«Je ne pouvais pas ne pas y aller! Même quand les gens me disaient que ce n’était pas efficace, qu’il était plus facile de transférer de l’argent à des ONG, ce n’est pas ce que je voulais faire!» Ne contrariez pas un chef cuisinier qui fait mijoter sa propre recette. Dès le début de l’invasion russe en Ukraine, le CEO de , Matteo Ressa, discute avec ses associés, entend ceux qui veulent aller livrer des produits, organise des groupes rejoints par des Britanniques, des Français, des Belges ou des Luxembourgeois.
Discrètement, Villeroy & Boch accepte de sponsoriser une opération «convoi», qui ne tarde pas à se mettre en place. Après avoir récolté cinq tonnes de matériel et de denrées de première nécessité, 22 volontaires se mettent au volant de 11 vans, tandis que David et Lynn Holland (Results Rules OK) coordonnent la manœuvre depuis le Luxembourg.
. «Lundi (21 février), nous sommes allés dans les magasins et avons rempli la Honda Civic avec une gamme d'articles demandés et nous nous sommes préparés à partir pour l'Ukraine - à environ 1500 km de là...», raconte David Holland. «Lynn a mis un petit mot sur le groupe Facebook de nos Villages et a posté que nous allions à Medyka jeudi sur sa page personnelle... Ensuite, tout a commencé...»
Le convoi se forme dans l’est de la France et prend la direction de la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. «À Wroclaw et Medyka (un des principaux axes de circulation entre l’Ukraine et la Pologne, ndlr), nous nous sommes enregistrés comme des volontaires, procédure obligatoire pour éviter ceux qui tentent de profiter de la misère des Ukrainiens, mais aussi pour ne pas faire tout et n’importe quoi. Nous voulions répondre aux besoins des réfugiés. Il y a par exemple trop de vêtements par rapport aux besoins», explique l’entrepreneur spécialisé dans la mise à disposition de chefs cuisiniers pour des événements d’entreprise ou pour des formations.
«Je n’oublierai jamais»
«Je n’oublierai jamais», dit-il en même temps que sa voix ralentit. Dans ce supermarché reconverti en centre d’accueil pour des réfugiés, il décrit les visages vides, les gens sous le coup d’un stress énorme ou encore ces enfants qui ont du mal à comprendre ce qui leur arrive. Au lieu de rentrer à vide, quelques-uns des bénévoles décident d’aller à la gare de Przemysl attendre un hypothétique train qui arriverait d’Odessa. «Nous ne savions pas à quelle heure le prochain train arriverait. Nous avons attendu six heures. Nous avions traduit Luxembourg et d’autres destinations en cyrillique, pour qu’ils puissent s’orienter. Les uns voulaient aller à Dresde, sur notre route, d’autres à Cracovie, à Francfort ou à Metz. Au total, nous avons pris 13 personnes, à qui, grâce à notre sponsor, nous avons pu offrir une nuit d’hôtel à Dresde.»
«J’espérais ne jamais avoir à être confronté à cela», ajoute l’entrepreneur. «Nous qui sommes dans le confort de la partie la plus sûre de l’Europe face à la tragédie et l’horreur…»
À peine revenu, il organise déjà son prochain départ, à la mi-mai, et espère même que le nombre de volontaires passera à 30 tant les besoins sont énormes. «C’est notre contribution! Par exemple, j’ai vu une jeune femme de 22-23 ans, très éduquée et dans l’IT, qui est descendue à Francfort pour aller à Zurich où elle avait un ami. L’aspect positif est qu’elle n’a jamais dû arrêter de travailler grâce à la technologie. L’aspect plus compliqué est que son salaire ukrainien ne lui suffira pas en Suisse.»
«Ils ne se plaignent jamais!»
«Nous cherchions des développeurs, avant la crise, et nous avions le choix entre des Indiens ou des Ukrainiens. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir choisi notre équipe en Ukraine, avec laquelle nous partageons une culture commune, avec laquelle nous pouvons communiquer», se félicite le CEO de Veezzy, Lyazid Benyahya.
