«Taxi, s’il vous plaît!» Une phrase que l’on entendra de moins en moins au Findel dès le 2 mars. L’arrivée du tram à l’aéroport marque un tournant pour le secteur du transport privé. Les voyageurs pourront rejoindre l’aéroport gratuitement et sans interruption grâce à deux nouveaux arrêts: «Findel - Luxembourg Airport» et «Senningerberg, Héienhaff».
Si cette extension vise à fluidifier le trafic et à encourager l’utilisation des transports en commun, elle suscite aussi de vives inquiétudes chez les taxis. De nombreux chauffeurs, réticents à s’exprimer, témoignent d’un malaise face à cette évolution qui risque d’affecter leur quotidien.
Le président de la Fédération des taxis et CEO de Hello Taxi, Paul José Leitao, s’attend à une baisse du nombre de courses vers l’aéroport. Il rappelle qu’un phénomène similaire s’est produit lorsque le tram a relié la gare au Kirchberg, entraînant une diminution significative des trajets en taxi sur ce corridor. Toutefois, il souligne que la profession doit évoluer et se positionner comme un complément aux transports publics, une tendance déjà bien ancrée en Europe.
Chez Emile Weber et Webtaxi, l’impact se fera surtout ressentir sur les trajets entre le Kirchberg et l’aéroport, mais sera moindre pour d’autres déplacements. De nombreux voyageurs continueront de privilégier des solutions plus flexibles et rapides, notamment pour des destinations non desservies par le tram. Même constat du côté du fondateur d’Alo Taxi, Fabio Todoverto, pour qui le Findel représente 20 à 30% de son activité. Pour autant, il ne se montre pas inquiet. «Il y aura un impact, mais pas assez important pour bouleverser notre modèle économique», estime-t-il, rappelant que la majorité des courses de son entreprise s’effectuent entre Luxembourg-ville et le reste du pays.
Taxis et VTC misent sur leurs atouts
Face à cette nouvelle concurrence, taxis et VTC misent sur leur valeur ajoutée pour fidéliser leur clientèle. «Les transports publics gratuits sont un atout pour la mobilité, mais ils ne couvrent pas tous les besoins des usagers. Le taxi reste une solution essentielle pour les trajets spécifiques.»
Chez Emile Weber, l’accent est mis sur la qualité du service, avec des tarifs compétitifs et un positionnement premium qui garantit aux clients un confort que les transports en commun ne peuvent offrir.
De son côté, Fabio Todoverto ne prévoit aucun changement immédiat dans son fonctionnement. Son entreprise s’appuie sur une clientèle fidèle, un service de qualité et une centrale téléphonique active depuis 15 ans. Il souligne également que son partenariat avec Uber lui permet de diversifier les réservations et d’assurer une présence sur plusieurs canaux.
Des horaires de travail qui s’allongent
Avec une possible diminution des courses, certains chauffeurs envisagent déjà d’augmenter leurs heures de travail pour compenser les pertes. «Avant, on pouvait finir la journée à 18h. Maintenant, il faudra faire 12 heures ou plus», confie un chauffeur qui préfère conserver l’anonymat, et inquiet pour l’avenir de la profession. «Il y a trop de taxis au Luxembourg et pas assez de travail pour tout le monde.»
Malgré l’arrivée du tram, certains voyageurs resteront attachés aux services de taxi et VTC. Selon Emile Weber, les trajets professionnels constituent un axe majeur de l’activité, en particulier en semaine, tandis que les week-ends attirent une clientèle plus touristique ou familiale, souvent chargée en bagages.
Fabio Todoverto partage cette vision. «Nos clients principaux sont des hommes d’affaires et des familles avec enfants qui ne peuvent pas se permettre d’attendre un tram avec des bagages ou de risquer un retard», souligne-t-il. Il rappelle que les taxis restent un service rapide et direct, avec une prise en charge porte-à-porte qui n’a pas d’équivalent dans les transports publics.
Pour atténuer l’impact de l’arrivée du tram, certains opérateurs cherchent déjà à optimiser leur présence au Findel. Paul José Leitao annonce des ajustements à venir sur la file d’attente des taxis à l’aéroport afin de faciliter l’accès aux passagers.
De son côté, Emile Weber prévoit d’adapter sa présence à l’aéroport pour fidéliser sa clientèle et répondre aux nouveaux enjeux de mobilité.
Un secteur sous pression
Si l’arrivée du tram représente un défi, les taxis doivent également faire face à une concurrence accrue et, selon eux, à un «manque de soutien de l’État».
«L’État ne nous a jamais réunis avec les patrons, les petits patrons de taxi, pour trouver une solution qui convienne à tout le monde. Il faut que l’État s’implique aussi pour aider les sociétés de taxi, surtout les PME», déplore Fabio Todoverto.
Il plaide pour un soutien aux petites entreprises du secteur, qui leur permettrait de mieux s’intégrer au réseau de transport public grâce à des tarifs plus accessibles et un modèle économique plus équitable.
Fabio Todoverto insiste aussi sur un autre problème: le manque de solidarité entre chauffeurs. «C’est chacun pour soi. Il faut arrêter de fonctionner comme avant, c’est le problème du Luxembourg. Si on s’unit, on peut faire face à n’importe quelle concurrence.»
Si l’impact du tram reste à mesurer, il ajoute une pression supplémentaire sur un secteur déjà sous tension. Entre transformation du marché, concurrence grandissante et absence de soutien public, les taxis devront prouver leur valeur ajoutée pour ne pas voir leurs clients filer… en tram.