Une a été signée mardi entre les partenaires sociaux. Basée sur un , elle vise à remplacer l’ancienne mouture, datant de 2006. Que change-t-elle, concrètement, pour le salarié? Entre fourniture du matériel, impôts, sécurité sociale et assurance, la réponse aux principales questions que la pratique soulève.
1) Qui prend en charge mes frais?
L’ancienne convention indiquait que l’employeur devait «fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires au télétravail», de même que les coûts «liés aux communications». L’employé qui n’aurait pas d’ordinateur, d’abonnement internet ou téléphonique devrait donc être indemnisé par son entreprise. Sans remettre en question ce principe pour le télétravail régulier, la nouvelle convention le nuance quand il s’agit de télétravail occasionnel. Elle donne la possibilité aux entreprises de trouver des solutions au cas par cas avec ses employés, comme la fourniture d’ordinateurs portables utilisables à la fois chez soi et au bureau, pour éviter les doubles frais.
«À partir du moment où des équipements lui sont confiés, le salarié doit en prendre soin et aviser l’entreprise en cas de panne ou de mauvais fonctionnement», précise le rapport du CES à ce sujet, repris dans la convention. «En corollaire de cette responsabilité du salarié, la convention doit assurer le droit du télétravailleur de demander un service approprié d’appui technique.» L’employeur assume toujours la responsabilité des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisés.
2) Comment suis-je assuré en cas d’accident?
«La couverture est la même en télétravail qu’au bureau», explique Guillaume Schimberg, chargé de direction adjoint à l’Association d’assurance accident (AAA). Un accident sera dit de travail s’il survient «sur le lieu et à l’occasion du travail». La pause-café entre dans ce cadre, mais pas celle du déjeuner. C’est la même chose au bureau, où seul le trajet est couvert. Les problèmes de dos n’entrent pas non plus dans ce cadre.
L’AAA se basait sur l’ancienne convention et demandait un avenant au contrat de travail indiquant l’autorisation de télétravailler, pour qu’un accident du travail chez soi puisse être reconnu comme tel. La nouvelle convention signée mardi par les partenaires sociaux simplifie le processus, un simple SMS ou mail devenant suffisant pour prouver que le salarié était en télétravail. «Si la convention est modifiée, nous allons appliquer ce qui est sur la nouvelle convention», affirme alors Guillaume Schimberg. Dès lors qu’il y a une preuve écrite que le salarié était en télétravail, il sera assuré en cas d’accident.
L’AAA constate à ce sujet que le télétravail réduit grandement les risques d’accident de travail, qui ont lieu dans la plupart des cas sur le trajet pour les employés de bureau. «Ce sont aussi les plus graves.»
3) Est-ce que je peux être contrôlé par mon employeur?
Le droit pour l’employeur de contrôler le lieu de travail de son salarié, considéré comme «invasif», a été supprimé dans la nouvelle convention sur le télétravail, rappelle , président du CES.
Mais l’employeur a-t-il le droit d’user d’autres méthodes de surveillance, par webcam par exemple? «La convention ne règle pas cela». Nadia Chouhad, avocate chez NC Advocat, estime que ce ne serait pas légal. «Au domicile de la personne, on entre dans le cadre de la vie privée», explique-t-elle. En revanche, d’autres méthodes comme un contrôle du temps de connexion au VPN ne seraient pas illégales.
4) Où dois-je payer mes impôts?
Les frontaliers qui dépassent leur quota de jours de télétravail (19 pour les Allemands, 24 pour les Belges et 29 pour les Français), fixé lors d’accords fiscaux entre les états, doivent payer des impôts sur leur revenu dans leur pays de résidence, pour la totalité des jours qui y sont travaillés.
Beaucoup considèrent cette règle comme un frein, . En général, les Français qui perçoivent plus de 75.000 euros bruts par an y gagnent à télétravailler, alors que les Belges y perdent la plupart du temps.
En cette période de crise, des accords exceptionnels ont été passés avec les pays voisins et il est possible de télétravailler en «illimité» jusqu’au 31 décembre pour les et les . De même en ce qui concerne l’Allemagne.
5) Qui contrôle?
«Ce sont les administrations des pays concernés», indique le ministère des Finances luxembourgeois. «Le salarié doit déclarer ses jours de manière honnête». Lors de ces contrôles, il peut être demandé au salarié de fournir des preuves de sa présence au Grand-Duché, qu’il s’agisse de tickets de caisse, ou d’enregistrements quand l’entreprise est équipée d’un système de pointage par exemple. Contactées, les institutions françaises n’ont pas pu nous fournir de chiffres sur le nombre de contrôles effectués chaque année pour l’instant.
6) Et en termes de sécurité sociale?
Concernant la sécurité sociale, la règle de coordination européenne s’applique. Le travailleur qui effectue plus de 25% de son activité depuis chez lui – soit, en général, une soixantaine de jours par an – devra s’affilier à la sécurité sociale de son pays de résidence. Ce qui n’est pas avantageux.
Selon , managing director d’OmniTrust, les cotisations salariales sont de plus ou moins 12% au Luxembourg, alors qu’elles s’élèvent à environ 20% en France, 13% en Belgique et 20% en Allemagne. Les patrons y perdraient encore plus, puisqu’ils paient environ 12% de cotisations au Luxembourg au lieu de 40% en France, 30% en Belgique et 21% en Allemagne.
Là encore, «c’est la Sécurité sociale de l’État de résidence qui contrôle», indique le ministère de la Sécurité sociale.
Avec le Covid-19, un accord exceptionnel a été passé avec les pays voisins et permet un
7) À quelle distance puis-je télétravailler?
Depuis sa voiture, sa résidence secondaire aux Seychelles pour les plus chanceux, son lieu de vacances… On peut télétravailler de «n’importe où», assure Jean-Jacques Rommes.
8) Est-ce que travailler depuis un espace de coworking est considéré comme du télétravail?
Dans son avis, le CES exclut «expressément de la définition du télétravail»:
- le détachement à l’étranger
-le secteur du transport au sens large (hors administration)
-les représentants de commerce
-les espaces de coworking, dans le sens où le travail est presté dans un bureau satellite de l’entreprise
- le smartworking, dans le sens d’interventions ponctuelles par smartphone ou ordinateur portable hors du lieu de travail ou lieu de télétravail usuel
- toutes les prestations fournies à l’extérieur de l’entreprise à la clientèle.
9) Ai-je toujours droit aux tickets restaurant et autres avantages extra-légaux?
«Les télétravailleurs jouissent de tous les droits reconnus par la législation sociale, par les conventions collectives de travail applicables, ainsi que par le règlement interne de l’entreprise (avantages extralégaux)», dit le CES. Il précise que la perte éventuelle d’un avantage en nature doit être compensée pour le temps passé en télétravail. Ce droit ne s’applique pas lorsque cela est lié à la présence dans les locaux. Par exemple, une place de parking, l’accès à la cantine, etc.
Les partenaires sociaux réunis au CES sont d’avis qu’un traitement différent peut «être justifié par des raisons objectives, mais sans préjudice aux principes de non-discrimination».
10) Quel droit à la déconnexion?
Le droit à la déconnexion n’a pas été traité par les partenaires sociaux réunis au sein du CES dans cet avis, car il n’est pas spécifique au télétravail et concerne tous les salariés. Le ministre du Travail (LSAP) les a alors chargés d’élaborer un avis sur le droit à la déconnexion, en vue de déposer un projet de loi au premier semestre 2021.