«Les deux premières semaines ont été très difficiles. Nos sept développeurs étaient dans différentes parties de l’Ukraine, donc pas touchés de la même manière par l’invasion russe. Ils ont montré une telle résilience! Quand nous parlons avec eux, ils ne se plaignent jamais et ne parlent même pratiquement pas de la guerre. Il y a parfois des coupures de courant ou des retards, mais on gère.»
«Au début de l’invasion, c’était compliqué», reconnaît le dirigeant de la structure ukrainienne, 25 développeurs répartis sur tout le territoire ukrainien. «Mais aujourd’hui, nous continuons à travailler presque normalement, nous avons internet, nous pouvons recevoir et transférer des fonds», expliquait-il mardi 5 avril, dans l’après-midi. «Quand il y a des alarmes ou des bombardements aériens, nous devons bien sûr réagir, mais ça va», concède l’entrepreneur, qui revisite les codes de la vidéo d’entreprise grâce à la technologie.
«Nous sommes choqués par ce que nous avons vu à Boutcha, à Kiev et dans d’autres villes de notre pays, mais nous avons confiance dans notre armée. Et les gens sont très soudés. Tout le monde apporte de l’aide à tout le monde, dès que le moindre besoin se fait sentir», assure Stan. Tous les hommes ukrainiens ne sont pas invités à se battre par le gouvernement. «J’y ai pensé», reconnaît l’entrepreneur, joint par Whatsapp. «Mais je n’ai pas reçu d’invitation et je suis pragmatique: je crois que je suis plus utile à continuer à faire tourner la société pour que mes employés puissent à leur tour apporter plus d’aide à notre armée ou à nos compatriotes!»
Joompay offre un compte européen rapide et sans frais
Parmi les problématiques que rencontrent les réfugiés ukrainiens en Europe, celle de l’argent est centrale. Vendredi, , la solution de paiement du groupe Joom, spécialisé dans l’e-commerce, a annoncé offrir des comptes bancaires gratuits aux réfugiés.
Ils doivent télécharger l’application et s’enregistrer, suivre le processus avant de pouvoir y transférer de l’argent et payer des factures, utiliser Google ou Apple Pay, retirer jusqu’à 200 euros dans les distributeurs automatiques ou permettre à des parents et des amis de leur envoyer de l’argent.
La fintech luxembourgeoise sous licence de la CSSF offrira même un service client en ukrainien pour résoudre toutes les difficultés que pourraient rencontrer les réfugiés.
Ce lancement a été facilité par la décision de la start-up Veriff d’offrir un million de vérifications d’identité et accélérer l’inclusion financière des Ukrainiens.
L’emploi, la clé de l’aide
Vendredi dernier, , la formation et les carrières sur 140 stands. «Nous avons mis en place une zone ‘Ukraine’ à côté de notre stand Moovijob. Le but était de renseigner les Ukrainiens sur le marché de l’emploi luxembourgeois, mais aussi de renseigner les employeurs luxembourgeois sur les conditions de recrutement de réfugiés ukrainiens», explique le directeur de Moovijob Luxembourg, Yannick Frank. «Cette zone a accueilli bon nombre de visiteurs, dont 314 réfugiés ukrainiens qui sont venus motivés et préparés dans leur recherche d’emploi. Nous avons rencontré des profils très variés et compétents, de secteurs tels que l’informatique, l’ingénierie, le bâtiment, des professeurs, des infirmiers ou aides-soignants, etc. Des profils maîtrisant très bien la langue anglaise.»
L’Adem, à des demandeurs d’emploi, précise que 49 bénéficiaires de protection temporaire récemment arrivés sont inscrits et peuvent postuler aux offres d’emploi, notamment de l’Adem. Fin février, plus de 11.000 postes étaient vacants.
Au niveau européen, on retrouve aussi : Passbolt, start-up spécialisée dans la gestion de mots de passe, a ouvert deux positions de scrum master; Nvidia et d’autres acteurs proposent aussi une vingtaine de formations en ligne.