La finance doit mener une transformation structurelle similaire à celle effectuée avant elle par d’autres secteurs comme l’industrie ou l’agriculture. Plus qu’une révolution, il s’agit de trouver les moyens d’engranger progressivement des gains de productivité.

Les acteurs de la finance font face à une problématique d’érosion de leurs marges. «Les enjeux relatifs à la gestion des coûts relèvent d’une petite musique qui revient régulièrement depuis plusieurs années, avec chaque fois de nouvelles variations, explique Jean Hilger, Head of Finnovation au sein du SnT - Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust de l’Université du Luxembourg.

Comme d’autres secteurs avant elle, la finance doit trouver des réponses à une problématique globale de productivité.
Jean  Hilger

Jean  HilgerHead of Finnovation HubSnT

Comme d’autres secteurs avant elle, la finance doit trouver des réponses à une problématique globale de productivité. À cet égard, elle doit prendre conscience qu’elle n’est en rien une activité différente d’autres et pouvoir engager des réformes structurelles comme l’a par exemple déjà fait l’industrie ou encore l’agriculture.» Ces deux secteurs, face à des normes contraignantes, sont parvenus à opérer une transformation profonde pour maintenir des marges opérationnelles suffisantes. C’est cette même transformation que la finance doit parvenir à mener à bien aujourd’hui.

Prise de recul nécessaire

«Si la finance n’a pas encore opéré sa mue, ce n’est pas forcément par manque de volonté. Face à l’ampleur de la transformation, certaines difficultés restent délicates à appréhender», commente Jean Hilger. L’activité financière s’appuie déjà sur l’informatique. Cependant, la digitalisation opérée jusqu’alors s’inscrit dans une démarche d’optimisation sans forcément remettre fondamentalement en question la manière de procéder. «Or, c’est dans cette distinction entre digitalisation des processus et transformation numérique fondamentale qu’est tout l’enjeu, pour Jean Hilger. Parvenir à engranger de réels gains de productivité exige de prendre du recul, de ré envisager les processus dans l’optique de redéfinir l’activité back-office. Le problème est que, aujourd’hui, les acteurs doivent composer avec un environnement informatique qui n’a pas été conçu pour répondre aux attentes actuelles et aux besoins à venir, notamment d’un service en continu. D’autre part, la succession de réglementations n’offre pas aux équipes la possibilité de mener une réflexion plus approfondie sur la manière d’opérer leurs activités autrement.»

Au-delà de la mutualisation, parvenir à transformer

À la problématique des coûts opérationnels, une des solutions les plus souvent avancées réside dans l’externalisation ou la mutualisation de certains services ou fonctions. «Dans cette démarche, si l’on se contente de répliquer ailleurs l’existant sans opérer une réelle transformation des processus, les gains sont marginaux. La logique ne permet pas de répondre à la problématique structurelle de gestion des coûts auxquels est confronté l’ensemble des acteurs de la finance, poursuit Jean Hilger. Au Luxembourg, on a déjà envisagé de très grands projets de migration, complexes à mener, qui n’ont pas abouti ou qui n’ont permis de ne réaliser que des économies marginales.»

L’idée est de déployer des technologies récentes, pouvant offrir des gains considérables, en commençant par des services ciblés.
Jean Hilger

Jean Hilger Head of Finnovation HubSnT

Face à l’enjeu, les acteurs de la finance devraient privilégier d’autres approches, plus pragmatiques et plus modestes, pour se réinventer, transformer l’activité back-office et améliorer la productivité. «L’idée est de déployer des technologies récentes, pouvant offrir des gains considérables, en commençant par des services ciblés, poursuit Jean Hilger. Il ne s’agit pas d’opérer une transformation d’ensemble, complexe à mener, mais de commencer par certains processus ne touchant pas directement au cœur de l’activité.»

Adopter une approche progressive

La technologie des registres distribués (DLT), grâce à l’utilisation des smart contracts, permet par exemple d’accéder à un haut niveau d’automatisation des processus. Elle a notamment été mise en œuvre au niveau de la Spuerkeess pour transformer le processus de liquidation du prêt étudiant. «Par le passé, l’étudiant devait produire un ensemble de documents à la banque en vue de leur traitement au niveau du back-office, notamment une confirmation d’inscription établie par le CEDIES. La technologie permet désormais de liquider automatiquement le prêt grâce à l’information directement transmise à la banque par l’administration, poursuit Jean Hilger. On peut éviter les démarches superflues liées au traitement de cette demande simple.»

La démarche permet d’alléger considérablement le processus de back-office et les coûts associés. «Une même approche peut s’appliquer à de nombreux autres services, complète le Head of Finnovation du SnT. En menant une réflexion sur ce que permet la technologie, on peut envisager de nombreuses possibilités d’accéder à des gains substantiels au niveau de diverses fonctions, que l’on évoque la banque, l’assurance ou les fonds. En procédant par étape, on peut valider l’usage de la technologie, profiter de gains facilement accessibles, avant d’envisager des projets de cette nature sur d’autres fonctions.»

C’est en adoptant une démarche davantage entrepreneuriale au service d’une transformation progressive que les acteurs financiers parviendront à répondre à cet enjeu structurel d’améliorer de leur productivité.