Nathalie Mège, managing partner, TNP Luxembourg et Chedy Rieu, consultant, TNP Luxembourg. (Photos: Vincent Flamion pour TNP Luxembourg)

Nathalie Mège, managing partner, TNP Luxembourg et Chedy Rieu, consultant, TNP Luxembourg. (Photos: Vincent Flamion pour TNP Luxembourg)

L’entreprise étendue, entreprise transformée par un télétravail efficace et pérenne, représente un changement de paradigme générateur d’opportunités. Y arriver nécessite le passage d’un télétravail contraint par la crise et focalisé sur l’opérationnel à un télétravail intégré à la stratégie d’entreprise.

Le télétravail comme nouvelle organisation du travail a connu trois grandes phases:

Des expérimentations dans les années 90;

Une phase d’incertitudes dans les années 2010, où plusieurs grands groupes ont rappelé leurs employés au bureau arguant de problèmes de collaboration, d’outillage, de formation ou d’adaptation aux pratiques agiles;

La phase actuelle, favorisée par la combinaison d’un meilleur taux d’équipement en outils technologiques toujours plus performants, par la porosité de l’usage privé à l’usage professionnel des outils digitaux, ainsi que par des attentes plus fortes d’autonomie et de flexibilité.

Aujourd’hui, force est de constater que la crise sanitaire (avec la généralisation du télétravail et l’incertitude quant à un retour au bureau à court terme) a agi en grand catalyseur de changement: l’entreprise n’est plus uniquement dans les locaux, le travail ne se fait plus uniquement à travers la présence physique des salariés pendant des plages horaires définies, et le management des employés ne se fait plus uniquement en présentiel. Cette configuration offre des perspectives intéressantes pour le modèle relationnel employé-entreprise, le modèle opérationnel «d’une entreprise étendue», les modes d’organisation des équipes et l’équipement en digital workplace. Le recul que l’on a aujourd’hui, surtout après le confinement de mars et le déconfinement qui a suivi, permet de mieux cerner ces perspectives.

Dans un premier temps, le télétravail a été plébiscité par les employés, pour des raisons sanitaires mais également de productivité, gain de temps, meilleure organisation ou encore équilibre vie professionnelle-vie privée… Plusieurs études luxembourgeoises et internationales sont venues corroborer ces éléments, annonçant rien de moins qu’une «nouvelle ère du travail». Un chiffre suffit à illustrer l’emballement: depuis deux décennies, les gains de productivité en Europe plafonnaient autour de 1% par an, et le télétravail permettrait d’avoir des gains de 5 à 30% selon les activités et les configurations! Ensuite, et en reprenant la terminologie de Gartner, au pic des attentes excessives a succédé un désillusionnement. En effet, le télétravail affecterait négativement la productivité des employés, leur ferait courir des risques psychosociaux, ne permettrait pas une bonne mesure de leurs performances et réduirait leur capacité à innover et à résoudre des problèmes complexes. Une autre étude du BCG, COVID: le futur du travail vu par les DRH, a révélé que les directions des ressources humaines percevaient des risques de cohésion et d’appartenance, générant potentiellement un plus grand turnover. Comment faire face à ces défis?

Les risques du télétravail de crise tel que pratiqué aujourd’hui par certaines entreprises viennent essentiellement du fait que plusieurs solutions ont été mises en place en considérant un prisme opérationnel focalisé sur la continuité à court terme du service aux clients sans articuler systématiquement les autres dimensions du changement, plus humaines et culturelles, dont l’adaptation des pratiques managériales. L’expérience des derniers mois a montré que les bénéfices du télétravail ne peuvent être pleinement réalisés que s’il est organisé et transformant et que, dans le cas contraire, il peut entraîner une dégradation de la performance individuelle et collective et même un mal-être des collaborateurs. Une position attentiste dans l’optique d’un retour à la normale prochain n’est pas une option, et un certain nombre d’actions doivent être prises aux niveaux organisationnel, humain, opérationnel et technologique, ce qui nécessite d’intégrer le télétravail dans les réflexions stratégiques de l’entreprise.

Par ailleurs, au-delà de la gestion quotidienne des processus opérationnels de l’entreprise dans un mode hybride appelé à durer (alliant de façon structurelle présentiel et distanciel), il convient de repenser les activités plus stratégiques de l’entreprise pour permettre à l’organisation de continuer à évoluer et se transformer. Ici aussi, adopter une position attentiste et reporter les activités stratégiques d’innovation ou d’amélioration continue après la fin de la crise sanitaire devient difficilement défendable dès lors que d’autres acteurs, potentiellement des concurrents, ont intégré cette nouvelle donne du télétravail dans le RUN et le CHANGE pour être ainsi capables d’appréhender les dimensions opérationnelles, tactiques et stratégiques de la gestion de l’entreprise selon ce nouveau modèle hybride.

Intégrer le télétravail à la stratégie de l’entreprise permettrait de concevoir puis de décliner un nouveau modèle relationnel employé-entreprise, pierre angulaire d’un télétravail transformant, intégrant une expérience employé revisitée, qui ouvrirait la voie à de nouveaux modes d’interaction avec les parties prenantes externes (notamment les clients) et nous semble nécessaire afin de ne pas obérer les capacités d’évolution, d’innovation et de transformation des entreprises et, par conséquent, leur performance à long terme. En allant un cran plus loin, l’entreprise étendue pourra s’ouvrir davantage à de nouveaux modèles de collaboration au sein de son écosystème, entre entreprises d’un même groupe ou au-delà, avec des partenaires externes.

Cet article a été rédigé pour  de l’édition magazine de  qui est parue le 17 décembre 2020.

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