En 2018, Benoît Piedboeuf faisait partie de ceux qui ont obtenu un accord belgo-luxembourgeois afin que les travailleurs belges bénéficient de 48 jours de télétravail. Un accord qui n’est jamais entré en vigueur.  (Photo: Maison Moderne)

En 2018, Benoît Piedboeuf faisait partie de ceux qui ont obtenu un accord belgo-luxembourgeois afin que les travailleurs belges bénéficient de 48 jours de télétravail. Un accord qui n’est jamais entré en vigueur.  (Photo: Maison Moderne)

La loi étant passée le 23 décembre dernier, les travailleurs frontaliers belges ont désormais accès à 34 jours de télétravail. Un nombre qui n’est sans doute qu’une étape, comme l’explique le député belge et bourgmestre de Tintigny Benoît Piedboeuf (MR), très impliqué dans le dossier.

Passer d’un potentiel de télétravail de 24 jours à 34 jours est une belle avancée sur le papier. Un gain de plus de 40%. Pourtant, lorsqu’on écoute les commentaires, on s’aperçoit que pour nombre de citoyens, ce n’est pas encore assez. Beaucoup semblent stigmatiser une réglementation qui n’est pas en adéquation avec la réalité. Le monde politique ne parvient-il pas à suivre l’évolution de la société?

Benoît Piedboeuf. – «Je me dois de commencer par un rappel: un travailleur frontalier belge peut, avec l’accord de son employeur, prester plus de 34 jours en télétravail par an. Il faut juste qu’il accepte alors de payer en Belgique les impôts concernant les jours en question. Tout en veillant, au niveau des normes sociales européennes, à ne pas dépasser les fameux 25% (au-delà, le travailleur doit s’affilier à la sécurité sociale de son pays de résidence, ndlr).


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Une fois, cela dit, je constate qu’une volonté de faire évoluer le télétravail est présente au niveau européen ou de l’OCDE. Et c’est une bonne chose. Mais il faut aussi savoir tenir compte de certaines réalités. Et notamment de la présence de disparités fiscales et sociales. Ainsi, en Belgique, l’administration des finances considère que le télétravail provoque une perte de souveraineté pour l’État belge. Puisque le télétravail correspond à avoir des personnes exerçant leur métier sur notre sol, tout en ne versant ni cotisation sociale, ni IPP. Une situation qui dérange certains. C’est logique. À un moment donné, chacun doit être contributeur de l’État dans lequel il vit.

Vous ne comprenez pas ceux qui vivent en Belgique, travaillent au Luxembourg et souhaiteraient pouvoir télétravailler deux jours par semaine?

«Bien sûr que si. Je défends ce principe d’ailleurs. Aux côtés de l’ancien ministre luxembourgeois des Finances, (DP), et son homologue belge de l’époque, Johan Van Overtveldt (N-VA), je fais partie de ceux qui ont obtenu un accord afin que ces travailleurs belges obtiennent 48 jours de télétravail. Pierre Gramegna et Johan Van Overtveldt avaient même alors dit qu’ils chargeaient leurs administrations respectives de modifier en ce sens la convention entre les deux pays. On devait être alors en 2018…

Si l’État belge obtenait une nouvelle compensation pour un passage de 34 à 48 jours de télétravail, on pourrait sans doute évoluer facilement en ce sens…
Benoît Piedboeuf

Benoît Piedboeufdéputé belge et bourgmestre de TintignyMR

Mais on sait que ce processus n’a jamais abouti… «Certains ne me croient pas quand je dis que l’administration fiscale belge est réticente à ce genre d’avancée. Pourtant, cela se voit dans toutes les suggestions qu’elle glisse à l’actuel ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V). Telle la suppression des niches fiscales, celle aussi des taux d’imposition réduits, etc. Elle a clairement l’impression que l’État perd ainsi de son pouvoir régalien, le pouvoir fiscal.

