«Dans notre secteur, les salariés sont fortement motivés par le sens de leur mission et les valeurs de l’organisation», soutient la DRH de la Stëmm vun der Strooss, Tatiana Escure.  (Photo: Maison Moderne)

«Dans notre secteur, les salariés sont fortement motivés par le sens de leur mission et les valeurs de l’organisation», soutient la DRH de la Stëmm vun der Strooss, Tatiana Escure.  (Photo: Maison Moderne)

Tatiana Escure est DRH de la Stëmm vun der Strooss. Dans le cadre de la première édition des Awards «Paperjam HR Leaders 2025», elle évoque l’évolution du rôle des ressources humaines.

People and Organisational Performance

Dans la quête de performance, quelles attributions pour une DRH aux côtés du CEO? La fonction consiste-t-elle à exécuter une feuille de route ou à orienter la stratégie d’entreprise?

. – «Depuis quelques années, la fonction a grandement évolué et permet aux entreprises de s’appuyer sur leur DRH pour orienter la stratégie d’entreprise, surtout en termes de compétences humaines. Avec des sujets comme l’équilibre vie privée/vie professionnelle ou le bien-être au travail, le ou la DRH est à l’écoute du terrain et permet d’orienter la stratégie.

Comment combiner la quête de performance avec des aspirations toujours plus élevées en matière de work-life balance?

«La quête de performance et le respect du work-life balance ne sont pas contradictoires, mais complémentaires. Des collaborateurs épanouis et équilibrés sont plus motivés, productifs et engagés. Il s’agit donc de considérer cela comme un levier de performance.

Talent Acquisition

Le marché de l’emploi est dominé par la «guerre des talents». De quelle manière concrète cela se traduit-il dans vos propres processus de recrutement? À quelles difficultés êtes-vous confrontée?

«Dans notre processus de recrutement, orienté vers le social, nous n’avons pas, à proprement parler, de guerre des talents à notre niveau. Par contre, nous rencontrons des difficultés à recruter pour certains métiers à cause de la reconnaissance des diplômes ou des exigences linguistiques. Cela peut prendre un certain temps, notamment pour les assistants sociaux, par exemple.

Quelles sont les «armes» déployées dans votre entreprise afin de mener à bien cette bataille? Et de quelles «armes» supplémentaires aimeriez-vous disposer si vous aviez le pouvoir de faire évoluer les règlements et les lois?

«Je ne parlerai pas d’armes, mais nous avons un recrutement assez transparent et nous aidons les salariés à acquérir les langues manquantes grâce à des cours. À notre niveau, il est difficile de faire évoluer les règlements et les lois, mais une simplification serait la bienvenue.

Employer Branding

Appliquée à votre organisation, quelle est votre définition de la «marque employeur»?

«À Stëmm vun der Strooss, la marque employeur reflète notre mission sociale forte et notre engagement envers les personnes en situation de précarité. Nous offrons à nos salariés la possibilité de contribuer à un projet porteur de sens tout en bénéficiant de possibilités de développement personnel. Cette combinaison d’impact social et d’épanouissement individuel définit notre identité en tant qu’employeur.

À la lumière de cette définition, quel est le rôle des RH dans la valorisation de cette «marque employeur»?

«Notre service RH joue un rôle central dans la marque employeur, notamment en recrutant des profils alignés avec nos valeurs, en favorisant le développement et l’intégration de chaque salarié. Les personnes qui postulent connaissent déjà souvent notre marque de fabrique, car notre mission est presque unique au Luxembourg. L’aide aux personnes démunies et en précarité est une cause qui touche beaucoup.

Re and Upskilling

En matière d’upskilling, quels sont les besoins prioritaires que vous avez identifiés au sein de votre organisation?

«À Stëmm vun der Strooss, les besoins prioritaires en matière d’upskilling se concentrent sur le développement des compétences sociales et relationnelles, essentielles dans notre mission d’accompagnement des personnes en situation de précarité. En parallèle, il existe un besoin croissant de formation pour renforcer l’efficacité de nos équipes. Nous offrons à chacun la possibilité d’augmenter ses compétences en participant à des formations ciblées.

Et quels sont les outils et dispositifs mis en place au sein de vos services pour accompagner la formation continue des collaborateurs?

