Tatiana Pecastaing Pierre est aussi chroniqueuse à la télévision française et écrivaine. (Photo: Tatiana Pecastaing/Montage: Maison Moderne)

Tatiana Pecastaing Pierre est aussi chroniqueuse à la télévision française et écrivaine. (Photo: Tatiana Pecastaing/Montage: Maison Moderne)

Dans son numéro «Women on board», Paperjam met en lumière plus de 100 profils de femmes prêtes à rejoindre un conseil d’administration. Tout au long du mois de mars, découvrez divers profils de femmes ainsi que leurs points de vue et leurs idées pour un meilleur équilibre des genres dans les instances de décision. 

Tatiana Pecastaing Pierre, 51 ans, a plusieurs cordes à son arc: senior director financial chez Onepoint, écrivaine, chroniqueuse sur la chaîne LCI. Avec une expertise en gestion d’actifs, banque et assurance ou encore ESG, elle est aussi administratrice pour Amundi Planet. Par le passé, elle a été membre du conseil d’administration de la société d’assurance vietnamienne PVI holdings (première société d’assurance non-vie au Vietnam), membre du conseil d’administration de la banque italienne Dexia Crediop ou encore membre du CA d’Axa Rosenberg. 

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?

«J’ai exercé mon premier poste d’administratrice indépendante au sein de la banque italienne Dexia Crediop, banque en run off, sous supervision de la BCE. Mon premier défi a consisté à trouver ma place au sein d’un conseil d’administration qui accueillait pour la première fois un administrateur externe. Je souhaitais éviter de paraître «trop intrusive» et ai adopté une posture de supervision bienveillante et de conseil externe. J’ai pu nouer une relation de confiance avec le président et le directeur général de la société.

Ayant pris mes fonctions en plein Covid, j’ai profité du déconfinement pour rencontrer en personne le président du Conseil. J’ai également programmé des entretiens avec le directeur général de la société en amont des conseils d’administration, de manière à pouvoir éclaircir avec lui certaines questions relatives aux sujets abordés en conseil d’administration. En cas de demande d’analyses complémentaires, je vérifiais en amont avec lui la faisabilité de mes demandes et le délai adéquat pour les réaliser.

J’ai aussi souhaité rencontrer le directeur des risques de la société mère, pour me présenter et le rassurer sur ma capacité à présider le comité des risques. Je lui ai présenté mon parcours, les challenges que j’avais dû gérer, et lui ai fait part de mon analyse des risques impactant la société et du mode de suivi qui me paraissait adéquat.

Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou les scepticismes à votre égard?

«J’identifie les sujets sur lesquels je souhaite me spécialiser au sein de chaque conseil d’administration (si possible de manière complémentaire aux autres membres) et fais des propositions constructives et réalistes dans les domaines concernés. Je me laisse toujours une phase «d’observation» avant d’émettre des recommandations. Je partage mon expérience lorsque je la pense utile.

Pensez-vous que l’égalité homme-femme progresse au sein des conseils d’administration? 

«L’égalité homme-femme progresse, mais le combat n’est pas totalement gagné. Lors de l’obtention de mon premier rôle d’administrateur indépendant, des amis bien intentionnés m’ont fait remarquer que j’avais peut-être été choisie parce que j’étais une femme. Ma réponse à ce type de questions ne varie pas «Non, j’ai été choisie car je suis une femme compétente».

Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils? 

«Les quotas sont un mal nécessaire. Si ce système n’est pas parfait, on n’a pas trouvé mieux à ce jour pour accroître la représentation des femmes.

En tant que femme administratrice, sentez-vous une responsabilité particulière de défendre les questions de parité et d’inclusion?

«Non, je regarde ces sujets de ma même manière que les autres : y a-t-il une différence de traitement, est-elle factuelle, quelle proposition puis-je faire pour améliorer la situation?

Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?

«La diversité permet l’élaboration de scénarios plus complets sur les risques à gérer, comme les opportunités à saisir. Elle permet un échange de points de vue plus varié et des discussions plus riches pour l’ensemble des membres. 

Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?

«Je pense que les quotas restent nécessaires, ainsi que la promotion (sur la base d’exemples concrets) du travail des femmes dans les conseils d’administration. Je réponds toujours aux sollicitations des femmes de mon réseau qui souhaitent en savoir plus sur le rôle d’administrateur indépendant et sur la manière d’y parvenir. J’ai récemment participé à un podcast de la Harvard Business Review France sur le rôle des femmes au sein des conseils d’administration.

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?

«Pense à toutes les situations dans lesquelles ta contribution a permis de dénouer une situation complexe, aider à l’identification de solution, accroître la qualité d’écoute entre des interlocuteurs initialement opposés sur la marche à suivre. Trouve le conseil d’administration où ces compétences pourront être utiles. Pense à ta mère, tes sœurs, tes enfants, tes tantes et franchis le pas! Prépare ta démarche, identifie le secteur et le type de sociétés te correspondant, tisse ton réseau et sois patiente mais tenace. Ignore les remarques sexistes et ne te justifie pas de tes opinions. Ne commence jamais une intervention par ‘c’est peut être parce que je suis une femme, mais il me semble que’.

Pour finir, avez-vous une anecdote ou un moment marquant dans votre parcours qui illustre la réalité d’être une femme dans ce rôle?

«J’ai plus de facilité à identifier les inégalités de rémunération variable des équipes dirigeantes lors des revues annuelles… surtout quand elles concernent les femmes. Je demande parfois des ajustements (argumentés) qui ont toujours été acceptés, et il arrive qu’on me remercie d’avoir soulevé ces écarts!»