Après PEP, Leon Schumacher, spécialiste du chiffrement, s’est lancé dans Taler, une autre manière de concevoir une monnaie numérique, sous le contrôle des banques. (Photo: Leon Schumacher)

Après PEP, Leon Schumacher, spécialiste du chiffrement, s’est lancé dans Taler, une autre manière de concevoir une monnaie numérique, sous le contrôle des banques. (Photo: Leon Schumacher)

L’industrie du paiement est encore loin d’en avoir fini avec sa révolution. La start-up luxembourgeoise Taler, alternative à la Libra de Facebook, a convaincu la Banque centrale suisse… et le MIT. Elle reste pourtant largement méconnue au Luxembourg, malgré le poids de la place financière.

Taler, Taler, Taler…? Personne n’a jamais entendu parler de Taler au Luxembourg. La petite start-up née en 2016 de l’association de Leon Schumacher et du professeur allemand Christian Grothoff a pourtant résolu tous les problèmes posés par .

«Aujourd’hui, quand vous allez au guichet retirer 500 euros, vous vous retrouvez avec des billets, et quand vous allez payer, il n’y a pas de lien chez le commerçant entre vous et un quelconque compte bancaire. Le GNU Taler propose la même chose avec les monnaies numériques», explique Leon Schumacher, le cofondateur de Taler Systems. «Notre solution de paiement est basée sur la valeur, et non sur le compte bancaire. Un utilisateur aurait cette monnaie digitale dans son portefeuille, à sa banque, et nous n’aurions plus aucun des deux problèmes, ni un manque de respect de la vie privée, ni les problèmes liés au risque de blanchiment. Quand il paie, avec son smartphone et sa clé cryptée privée, il indique à la banque que le montant peut changer de main.»

Les «réserves électroniques libres imposables anonymes» (ou Taler) préserveront la vie privée, coûteront moins cher que le bitcoin et n’auront pas un cours aussi flottant que la plupart des monnaies, promet Richard Stallman, figure de proue de GNU, associé au projet. 

La banque est le prestataire de confiance, le client utilise sa clé privée et le chiffrement issu des signatures aveugles développées en 1982 par David Chaum pour Digicash. Les banques ont ces Talers via leur banque centrale, par exemple, qui tient un «exchange», sans créer de registre décentralisé ni de monnaie particulière. Un Taler vaut un euro. Quel intérêt, alors, si c’est la même monnaie, la même banque? Pouvoir réaliser de très petites opérations qui n’ont pas lieu.

«Mettons que vous vouliez lire un article. Aujourd’hui, pour la plupart des médias, vous devez vous abonner à tout le média, même si vous ne voulez lire qu’un seul article. Notre solution permet d’acheter un seul article, pour une toute petite fraction d’euro, avec une solution chiffrée. Sur l’exchange, la transaction est un ‘hash number’ sans détail. Mais, par exemple, en cas de suspicion de problème, l’autorité pourrait venir voir le média et demander la liste des transactions effectuées, comme dans n’importe quel autre cas.»

Quel business model pourrait être développé avec ce logiciel, accessible depuis un navigateur comme Chrome, avant une application? Il est encore très tôt pour le dire. «Dans l’absolu, imaginez que vous vouliez lutter contre les spams, en tant que fournisseur de messagerie électronique. Vous pourriez dire: ‘Si vous n’êtes pas dans le carnet d’adresses de tel utilisateur, pour lui envoyer un mail, vous devez payer un dixième de centime d’euro’. Peut-être que ce serait la fin des spams», imagine-t-il, en riant.

La solution est déjà expérimentée à l’Université de Berne, en Suisse, où «sévit» le professeur Grothoff. Les étudiants peuvent prendre un café à la machine à café ou acheter leur lunch via leur smartphone et une technologie NFC. 

«Nous discutons aussi avec une banque en Allemagne», explique celui qui est aussi le CEO de PEP, une messagerie sécurisée by design qui n’a pas non plus fait grand bruit. . Le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale seraient rendus plus difficiles, car les bénéficiaires doivent rapidement faire créditer leurs Talers sur leurs comptes normaux via la banque centrale, affirment les trois auteurs, occasion qui permet à la banque centrale émettrice de vérifier que les hachages signés correspondants n’ont pas déjà été émis.

Selon eux, les banques centrales ne sont pas un partenaire direct des clients des banques, malgré la question de la monnaie numérique. Au contraire. Les tentatives de spéculation, selon les trois auteurs, peuvent être évitées soit par des limites, telles que les retraits d’espèces aux distributeurs automatiques, soit par des frais d’échange de vieux Talers. 

Au cours des tests via Amazon Web Services, 1 à 10 kilo-octets ont été engagés par transaction, soit 0,0001 dollar par transaction, y compris le stockage, le temps de calcul et la bande passante.

Dans un autre article, du MIT, paru il y a un an et demi et cosigné par le célèbre professeur Sandy Pentland, M. Grothoff explique .

«L’annonce de Facebook sur la Libra» a permis de faire avancer les choses, explique encore M. Schumacher. «Et si le projet était très ambitieux et que Facebook n’a pas vraiment écouté ses partenaires, il va en faire quelque chose, parce qu’il a besoin d’une solution de paiement pour son écosystème, avec Messenger, Whatsapp et Instagram.»