La table est plus longue que celle du comité central du Parti communiste chinois. Mais la comparaison s’arrête là: pas de leader charismatique qui monopolise la parole pendant des heures, mais une série d’interventions documentées, acteur par acteur. Avant de remettre les clés de son ministère de la Sécurité sociale, (LSAP) a rassemblé tous ceux qui sont déjà réunis dans autour d’un message: la Sécurité sociale se digitalise.
Les amateurs du trop célèbre verre à moitié vide se gargariseront de la réalité des chiffres, parfois plus nuancés pour différentes raisons, mais le mouvement est réel à en juger par les choses annoncées et qui doivent être lancées cette semaine.
Sur le télétravail. Outre son site internet en trois langues, l’allemand et l’anglais s’ajoutent au français, le Centre commun de la sécurité sociale évoque , disponible depuis mi-juillet. 300 employeurs y ont déjà effectué 2.200 déclarations qui concernent 1.800 assurés en deux mois. Les autres, souvent de plus gros employeurs, attendent que soit disponible la déclaration SECUline et MyGuichet.lu – au premier semestre 2024 – parce qu’elle permettra de déclarer le télétravail pour beaucoup d’employés en même temps. Rappelons que, et il n’en a été question qu’une fois la période de transition passée, les frontaliers pourraient avoir des comptes à rendre à l’administration de leur pays de résidence si leur «compte télétravail» n’est pas conforme à ce qu’ils déclarent.
Sur la déclaration des heures et des salaires du «petit» personnel. Les ménages qui emploient du personnel pourront désormais gérer directement le relevé des heures et des salaires via eDelivery à partir d’une nouvelle rubrique dans «Mes données» sous la rubrique «Santé/Social». Tous les six mois, ils pourront actualiser leur déclaration.
Sur les estimations de pension de vieillesse ou pension anticipée de vieillesse. Un formulaire standardisé pour réunir les meilleures informations a été mis en place. La Caisse nationale d’assurance pension (CNAP) a déjà dû faire face à 14.000 demandes en 2022 et s’attend à un nouveau record en 2023. Ce n’est encore rien par rapport aux demandes concernant le «baby year» depuis 2020: 36.000, sans compter la possibilité de partager le temps entre les deux parents… Le formulaire devrait être mis en ligne cette semaine, tout comme celui sur les demandes d’achat rétroactif de périodes d’assurance (15 millions d’euros ont été dépensés par les assurés l’an dernier).
Sur l’utilisation des données par la puissance publique pour mieux adapter ses politiques. L’Inspection générale de la sécurité sociale se prépare à «une lame de fond» et a donc lancé la «Luxembourg microdata platform on labour and social protection» pour favoriser le travail des chercheurs, via une application appelée Ask4mdp et son chat interne. De quoi, par exemple, étudier la réalité du chômage de longue durée ou l’effet de la réforme parentale, en préservant absolument la confidentialité des données.
Sur le «DSP». Pour l’Agence eSanté, 1,1 million de DSP – pour dossier de soins partagé – sont ouverts (714.500 vides de tout document et donc pas utilisés, soit 400.000 qui sont utilisés). Le chiffre représente 166% de la population résidente (660.809 personnes), disent les slides de l’Agence, parce que ce pourcentage est celui qui permet au Luxembourg de (bien) se situer par rapport aux autres pays voisins.
À la question de combien de résidents autres que ceux qui sont de passage pour deux jours, deux mois ou deux ans ont effectivement un DSP, il faut un mail, après la conférence de presse, du CEO de l’Agence, Hervé Barge, pour le savoir: 619.000 résidents luxembourgeois (majeurs et mineurs) ont un DSP, sachant que les parents ont leur(s) enfant(s) sur leurs comptes. M. Barge avait deux ans pour parvenir à plus de 800.000 DSP. Mission remplie. Ceux qui ne sont pas vides contiennent plus de 10 millions de documents médicaux, dont 7,33 millions de résultats d’examens biologiques. Normal, ils y sont envoyés automatiquement depuis 2018. Il y a plus de 13.000 utilisations quotidiennes du DSP, par les patients ou par leurs médecins.
Sur le «SmartDSP». De ces DSP, l’Agence a extrait des données de 4.000 citoyens anonymisées qui souffrent d’affections de longue durée et qui ont au moins un document dans leur dossier pour commencer à en déduire des «faits» de santé publique. Par exemple, 65% de cet échantillon a entre 60 et 95 ans, contre 7% pour les 0-40 ans. Ou bien les ophtalmologistes sont les plus consultés. Ou encore le Dafalgan est le médicament le plus populaire. À partir de ces données, dont chaque patient qui a un DSP autorise l’utilisation dans ce contexte, selon la réponse qui nous a été donnée, deux «alertes DSP» ont été imaginées: la première pour détecter l’hémochromatose héréditaire et la seconde pour la mucoviscidose. Cette détection précoce pourrait raccourcir considérablement le temps du dépistage et permettre d’apporter des réponses vitales pour les patients.
Sur le «paiement immédiat direct» (Pid). Son lancement est imminent auprès des généralistes qui seront volontaires, l’État étant même prêt à leur donner un coup de pouce de 625 euros à toute installation nouvelle d’une solution logicielle référencée pour un raccordement d’un médecin/médecin-dentiste au service de remboursement accéléré ou alternativement au service de paiement immédiat direct. Emed, de l’éditeur Maveja, est la première solution logicielle répondant à ces critères. BMS Engineering s’est chargé des interfaces d’échange entre Emed et la CNS. En un clic, le médecin sera remboursé de la part de la solidarité nationale et le patient n’aura qu’à débourser le reste. Le ministre a promis une réception instantanée des honoraires de l’Assurance maladie, pas de frais bancaires pour le virement et il garantit aux assurés une réduction de la paperasserie et des coûts de transaction. Une lettre circulaire sera envoyée aux généralistes cette semaine, une nouvelle page dédiée verra le jour sur le site de la CNS et la tournée de promotion de la solution logicielle retenue est en cours.