Alexandre Gauthy, Lauréline Renaud-Châtelain et Jean-Yves Leborgne. (Photo: Lucie Deluz, Edouard Olszewski et Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Alexandre Gauthy, Lauréline Renaud-Châtelain et Jean-Yves Leborgne. (Photo: Lucie Deluz, Edouard Olszewski et Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Aujourd’hui au plus bas, les taux d’intérêt peuvent-ils remonter à court, moyen ou long terme? Dans ce contexte, comment allier rendement et sécurité? La réponse de trois experts.

Alexandre Gauthy (macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg).- «La condition sine qua non pour une remontée des taux d’intérêt à court et long terme réside dans une amélioration de la croissance économique mondiale. Or, celle-ci est entrée dans une phase de ralentissement, principalement en raison de la faiblesse de la demande chinoise et des incertitudes liées à la politique protectionniste américaine.

Les principales banques centrales des pays développés ont entamé un cycle de baisse des taux directeurs afin de stimuler leurs économies en perte de vitesse. À court terme, il n’y a donc pas vraiment de craintes à avoir de brusque remontée des taux. Et si les taux d’intérêt venaient à augmenter en réponse à une accélération de la croissance économique et à une inflation plus élevée, ils resteraient indéniablement inférieurs à ceux rencontrés dans les décennies passées. Le taux d’intérêt d’équilibre à long terme a baissé au cours du temps, en raison de facteurs plus structurels, comme le vieillissement démographique.»

Lauréline Renaud-Châtelain (stratège fixed income chez Pictet Wealth Management).- «Les marchés s’ajustent à une nouvelle réalité qui risque de durer: des taux directeurs négatifs en zone euro et un probable retour à des taux zéro aux États-Unis. Dans un monde surendetté où la croissance structurelle s’affaiblit, les banques centrales vont devoir rester très accommodantes.

Vu les projections des taux directeurs et les attentes d’inflation sur les 10 prochaines années, un retour au niveau de taux longs pour les obligations américaines et allemandes de référence semble illusoire. Quelles alternatives envisager?

Nous favorisons les obligations d’entreprises de qualité avec une maturité supérieure à cinq ans afin de bénéficier de rendements plus élevés apportés par une courbe des taux encore pentue sur le crédit. Grâce au soutien apporté par la BCE, nous serions prêts à considérer les crédits à haut rendement en euros – dont la dette subordonnée de sociétés financières, qui peut offrir des perspectives de rendement plus attractives, mais avec plus de volatilité.»

Jean-Yves Leborgne (portfolio manager chez ING Luxembourg).- «La zone euro continue de décélérer et, dans un contexte d’incertitude sur le Brexit et de tensions commerciales, cela risque de continuer. Le moral des entreprises est en baisse, surtout en Allemagne. En cas de Brexit dur et/ou de guerre commerciale avec les États-Unis, une récession serait inévitable.

La BCE a pris acte de ces risques en relançant son plan d’achat d’actifs de 20 milliards d’euros par mois à partir du 1er novembre. De ce fait, les rendements obligataires devraient donc se maintenir en territoire négatif pour un long moment encore. Rappelons que le taux allemand à 10 ans est proche des -0,6%, alors que le taux américain à 30 ans est passé sous la barre des 2%. L’attrait pour les obligations s’en trouve donc limité, et, pire, si ces mêmes taux devaient enfin remonter un jour, cela pénaliserait le prix des obligations, qui baisserait, rendant ainsi cette classe d’actifs peu attractive.»