Pour en revenir aux 48 jours, comme cela n’avançait pas, nous avions demandé aux deux Premiers ministres, (DP) et Charles Michel (MR), de confirmer cette volonté. Ce qui avait mené à leur déclaration commune faite en mai 2019 sur un accord pour 48 jours de télétravail. Et quand Vincent Van Peteghem est arrivé au ministère (belge) des Finances, on lui a rappelé cet accord de principe, tout en ajoutant qu’il faudrait avancer sur le dossier. C’est ainsi qu’il a été négocié les… 34 jours de télétravail qui ont été annoncés . Ce qui était à la fois une bonne chose et une déception. Puisque nous tablions plutôt sur 48 jours, soit un jour par semaine.

Oui, je pense que la prochaine étape concernant le télétravail se négociera bien au niveau international.
Benoît Piedboeuf

Benoît Piedboeufdéputé belge et bourgmestre de TintignyMR

Lors de l’adoption des 34 jours à la Chambre des représentants, à Bruxelles, les débats ont pratiquement plus tourné autour des 48 jours que des 34. Pour vous, ils sont la prochaine étape?

«Ils étaient notre objectif. Finalement, c’est 34 jours. Ce qui est tout de même satisfaisant. Laissons donc maintenant ces 34 jours s’installer dans le paysage des frontaliers. Qui plus est, on sent que le monde bancaire, par exemple, semble assez réticent au télétravail, le plus souvent en raison de la sécurité informatique liée à leurs données… Mais gardons aussi en tête, comme le ministre belge des Finances l’a répété à diverses occasions, qu’il y a sur la table pour arriver aux 48 jours. Ainsi qu’ – votée à l’unanimité si on excepte le PTB (l’extrême gauche belge, ndlr) – demandant à son gouvernement d’avancer dans le même sens. Et qu’à cela s’ajoutent des discussions sur le télétravail au niveau européen, en vue d’une harmonisation.

Lorsqu’un problème transfrontalier survient en raison de la fiscalité, il faut savoir réfléchir en termes de compensation fiscale.
Benoît Piedboeuf

Benoît Piedboeufdéputé belge et bourgmestre de TintignyMR

On sait que la France appuie pour la création d’un statut européen du travailleur frontalier. Pour vous, si de nouvelles avancées concernant le télétravail des frontaliers voient le jour, elles naîtront davantage à une échelle européenne ou internationale que bilatérale, entre le Luxembourg et la Belgique?

«Les relations belgo-luxembourgeoises sont fortes et largement ancrées dans l’histoire. Certaines compensations fiscales ont pu être trouvées pour les communes belges, via le fonds des frontaliers. Des compensations que la France et l’Allemagne aimeraient bien désormais aussi obtenir… Si on envisage aujourd’hui d’établir une formule à un niveau européen, peut-être que ces compensations disparaîtront au profit d’autres choses…

Une possible disparition qui vous fait peur?

«Soyons clairs: si ces compensations fiscales disparaissaient, ce serait une catastrophe pour des communes où, parfois, on compte 60% de travailleurs frontaliers! Ces compensations encouragent à être favorable au télétravail et à augmenter le nombre de jours possible. D’ailleurs, si l’État belge obtenait une nouvelle compensation pour un passage de 34 à 48 jours de télétravail, on pourrait sans doute évoluer facilement en ce sens…

Le mot-clé pour le télétravail des frontaliers est donc rétrocession fiscale?

«Oui. Et pour répondre plus précisément à une de vos questions précédentes: oui, je pense que la prochaine étape concernant le télétravail se négociera bien au niveau international. L’impulsion viendra, à mon sens, de l’Europe ou de l’OCDE. Mais il faudra bien faire attention à tenir compte de la réalité fiscale des pays et de la manière dont ces derniers fonctionnent. Lorsqu’un problème transfrontalier survient en raison de la fiscalité, il faut savoir réfléchir en termes de compensation fiscale.»