Un an après avoir célébré son 20e anniversaire, le Technoport aborde un changement stratégique. Son CEO, Diego De Biasio, entend rester le leader des initiateurs de concepts. (Photo: Paperjam / Archives)

Un an après avoir célébré son 20e anniversaire, le Technoport aborde un changement stratégique. Son CEO, Diego De Biasio, entend rester le leader des initiateurs de concepts. (Photo: Paperjam / Archives)

Le Technoport a eu 20 ans et a atteint son «break-even» en 2018... mais c’est en 2019 qu’il annonce un repositionnement stratégique. Son CEO depuis 15 ans, Diego De Biasio, parle peu. Mais jamais pour ne rien dire.

«Ils sont arrivés pour une première réunion, un été, autour d’un barbecue, en T-shirt et en tongs!» Thibaut Britz et Christophe Folschette restent, au milieu des 150 entreprises qu’il a déjà accueillies au Technoport – ou même au Luxembourg – les deux entrepreneurs qui l’ont le plus bluffé en 15 ans.

Le succès de Talkwalker a commencé au Technoport. C’est à Foetz, dans la déclinaison industrielle de l’incubateur, que son CEO, Diego De Biasio, évoque un repositionnement stratégique.

«Je continue à m’éclater», lâche avec enthousiasme ce facilitateur de business habituellement très discret.

Diego, le Technoport fait une crise d’adolescence? 20 ans, ce n’est pourtant plus l’âge de la crise d’adolescence...

Diego De Biasio.- «Ce n’est pas parce qu’on a 20 ans qu’on dort sur nos lauriers! Après le congrès à Belval, nous avons commencé à effectuer une réflexion stratégique en vue des cinq années à venir. On a dressé un bilan des activités qu’on menait jusqu’à aujourd’hui, toute la partie ‘incubateur d’entreprises’, qui est le cœur de métier du Technoport, la partie coworking, qui était sur le site de Belval, et le FabLab, qui était depuis 2016 au 1535° à Differdange.

Le premier enseignement a été assez facile sur la partie coworking. On a décidé qu’on allait arrêter l’activité en tant que telle. Nous avons joué notre rôle d’initiateur quand nous avons déménagé à Belval, mais on voit que, depuis, il y a eu une multiplication d’initiatives privées en ville, et elles commencent à être présentes ici, à Belval. De notre point de vue, la demande n’a jamais vraiment décollé à Belval.

Ce concept initial d’offres pour indépendants peut-être actifs dans le juridique ou dans le marketing pour faire cette liaison croisée avec des entreprises technologiques n’a pas vraiment pris. Le site était essentiellement utilisé pour tout ce qui était événement, et on a constaté qu’il était surtout utilisé par les candidats qui voulaient rentrer dans l’incubateur après, dans notre phase pré-commerciale qui dure quatre mois. Le site est maintenu pour les événements parce que cela crée quand même une certaine dynamique, de l’ouvrir aux externes comme dans le passé et de garder l’espace pour les candidats à l’incubateur.

Tout le FabLab a été financé sur nos fonds propres, on n’a pas eu d’aide de qui que ce soit.
Diego De Biasio

Diego De BiasioCEOTechnoport

La deuxième décision stratégique concerne le FabLab. Le bilan des cinq premières années était positif au regard de ce qu’on a atteint comme structure. Il est de loin le lab le mieux équipé de la Grande Région, avec les différentes techniques de production, que ce soit addictif, soustractif ou prédictif. En tant que société anonyme, on faisait face à certaines problématiques, notamment dans le domaine des actions de formation ou de sensibilisation qui nous limitait un peu sur les types de support qu’on pouvait obtenir.

Tout le FabLab a été financé sur nos fonds propres, on n’a pas eu d’aide de qui que ce soit. Nous avions deux options: soit on fait une spin-off et on crée une asbl qui va vivre sa vie et va devoir aller chercher des fonds, soit on trouve un partenaire qui est intéressé par l’idée de reprendre l’activité et la philosophie, qui est une plate-forme ouverte pour faire du prototypage. On a eu la chance d’entrer en discussion avec le Lycée des arts et métiers (LAM) pour leur projet ‘Talent Up’, qui vise à faire des activités dans le domaine edtech.