«Pour accompagner la formation, nous avons mis en place plusieurs dispositifs: un moment d’échange dans le cadre de l’entretien annuel, la possibilité de faire des demandes directes aux RH, et la participation à des sessions de formation destinées aux travailleurs sociaux, mais aussi en langues et en développement personnel.

Nous encourageons également l’apprentissage par l’échange d’expériences entre collègues (Shadow Day).

Talent Retention

La «guerre des talents» se joue-t-elle aussi dans la rétention de ces derniers? Et si oui, quelle est votre conclusion? Qu’aujourd’hui, il est aussi complexe d’attirer des talents que de les retenir ensuite?

«Dans certains domaines, je dirais que oui. Il devient de plus en plus complexe d’attirer mais aussi de retenir les talents. Pour fidéliser nos collaborateurs, il est essentiel de créer un environnement de travail stimulant, valorisant et aligné sur nos valeurs sociales, tout en offrant des opportunités de développement personnel et professionnel.

Quelles ont été les principales évolutions, ou quelles sont celles en cours, dans le «parcours employé» de votre entreprise?

«Nous essayons de nous attarder sur une personnalisation du parcours salarié en proposant davantage de formations adaptées aux besoins de chacun. Ma porte est toujours ouverte pour un temps d’échange afin de comprendre les besoins.

Nous travaillons aussi sur la communication interne grâce à l’intégration d’outils numériques, au team building et aux journées d’intégration pour favoriser les échanges.

New Way of Working

Flexibilité, télétravail… Depuis la crise sanitaire, les aspirations à de nouvelles manières de travailler sont plus prononcées que jamais. Comment répondre à ce changement de paradigme sans entraver les performances de l’entreprise?

«À Stëmm vun der Strooss, nous ne rencontrons pas ce problème, car notre activité, centrée sur l’humain et le social, exige une présence sur le terrain. Nous offrons une certaine flexibilité en termes d’horaires pour répondre aux besoins de chacun, tout en garantissant la continuité et la qualité de nos services. Cette approche permet de concilier engagement professionnel et équilibre personnel sans compromettre nos performances.

Dans le même temps, comment répondre également au défi de l’engagement des collaborateurs, dont les études indiquent qu’il va en s’effondrant?

«Nous répondons à ce défi en cultivant un environnement de travail porteur de sens, où chacun peut constater l’impact direct de son action sur les bénéficiaires. Nous donnons également à chacun la possibilité de s’exprimer.

Droit du travail

Quel est votre regard sur les textes? En l’état actuel, le Code du travail luxembourgeois vous semble-t-il un partenaire des employeurs? Ou, au contraire, quelque chose comme un adversaire?

«Dans le domaine social, nous sommes régis par la convention collective SAS et le droit du travail. Il s’agit d’un cadre nécessaire qui protège à la fois l’employeur et le salarié. Certains textes peuvent parfois manquer de flexibilité pour répondre à la réalité du terrain. Malgré cela, je dirais qu’il est important de veiller au respect des droits de chacun.

Même exercice de fiction que tout à l’heure… Si vous en aviez le pouvoir, quelle disposition supplémentaire souhaiteriez-vous introduire au droit luxembourgeois pour répondre plus efficacement à vos nécessités?

«À vrai dire, je ne me suis jamais réellement posé la question. Comparé au droit français, le droit du travail luxembourgeois est plus accessible. Si j’avais le pouvoir d’apporter un changement, je demanderais la simplification des démarches administratives et leur digitalisation.

DigitalisationDe quelle manière êtes-vous en train de transformer la digitalisation en alliée de la fonction RH?

«Depuis l’année dernière, nous utilisons la digitalisation pour simplifier et optimiser les processus RH. Cela inclut l’adoption d’un SIRH pour la gestion administrative, le suivi des formations et le parcours d’intégration des salariés. Nous travaillons également à améliorer la communication interne via ce SIRH afin que tous les salariés puissent partager des informations. Cela nous permet de travailler autrement et de dégager du temps pour répondre aux demandes du personnel.

À quels obstacles continuez-vous toutefois de vous heurter à ce stade?

«Un des principaux obstacles à la digitalisation est le coût des solutions nécessaires pour protéger les données sensibles, tout en respectant les exigences légales. Trouver un équilibre avec nos ressources financières limitées, surtout au Luxembourg, ralentit parfois la mise en œuvre de systèmes adaptés.

