Sur les 1.300 chauffeurs de taxi avec un permis et une licence, seuls 150 sont actuellement actifs au Luxembourg. (Photo: Christophe Lemaire/Maison Moderne/Archives)

Sur les 1.300 chauffeurs de taxi avec un permis et une licence, seuls 150 sont actuellement actifs au Luxembourg. (Photo: Christophe Lemaire/Maison Moderne/Archives)

La hausse des prix des carburants et une clientèle d’affaires pas au rendez-vous mettent le secteur des taxis sous pression.

L’absence de la clientèle d’affaires pèse sur le secteur des taxis qui vient . «Les avions sont vides, tout comme les trains et les hôtels. Les gens ne bougent pas, pour le moment. Rajoutons le prix des carburants qui augmentent à des niveaux jamais vus. La situation est très difficilement supportable», assure Olivier Gallé, CEO de Colux.

Seule bonne nouvelle: la levée de l’obligation de fermeture à 23h pour les bars et les restaurants qui laisse entrevoir le retour de la clientèle de nuit pour les taxis. «C’est encore un peu tôt pour réellement constater une tendance, mais le week-end dernier, nous avons revu du monde, la nuit. Auparavant, avec l’obligation de fermer à 23h dans l’horeca, nous n’avions plus de chauffeurs de nuit. On espère récupérer un peu d’activité grâce aux personnes qui sortent pour boire un verre et qui recommencent à sortir», espère Paulo Leitão, président de la Fédération des taxis, voitures de location et ambulances. Mais les professionnels du secteur sont unanimes: la clientèle de nuit ne sauvera pas le secteur.

10 heures d’attente pour une course

Avec ou sans la nuit luxembourgeoise, la clientèle d’affaires n’a pas encore fait son retour au Luxembourg. Toute la question est de savoir si elle reviendra alors que le télétravail, les visioconférences, les événements digitaux et un secteur aérien encore au ralenti ne favorisent pas le retour de cette clientèle. «Cette situation va durer encore longtemps avant de retrouver les niveaux d’activité que l’on a connus en 2019. En tout cas, ce ne sera pas en 2022», assure Paulo Leitão qui est également le CEO de World Taxi.

Avant la crise sanitaire, un chauffeur attendait entre une dizaine de minutes aux heures de grandes affluences aéroportuaires et une heure pour décrocher une course à l’aéroport.

Paulo Leitãoprésident Fédération des taxis, voitures de location et ambulances

Actuellement, pour décrocher une course au Findel, «il faut attendre entre 4 et 5 heures. C’est mieux qu’avant puisqu’en pleine pandémie, il fallait compter 10 heures», soupire Paulo Leitão. Avant la crise sanitaire, «un chauffeur attendait entre une dizaine de minutes aux heures de grandes affluences aéroportuaires et une heure pour décrocher une course à l’aéroport» indique encore Paulo Leitão.

La flambée des prix des carburants n’arrange pas la situation déjà compliquée pour le secteur. «Certaines entreprises ont décidé d’augmenter les prix du kilomètre, d’autres réfléchissent à d’autres solutions, comme la voiture électrique, tout en sachant que l’électricité a également augmenté et que l’autonomie des véhicules électriques n’est pas suffisante pour notre activité. On tente de réduire autant que possible les frais en formant les chauffeurs à une conduite adaptée. Le froid n’arrange rien, puisqu’il faut aussi chauffer la voiture quand le chauffeur attend une course», souligne le président de la Fédération des taxis. Cette dernière est en train de se rapprocher des fournisseurs de produits pétroliers pour savoir s’il est possible de négocier un tarif pour l’ensemble du secteur. «C’est une idée récente, et nous ne savons pas si cela est possible ni dans quelle mesure», tempère Paulo Leitão.

Entre 100 et 150 chauffeurs actifs

Des difficultés qui en ont découragé plus d’un. Comme dans l’horeca, plusieurs chauffeurs ont décidé de quitter le métier. «C’est une réalité, il y a eu beaucoup de départs. Imaginez-vous être dans une voiture pendant des heures sans un client alors que les frais continuent de courir», peste Olivier Gallé. «Des sociétés ont fermé, d’autres ont fait faillite. Certains ont tout simplement abandonné le métier. Travailler 12 heures pour gagner un bon salaire et une marge pour faire tourner l’entreprise, cela vaut la peine. Mais être 12 heures dans une voiture pour un salaire minimum, ce n’est pas la peine», confirme Paulo Leitão.


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En 2021, le secteur comptait 148 entreprises de taxis pour 1.200 à 1.300 chauffeurs avec un permis et une licence. «Mais actuellement, il y a, au maximum, entre 100 à 150 chauffeurs actifs dans le pays, pas plus», assure Paulo Leitão avant d’expliquer qu’«il y a encore beaucoup de chômage partiel dans le secteur».

Ce qui pose également des problèmes au niveau de l’entretien des taxis. Les voitures sont habituées à rouler et une immobilisation longue peut endommager la mécanique. «On a vu de grands groupes et de petites entreprises vendre leurs voitures et réduire les flottes. Un véhicule à l’arrêt doit quand même avoir une assurance minimale pour pouvoir être simplement dans la rue», souligne le président de la Fédération des taxis, qui a d’ailleurs diminué de moitié sa propre flotte.

Je crois que ce n’est pas le moment de lancer une réforme, tant la situation financière est très difficile.

Olivier GalléCEOColux

Dans l’attente de la réforme des taxis

Dernière difficulté: les entreprises attendent la réforme du secteur annoncée par  (déi Gréng) ministre de la Mobilité. Paulo Leitão parle d’une situation incertaine pour les dirigeants qui ne savent pas quand aura lieu cette réforme, et surtout ce qu’elle va apporter. «On pense qu’elle aura lieu encore cette année. On n’a pas beaucoup d’informations sur le sujet, on ne sait pas si la réforme va ouvrir complètement le marché ou si elle va garder le même nombre de licences et de zones. Donc, nous ne savons pas si nous allons devoir investir ou désinvestir. On a eu des rendez-vous et des discussions, nous attendons désormais le projet de loi final. On attend, sans savoir si l’on va devoir tourner à gauche ou à droite», déclare Paulo Leitão.

«Effectivement, on attend. Mais je crois que ce n’est pas le moment de lancer une réforme, tant la situation financière est très difficile», explique Olivier Gallé. Ce dernier plaide davantage pour une meilleure écoute du terrain. «Il manque des places dédiées aux taxis. La Cloche d’Or est en train de se développer, mais il n’y a pas un seul stationnement prévu pour les taxis. Idem au nouveau stade et aux grands arrêts du tram. À Clausen, il y a un petit espace caché et mal indiqué. C’est de l’ordre du détail, mais je pense que la Ville de Luxembourg et le ministère auraient pu trouver des solutions ou être un peu plus à l’écoute de notre secteur pour améliorer la situation actuelle», nuance Olivier Gallé.