Dans la discussion, le sujet FabLab a émergé, et le directeur, Fabrice Roth, a sauté sur l’opportunité et a dit que ça l’intéressait. Le LAM a des BTS dans tout ce qui est gaming, design, ou des formations dans ce qui est ingénieur mécanique. Ils ont certains équipements dans leur école et ils ont un makerspace, relativement petit. Il a vu directement le lien qu’il pouvait faire entre ces formations, le makerspace et le FabLab pour aller plus loin. Ce qui lui plaisait, c’était de dire que, si on a une plate-forme ouverte, ça permet de créer les liens entre les industriels et les étudiants dans les formations, dans les stages ou dans d’autres activités. On a transféré l’activité fin septembre, ils prévoient l’ouverture en novembre ou décembre, le temps de déménager tout.

Ça, ça nous a permis de continuer notre activité d’initiateur de concepts. C’est un peu comment on se voit. D’accord, on a une fonction historique d’incubateur d’entreprises. Mais 2012, depuis qu’on est sorti du CRP Henri Tudor, on a développé pas mal d’initiatives, qui, à un certain moment, étaient soit assez mûres, soit il n’y avait plus d’intérêt. On l’a fait avec les hackathons autour du gaming, repris par le LAM.

On a décidé de mettre le focus sur toute la partie ‘incubation d’entreprises’, développer de nouveaux services et approfondir certaines verticales, en restant générique.
Diego De Biasio

Diego De BiasioCEOTechnoport

On avait initié les Startup Weekend, dont le flambeau sera repris par , de la Lhoft. On essaie de trouver un système pour organiser du récurrent et mettre des choses en place au milieu pour que les équipes qui gagnent puissent continuer à avancer. On faisait des étapes intermédiaires, avec des concours à Sarrebruck entre vainqueurs, ou dans le cadre de participations à des salons comme l’ICT Spring ou l’Arch Summit.

Le prochain hackathon, c’est le Space Hack, fin novembre, où on proposera des défis, quatre ou cinq problématiques de la part de sociétés déjà établies. Nous voudrions organiser cela tous les deux ans. En alternance avec le Hack in Space, soutenu par le CNES. Pour dynamiser l’écosystème autour du spatial.

On a décidé de mettre le focus sur toute la partie ‘incubation d’entreprises’, développer de nouveaux services et approfondir certaines verticales, en restant générique. On n’a pas vocation à se limiter. Aujourd’hui, on voit une hausse de la demande ou un intérêt du gouvernement, comme l’espace, on a six sociétés sur 40, ou comme life science et santé, où on va un peu explorer avec un petit incubateur qui va être lancé en 2020 dans la House of Biohealth, 600 mètres carrés d’espace.

À terme, il y a aussi la partie automotive, à Bissen. Le gouvernement clôture l’appel à candidatures pour la construction de l’incubateur, mais cela ne nous empêche pas d’avancer sur l’offre de services. Il ne va pas suffire d’avoir un beau bâtiment… mais il faudra un écosystème qui rassemble une offre de services qui nous distingue des autres.

Vous allez être obligés d’être un peu plus éclatés malgré vos ressources humaines relativement limitées…

«Exact, c’est un des challenges. Le FabLab est sorti, ça nous libère des ressources financières, qui vont être engagées sur d’autres profils. Toutes ces branches vont nécessiter qu’on monte en puissance sur ces compétences et qu’on réfléchisse sur le business model qu’il y a derrière.

Bien que nos actionnaires soient le ministère de l’Économie à 55% et la SNCI à 45%, nous ne recevons plus de subsides étatiques depuis 2012. On gère l’activité comme une entreprise privée. On a certains avantages, comme le bail emphytéotique. L’an dernier, nous sommes arrivés au break-even. On a épongé toutes les dettes.