Avantages

De quel poids pèse aujourd’hui l’attractivité salariale dans le recrutement et la rétention de talents?

«Dans notre secteur, les salariés sont fortement motivés par le sens de leur mission et les valeurs de l’organisation. Je dirais qu’un équilibre entre un environnement de travail épanouissant, une certaine flexibilité et une rémunération attractive reste essentiel pour attirer et fidéliser les talents.

À côté de la rémunération, quels sont les éléments sur lesquels s’appuyer pour gagner en attractivité?

«Dans le domaine social, nous avons une bonne convention qui nous permet de gagner en attractivité. Au-delà de cela, le sens de la mission, un environnement de travail bienveillant et des opportunités de développement personnel sont des éléments clés.

Mobilité & Fleet

Flotte de véhicules électriques, incitation aux transports en commun… Dans votre société, quelles ont été, quelles sont, ou quelles vont être les dispositions prises en matière de mobilité?

«À Stëmm vun der Strooss, la mobilité n’est pas un enjeu central compte tenu de la nature de nos activités. Toutefois, nous restons attentifs aux solutions durables qui pourraient s’appliquer à nos besoins spécifiques à l’avenir.

En dehors de la mobilité, nous avons un atelier de transformation de denrées alimentaires pour éviter le gaspillage alimentaire.

Plus globalement, quels sont les points de vigilance que vous retenez en termes de transition verte?

«Ce que je retiens, c’est qu’il est important de transformer certains modes pour réduire l’impact environnemental et favoriser le développement durable.

RSE

Quels sont les plus gros défis posés pour votre organisation en matière de nouvelles obligations RSE?

«Le plus gros défi, je pense, est le financement pour leur mise en place. En tant qu’ASBL, il est difficile d’agir sur tous les aspects. Nous ne sommes pas une entreprise et, étant financièrement dépendants, cela peut s’avérer compliqué. Nous faisons les choses différemment, en mettant en place des ateliers (transformation pour éviter le gaspillage alimentaire, sensibilisation au recyclage, aide aux autres associations, collaboration avec des fournisseurs locaux…).

Gen Z

On la dit moins engagée, plus exigeante, et peut-être même difficile à saisir… La Gen Z est-elle réellement en train de bouleverser l’environnement de travail?

«À Stëmm vun der Strooss, nous ne sommes pas directement confrontés aux spécificités de la Gen Z, car dans le social, c’est avant tout la mission qui prime. Les jeunes qui rejoignent notre organisation sont principalement motivés par la volonté de contribuer à une cause qui a du sens, ce qui s’aligne avec les valeurs de notre structure. C’est d’ailleurs pour cela que ces jeunes s’orientent vers des études dans le social.

Quels conseils donnez-vous aux jeunes de 25-30 ans nouvellement recrutés?

«Nous conseillons aux jeunes de rester ouverts à l’acquisition de nouvelles compétences et à la collaboration, car travailler dans le social requiert autant de compétences techniques que de qualités humaines. Nous les encourageons à s’investir pleinement dans notre mission tout en trouvant un équilibre personnel pour s’épanouir durablement. Nous accompagnons chacun dans la construction de sa carrière.

Diversity, Inclusion, Equity

En tant que DRH, comment définiriez-vous vos rôles et responsabilités face aux enjeux DIE?

«En tant que DRH, ma priorité est d’assurer un environnement de travail inclusif et respectueux, où chacun se sent reconnu et valorisé, indépendamment de son origine, de son parcours ou de ses différences. Cela passe par l’adoption de pratiques de recrutement équitables, la sensibilisation aux principes d’intégration et la mise en œuvre de conditions de travail justes, tout en promouvant un climat de respect et d’écoute.

L’entreprise «exemplaire» est-elle une utopie ou un objectif envisageable?

«Je dis toujours que la perfection n’existe pas, mais nous pouvons nous en approcher. Une organisation peut viser l’exemplarité en mettant en pratique ses valeurs chaque jour et en s’adaptant aux attentes de chacun. Cela demande une amélioration constante pour promouvoir l’équité et renforcer l’impact social.

À chaque nouvel arrivant, je remets une pièce de puzzle en bois, destinée à compléter celui déjà en place. Ce geste symbolise notre conviction: nous ne sommes pas parfaits, mais chaque collaborateur est une pièce maîtresse de notre organisation, essentielle pour avancer ensemble.»