D’après une étude du Chicago Mercantile Exchange (CME), les investisseurs entrevoient désormais 95% de chances d’une nouvelle hausse de 75 points de base des taux directeurs de la Fed pour la prochaine réunion du comité de politique monétaire. (Photo: Shutterstock)

D’après une étude du Chicago Mercantile Exchange (CME), les investisseurs entrevoient désormais 95% de chances d’une nouvelle hausse de 75 points de base des taux directeurs de la Fed pour la prochaine réunion du comité de politique monétaire. (Photo: Shutterstock)

De la conviction à l’entêtement, il n’y a qu’un pas… Face à une inflation persistante, la Fed ne désarme pas et s’apprête à remonter ses taux d’intérêt, malgré les craintes d’une récession. Un entêtement qui pose la question de la responsabilité des banques centrales.

C’est désormais acquis: la Fed va décider de relever ses taux lors de sa prochaine réunion programmée ces 1 et 2 novembre. La publication par le Département du travail le 13 octobre d’un taux d’inflation annualisé de 8,2% pour septembre en fait presque une ardente obligation. Une inflation qui reste haute malgré les augmentations rapides et importantes des principaux taux de la Banque Centrale américaine. Des taux qui tournaient autour de 0% en mars. Fait aggravant, la progression de l’inflation sous-jacente ne faiblit pas. Elle a même dépassé les attentes des analystes à un niveau de 6,6%.

De quoi conforter le discours «belliqueux» de Jerome Powell et de ses principaux lieutenants pour qui la lutte contre l’inflation est prioritaire et passe avant les intérêts des entreprises et des ménages. «La réduction de l’inflation a des couts collatéraux malheureux. Mais si l’on ne parvient pas à rétablir la stabilité des prix, la douleur sera bien plus grande», rappelait le patron de la Fed à fin aout.

De l’analyse au credo

Toute la politique de la Fed repose sur un postulat: la politique de resserrement monétaire n’entrainera pas une récession. Rappelons ici que depuis 1950, les douze phases de resserrement monétaire opérées outre-Atlantique ont produit neuf récessions…

Ce thème de l’impossibilité d’une récession est tellement répété que désormais, il tient plus du credo que de l’analyse objective. Et c’est la Fed qui le dit!

Ses services ont en effet publié fin juillet une étude peu remarquée qui met en doute les propos de ses propres dirigeants – on la trouve  –. L’étude porte sur l’effet du resserrement de la politique monétaire de la Fed après la fin de la Première Guerre mondiale. Une période de forte inflation que la Fed a combattu comme elle le fait aujourd’hui, en augmentant les taux pour miner un marché du travail fort et ainsi réduire la demande des consommateurs. Résultat des courses: une profonde récession. Le marché du travail s’est en effet ajusté à une vitesse plus rapide que celle de la réaction des décideurs qui ont été dépassés. Dépassés comme a pu l’être Jerome Powell quand il disait il y a quelques mois que l’inflation n’était pas un problème…

L’indépendance en question

Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets? Forte de son indépendance, la Fed ne semble en tout cas pas vouloir dévier de sa ligne de conduite. Au risque d’entrainer les États-Unis dans la récession et dans son sillage, toutes les économies du monde.

Le Comité européen du risque systémique de la Banque centrale européenne (CERS) contre un risque d’assèchement des liquidités attirées en masse vers l’Amérique où les taux sont les plus hauts. Ce type de mouvements est en général le déclencheur de crises violentes dans les marchés émergents. De premiers signes montrent que cela est en train d’arriver. Pire, le mouvement semble désormais toucher le Royaume-Uni.

Pour le CERS, la politique de la Fed porte en elle des risques systémiques pour la stabilité financière de l’Europe. La hausse des taux en plein ralentissement économique pourrait en effet peser sur la capacité des ménages et des entreprises à honorer leurs créances et, par ricochet, toucher les banques européennes. Des banques déjà mises sous pression par la volatilité, voire la possible chute des prix des actifs financiers.

Lorsque cette crise sera finie – quelle qu’en soit l’issue –, il faudra au moment d’en tirer les leçons se poser les bonnes questions. Et parmi celles-ci, il y aura le sujet de l’indépendance des banques centrales et de la nécessité qu’elles puissent rendre des comptes.