaine.

Car si l’après-midi est dédié au Covid-19, ils traitent toutes les autres analyses le matin. Par exemple, lundi 21 septembre, sur 3.000 échantillons reçus, 1.300 concernaient des tests Covid-19, même s’ils n’ont pas tous pu être analysés dans la journée.

Des piles d’ordonnances attendent au secrétariat.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Des piles d’ordonnances attendent au secrétariat.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Étape 3: le débouchage

Quand les tubes, comme les ordonnances, ont été encodés, ils doivent être débouchés avant leur analyse. Opération délicate, à effectuer sous une hotte pour ne pas laisser le virus circuler dans l’air.

Au travers du tube, on peut apercevoir le bout de coton-tige géant qui flotte dans un liquide. Cet écouvillon est alors jeté. Le liquide est conservé; il a récupéré toutes les cellules prélevées, qui sont envoyées à l’analyse.

Après cela, les tests vont directement à l’analyse ou patientent dans une chambre froide.

La vitre est à la bonne hauteur pour protéger la personne qui ôte le bouchon du test PCR. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

La vitre est à la bonne hauteur pour protéger la personne qui ôte le bouchon du test PCR. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Étape 4: l’extraction

Une petite pièce est dédiée à cette étape. On y trouve trois grosses machines (Nimbus et Starlet) remplies de tubes, de piquets en plastique noir servant à prélever le liquide, et de réactifs. Elles vont extraire l’ARN du virus (Acide ribonucléique, proche de l’ADN), ce qui prend entre 2h30 et 3h par série. Entre temps, des opérations manuelles sont à prévoir: vider les poubelles, remplir les machines… Un babyphone trône dans la pièce, et les techniciens sont directement avertis par un signal sonore en cas de problème.

Les deux Nimbus peuvent traiter 72 tests chacun, et l’appareil Starlet 94. Une deuxième machine de ce type devrait arriver la semaine prochaine. Son prix est de 200.000 euros, et celui d’un Nimbus, 108.000. Un investissement important pour le laboratoire, qui n’avait qu’un automate avant la crise. Les modèles choisis viennent du constructeur Hamilton et fonctionnent avec les réactifs sud-coréens Seegene.

Deux autres appareils dorment dans une pièce à côté, parce qu’ils dépendent de réactifs américains non disponibles. Ils datent d’avant la crise, mais pourraient augmenter les capacités du laboratoire de 500 à 1.000 analyses supplémentaires par jour.

En moyenne, «on arrive à faire trois séries par jour», révèle Hélène Henrot, responsable du service Bactériologie.

Étape 5: l’amplification et la détection

Trois heures plus tard, les informations extraites des tubes sont regroupées dans une petite plaquette blanche en plastique contenant une case pour chaque test différent. Les plaquettes sont ensuite envoyées dans de nouvelles machines, plus petites: les CFX. Le laboratoire en compte trois – bientôt quatre –, à 50.000 euros pièce.

Pendant 1h30, les échantillons sont chauffés, refroidis, puis réchauffés… Passant, par exemple, de 50 à 95 degrés en l’espace de 20 minutes. Le but de l’opération: multiplier les données en plusieurs milliards, afin de détecter la présence ou non du Covid-19.

Pour cela, le technicien exporte les données depuis les machines CFX directement vers l’ordinateur. Il lui renvoie, via un logiciel (fourni avec l’appareil), des billes bleues (test négatif), rouges (test positif) ou orange avec un point d’exclamation (invalide, ce qui veut dire que l’échantillon devra être retesté). Il vérifie tout manuellement, en regardant les courbes, les échantillons tests de contrôle… Avant de les envoyer aux biologistes.

«On n’a pas le droit à l’erreur», témoigne Hélène Henrot. Ces derniers jours, au vu des taux de positivité élevés, Ketterthill a d’ailleurs envoyé quelques échantillons au Laboratoire national de santé (LNS) pour être sûr que les données n’étaient pas erronées.

Étape 6: vérification et envoi des résultats

Les biologistes reçoivent les résultats et les analysent un par un, en regardant l’historique du patient. En cas de test positif, ce sont eux qui appellent le médecin. Ils valident le tout dans l’ordinateur, qui envoie automatiquement un SMS à chaque patient et les statistiques au ministère de la Santé.

Les échantillons positifs sont envoyés au LNS, pour la recherche, et les négatifs gardés sept jours avant d’être jetés dans des poubelles scellées et envoyées à l’incinération via la société Lamesch.

Les poubelles bleues au couvercle jaune sont scellées avant d’être envoyées à l’incinération. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Les poubelles bleues au couvercle jaune sont scellées avant d’être envoyées à l’incinération. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Même si cette forte activité devrait augmenter le chiffre d’affaires du groupe Ketterthill, qui était d’une «trentaine de millions d’euros» en 2019, Stéphane Gidenne relativise. Entre les investissements en machines, en personnel, en matériel (masques, blouses) et la hausse de leur coût – comme celui des écouvillons qui a plus que triplé –, il ne donne pas encore de prévision chiffrée. Et préférerait, dans tous les cas, que tout cela s’arrête au plus vite.