Autrefois compliquée à mettre en place, la téléconsultation est devenue la norme pour les médecins pendant la crise du Covid-19. La CNS, qui ne remboursait pas ces rendez-vous, a alors créé un acte spécifique dans le cadre de la pandémie. Et maintenant?
De 100% à 10% de téléconsultations
«Nous sommes passés de 0 à 100% de téléconsultations pendant la crise», témoigne Caroline Marx, médecin à Luxembourg. Depuis la réouverture de son cabinet près de la gare début mai, ces dernières représentent toujours de 10 à 20% des consultations. «Il y a deux phénomènes», décrit-elle. «D’abord, les frontaliers qui restent en télétravail, et donc ne viennent plus consulter sur place. Et puis, certains patients ont toujours peur.»
Si cette option a son utilité, le docteur ne souhaite pas non plus la généraliser: «On ne peut pas faire d’examens cliniques, prendre la température, évaluer les battements du cœur. Avant de prescrire des antibiotiques pour une angine, par exemple, j’effectue toujours un test, qu’on ne peut pas faire à distance», justifie-t-elle. La téléconsultation comporte aussi des risques: «Les gens ont pris l’habitude de m’écrire tout le temps, même pour des urgences, au lieu d’appeler directement le 112», signale-t-elle.
Depuis quelques semaines, elle rappelle aussi tous ses patients pour vérifier qu’ils n’aient pas manqué d’examens à cause du confinement. «Il y a d’énormes délais maintenant pour les rendez-vous. J’ai un patient qui doit faire une IRM, il n’a pas de place avant décembre, alors que ce n’est pas un examen de complaisance», remarque-t-elle. «Il va y avoir des retards de diagnostics.»
20.000 téléconsultations sur Doctena
Chez le docteur Jean-Marc Weber aussi, environ 15% des consultations se font aussi toujours à distance. «La pandémie a fait avancer les choses», se réjouit-il. «La téléconsultation comporte quelques avantages pratiques pour les patients, qui perdent moins de temps dans les trajets. Elle ne remplace pas la consultation dans la majorité des cas, mais il serait intéressant de garder cette pratique dans l’après-crise», commente-t-il.
Des taux similaires chez les médecins Jérémy Joiris et Armin Beslija. La téléconsultation concerne surtout «les patients qui ne peuvent toujours pas se déplacer et qui ont peur de sortir», ou encore «des consultations de routine avec des patients que les médecins connaissent bien», décrivent leurs secrétaires.
Tous les médecins interrogés sont passés par la plateforme Doctena. Ainsi, cette dernière a enregistré «près de 20.000 téléconsultations», selon son CEO, Patrick Kersten. La plateforme, qui proposait déjà la prise de rendez-vous en ligne, a .
Après des pics à 100 heures de téléconsultation par jour, «nous sommes redescendus à 25-30 heures par jour», décrit Patrick Kersten. Il souhaite faire perdurer ses services après la crise. «C’était un projet que nous avions déjà identifié, mais qui était parqué à cause de la question du remboursement.» Le code introduit par la CNS est spécifique à la situation de crise, mais le CEO espère qu’il sera renommé pour durer. «Le Luxembourg était déjà en retard sur ses voisins à ce sujet.»
Il est conscient que la téléconsultation ne convient pas à tous. «Pour les malades chroniques et le renouvellement d’ordonnances, elle permet un gain de temps pour le médecin, comme pour le patient. La vidéo est plus riche que le téléphone, on peut voir l’environnement, la mine de la personne, ses mimiques.» La consultation vidéo de Doctena coûte 79 euros par mois au médecin qui l’utilise. «Cela représente une somme nulle pour nous», selon Patrick Kersten, qui affirme ne pas avoir gagné énormément de clients grâce à la crise. «Nous sommes entre 25 et 30% de pénétration de marché.»
670 médecins sur eConsult
La a connu, elle aussi, son heure de gloire. «Mi-juin, nous étions 670 médecins inscrits pour 6.800 rendez-vous pris», compte sa gestionnaire, l’agence eSanté Luxembourg. Le nombre de consultations par semaine a largement diminué depuis la fin du confinement, passant de 1.000 par semaine à une centaine ces dernières semaines.
La plateforme va-t-elle perdurer? «Au vu de l’adhésion des utilisateurs et de l’utilisation faite, qui démontre l’utilité d’un tel dispositif, il n’est pas inimaginable qu’à terme, une solution de téléconsultation soit maintenue et déployée au sein même de la plateforme eSanté.» Reste à savoir si la CNS continuera de rembourser ces prestations. L’agence eSanté n’en sait, pour le moment, pas plus à ce sujet.