La relance passera surtout par le retour au bureau et la consommation, selon Michel-Edouard Ruben, économiste. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

La relance passera surtout par le retour au bureau et la consommation, selon Michel-Edouard Ruben, économiste. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

L’économiste de la Fondation Idea Michel-Edouard Ruben analyse les effets économiques d’une taxation des entreprises ayant le plus bénéficié de la crise. Il juge l’idée difficilement applicable et peu efficace en termes de rendements.

Dimanche, le ministre du Travail (LSAP) lançait l’idée d’un impôt pour les entreprises dites «gagnantes» de la crise . Une idée qui , encore moins en ce qui concerne le patronat, et dont les .

Que pourrait-on attendre d’une telle mesure d’un point de vue économique global? Paperjam a interrogé Michel-Edouard Ruben, économiste à la Fondation Idea, à ce sujet notamment.

Mettre en place un impôt pour les entreprises qui ont le plus profité de la crise sanitaire, est-ce que cela a du sens d’un point de vue économique?

Michel-Edouard Ruben. – «Il va y avoir une première difficulté conceptuelle. Définir les entreprises gagnantes, cela va être complexe. Même si on voit ce que c’est, l’impôt, c’est quelque chose qui doit être précis. Est-ce qu’on calcule sur 2020? Quel trimestre? Dans le contexte actuel, les choses bougent très vite. Par exemple, à une certaine période, les entreprises de la grande distribution (dont l’activité a été amplifiée au début de la crise, ndlr) ont eu des rayons qui ont été couverts par des bâches.

Si on définit cela à partir d’un certain niveau de bénéfice par exemple…

«Les entreprises bénéficiaires cette année vont payer de l’impôt sur les sociétés. Elles vont générer davantage de TVA, même si c’est ici le consommateur final qui paie, parce qu’elles ont eu plus de chiffre d’affaires. Si elles ont eu un surcroît d’activité, elles ont embauché des gens, donc elles ont généré des cotisations sociales et été à l’origine d’impôts sur le revenu. Le système actuel fait que, naturellement, ces entreprises vont contribuer. Une année de suractivité, c’est quelque chose de ponctuel, qui ne va pas se reproduire tous les ans.

Un tel impôt ne pourrait-il pas aider à réduire les inégalités en aidant les secteurs qui ont le plus souffert de cette crise?

«Les quatre objectifs de l’impôt peuvent être le rendement (remplir les caisses, financer les dépenses), l’équité, l’orientation des comportements (par exemple, une taxe sur le CO2 ou le sucre pour réduire leur consommation) et l’attractivité.

Cette taxation pourrait rentrer dans l’aspect rendement ou équité. Dans les deux cas, vu que c’est une crise qui, j’ai l’impression, n’a pas fait beaucoup de gagnants, le rendement ne va pas être important. Cela n’a pas trop de sens.

Il y a des choses qu’on ne peut pas facilement transposer du particulier à l’entreprise. On peut, dans les relations entre les individus, parler d’inégalités. Les entreprises, c’est plus complexe. Et on aura toujours un problème pour définir les gagnants, parce que les situations peuvent évoluer.

À partir de quel rendement cet impôt pourrait, ou aurait pu, s’avérer efficace?

«Un exercice comme cela n’a pas de sens.

Une taxation de crise pourrait-elle également avoir des conséquences néfastes sur l’investissement?

«Je n’en sais rien. Je suis quelqu’un qui assume ce genre de réponses. Au début de la crise, je l’ai écrit, et au final j’ai eu raison.


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Quelles solutions seraient plus efficaces pour rééquilibrer les finances publiques après la crise?

«À l’heure actuelle, mon point de vue d’économiste – sans compétences en santé – c’est que la meilleure politique économique, c’est la vaccination à grande échelle. Sous hypothèse que la vaccination fonctionne. Elle est très bon marché. Quand on regarde le budget 2021 pour les achats de vaccins, on est à 16,45 millions d’euros. Alors que le Bëllegen Akt (crédit d’impôt sur les actes notariés) coûte 200 millions d’euros par an.

La meilleure politique économique, c’est la vaccination à grande échelle.
Michel-Edouard Ruben

Michel-Edouard RubenéconomisteFondation Idea

Pour moi, dans l’ordre des choses dont il faut se préoccuper, la dette publique du Luxembourg, qui est autour de 26% du PIB, arrive vraiment en queue de peloton. Il y a des choses beaucoup plus importantes qui arrivent avant. Parmi elles, le retour des gens au bureau, et donc de l’économie.

Beaucoup de ménages ont . Comment s’assurer que cet argent sera réinjecté dans l’économie?

«Il faut faire en sorte que cela aille dans l’économie et pas dans l’immobilier, sachant que ce risque existe. Il n’y a pas de solution miracle pour cela. On ne peut pas vous forcer à consommer, il faut vous donner envie. Une fois qu’on aura réussi la réouverture de l’économie et qu’on pourra retourner dans les endroits actuellement fermés, il faudra que ceux-là existent encore. C’est tout le travail du gouvernement, dans lequel nous sommes encore: s’assurer que tous ces secteurs qui souffrent reçoivent l’aide dont ils ont besoin.

Une certaine imposition des particuliers pourrait-elle aller dans ce sens?

«Le Luxembourg a la . Mais il me semble que c’est un peu prématuré dans le contexte actuel. Il y aura de la place pour ces discussions, qui sont prévues. Ce sont des choses générales sur la fiscalité, qui dépassent le cadre de la crise actuelle.»