On tourne à 1,3 million d’euros de budget annuel, et nous sommes sept. 60% de nos ressources proviennent des packs qu’on met à disposition des entreprises, 20% du sponsoring et le reste des projets européens, du FabLab ou de projets à droite et à gauche. Tout ce qu’on gagne est directement réinvesti dans le développement des activités. Avant, c’était plus difficile, parce qu’on avait des surfaces plus petites. C’était plus difficile d’avoir un modèle autofinancé. Et le ministère de la Recherche nous donnait une enveloppe annuelle de 300.000 à 400.000 euros. Aujourd’hui, avec 16.000 mètres carrés, avec un taux d’occupation à 80%, on n’est plus dans la même configuration.

Avec une concurrence très forte, un peu partout et de différents types, c’est plus dur de faire venir des sociétés?

«Non. On a l’avantage de ces halls industriels. On reste attractif pour certaines cibles, qui, en ville, ne peuvent pas trouver cette offre. Même avec Paul Wurth, on a trouvé un bon terrain de collaboration, parce qu’eux non plus n’ont pas encore aujourd’hui ces surfaces-là. Tout ce qui est fintech, on s’est un peu retiré. On a encore deux sociétés dans ce secteur et on ne fait pas de promotion proactive. Si on a des contacts, on les aiguille vers la Lhoft, qui redirige vers les incubateurs ou accélérateurs du secteur.

Pour tout ce qui est Luxembourg-City Incubator ou Future Lab, qui prend aussi d’autres types de projets, on peut voir de la concurrence, c’est un choix de l’entrepreneur. Nous, on veut se focaliser sur tout ce qui est tech ou deep tech, être un partenaire de tout ce qui est spin-off de la recherche... un peu nos origines.

L’écosystème a bougé. Toute une série d’initiatives a amené des entrepreneurs à se manifester, à se déclarer.
Diego De Biasio

Diego De BiasioCEOTechnoport

Depuis 2012, il y a eu une augmentation du nombre de candidatures. Les trois ou quatre dernières années, on est relativement stable, autour de 160 par an. Il y a eu un shift assez intéressant par rapport à l’origine. Dans le temps, la Grande Région était un gros bassin de nouveaux contacts, aujourd’hui, elle ne représente plus que 12%, on a 50% de résidents, des expats, et 38% de projets internationaux.

L’écosystème a bougé. Toute une série d’initiatives a amené des entrepreneurs à se manifester, à se déclarer, ça a à voir avec les hackathons, avec les VC, avec les initiatives du gouvernement, avec les messages des entreprises qui sont plus ouvertes aux start-up, aux banques, qui ont bien changé leurs messages.

Quand les sociétés internationales viennent, elles ont déjà toutes fait une bonne analyse de l’écosystème, elles savent où elles vont, pourquoi elles veulent venir ici.
Diego De Biasio

Diego De BiasioCEOTechnoport

Dans les 38%, clairement, c’est lié aux piliers que le gouvernement veut mettre en place, comme l’espace ou l’industrie. Ils viennent chercher un pied-à-terre européen ou bien une plate-forme un peu plus centralisée qui leur permet d’aborder l’internationalisation autrement. Un an après, ils apprécient la rapidité de certaines décisions par rapport à leur pays d’origine, le fait qu’ils peuvent avoir confiance, que quand une décision est prise, on s’y tient, et puis c’est l’écosystème, l’aspect international du Luxembourg qui joue dans certaines décisions.  

Avec l’espace, on constate qu’il y a une dynamique un peu différente, avec des sociétés du Danemark, comme GomSpace, ou du Royaume-Uni, comme Kleos. Tu vois que le Technoport, c’est vraiment une rampe de lancement. Il faut voir quelle offre de services mettre en place. Quand les sociétés internationales viennent, elles ont déjà toutes fait une bonne analyse de l’écosystème, elles savent où elles vont, pourquoi elles veulent venir ici. Par contre, le soutien que tu es censé leur fournir va plus loin que la mise en relation business. Ça parle de logement, d’écoles, de vie sociale. Ce n’était pas le cas avant.»