Reçus le 9 octobre par la ministre de la Sécurité sociale, (CSV), dans le cadre de, les syndicats sont restés sur leur faim. Avec en prime le sentiment de n’avoir pas été vraiment écoutés par la ministre. Et pire, qu’elle n’avait pas besoin de les écouter, les grands équilibres d’une réforme des pensions – même si le gouvernement réfute toute volonté de réformer sur ce dossier – étant déjà arrêtés.
«Le gouvernement n’aurait pas de position prédéterminée dans le dossier des pensions et le but des consultations serait justement de rassembler des pistes pour pérenniser le système d’assurance pension», leur aurait répété la ministre… qui aurait consacré le plus clair de la rencontre à leur répéter qu’elle aurait été mal comprise sur ce dossier, notamment par la presse.
Ce n’est donc pas sans surprise que l’OGBL et le LCGB ont pris connaissance de la réponse à la question parlementaire 1201 posée par (déi Lénk) portant sur les recettes supplémentaires qui seraient générées par un déplafonnement des cotisations. Les forçant à monter au créneau via un communiqué de presse ce mardi.
La bataille du déplafonnement
La question du déplafonnement des cotisations est une question centrale pour toute réforme du système en vigueur. Actuellement, l’obligation de cotiser à la retraite est plafonnée, de sorte que pour les salaires allant au-dessus de cinq fois le salaire minimum – soit 12.850 euros par mois au 1er janvier 2024 –, plus aucune cotisation n’est due. Et cela aussi bien pour l’employé, pour l’employeur et pour l’État.
Sont concernée environ 5% des salariés du secteur privé peut-on lire dans la partie salariale de . En 2022, l’impact de cette exonération était de 676 millions, soit l’équivalent de 0,9% du PIB et l’équivalent de 10% des recettes de la Caisse nationale d'assurance pension (Cnap). Et en 2023, si les cotisations avaient été déplafonnées, 706 millions seraient rentrés dans les caisses de la Cnap provenant de la poche de 4,7% des salariés. Une manne pour des syndicats dont la ligne de négociation sur le sujet est qu’il faut augmenter les sources de financement de l’assurance pension – via notamment le déplafonnement des cotisations – et ne pas plafonner les pensions.
Querelle chiffrée
Le contre-argument «traditionnel» opposé à cette option est qu’un tel déplafonnement devrait entraîner un déplafonnement des prestations. Argument tout aussi «traditionnellement» réfuté par les syndicats. Un argument que semble faire sien la ministre dans la réponse à la question de Marc Baum en relativisant le gain d’un tel déplafonnement estiment les syndicats.
«À noter qu’une telle augmentation de cotisations constituerait un coût pour le budget de l’État de 405 millions d’euros, coût résultant de l’augmentation de la participation de l’État dans le financement de l’assurance pension (235 millions d’euros) et de la perte fiscale due à l’exonération des cotisations sociales (169 millions d’euros)», indiquait les services du ministère, ramenant le gain potentiel à 403 millions.
«Il convient également de noter que la suppression du plafond cotisable entraînerait automatiquement une hausse des dépenses de pensions, en raison de la prise en compte de montants plus élevés dans la carrière d’assurance, et que les recettes supplémentaires ainsi générées seraient à terme consommées (le taux de cotisation étant inférieur au taux de remplacement moyen). En particulier, si la pension maximale, prévue à l’article 223 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale, venait à être supprimée, les recettes supplémentaires générées par la suppression du plafond cotisable, accumulées par la Cnap sur une période de 30 ans, seraient consommées en 15 ans, l’augmentation des dépenses neutralisant celle des recettes.»
La relative représentativité syndicale
Pour l’OBGL et le LCGB, la reprise de cet argument est la preuve que le gouvernement a un agenda caché, que cette consultation est de la poudre aux yeux et que le gouvernement passera en force pour réformer le système.
Tout comme il vient de le faire selon eux sur avec le dépôt validé en Conseil de gouvernement par le ministre du Travail, (CSV), d’un projet de loi. Projet de loi qui aurait du être discuté par les partenaires sociaux devant le Comité permanent du travail et de l’emploi (CTPE) «qui était en train d’examiner cette question» s’insurge les syndicats qui y voient une stratégie du gouvernement pour faire passer morceau par morceau une réforme de l’organisation du temps du travail dans l’intérêt des entreprises alors qu’«il s’agit d’une question globale» s’insurgent Christophe Knebeler, secrétaire général adjoint du LCGB.
«C’est le deuxième accroc en moins d’une semaine au sein du CTPE», poursuit-il pour étayer sa crainte. Ce mardi 8 octobre, les syndicats (LCGB, OGBL et CGFP) ont claqué durant une réunion où se discutait le plan d’action national visant à transposer l’article 4 de la directive 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022, directive qui a pour objectif principal de garantir des salaires minimaux adéquats au sein de l’Union européenne. Le clash a porté sur un point bien précis de cette directive. Et sensible: la proposition que désormais les entreprises puissent négocier directement avec les salariés ou des délégués neutres sans devoir passer par les syndicats, et ce même si un ou plusieurs syndicats sont représentés dans les entreprises Syndicats à qui la loi actuellement donne le pouvoir de négocier et de signer les conventions collectives. «Si cela devait être validé, on pourrait bien assister à de nouveaux accords avec des garanties pour les salariés bien inférieurs à tout ce qui avait été négocié avant», redoute Christophe Knebeler.
Pour Georges Mischo, il ne s’agit pas d’une attaque contre les syndicats, mais d’une reconnaissance du rôle des 56% de délégués neutres, c’est-à-dire non affiliés à un syndicat. «Nous sommes pleinement engagés à tenir compte de ces salariés tout en veillant à une représentation équilibrée de l’ensemble des acteurs», souligne le ministre dans un communiqué. Pour ce dernier cette reconnaissance du rôle des délégués neutres permettrait de faire en sorte que le Luxembourg réponde à l’obligation posée par la directive d’arriver à un taux de couverture des salariés par une convention collective de 80%. Actuellement, le Luxembourg est à 53%.
Le temps de l’action
Ces polémiques témoignent du fait que les syndicats ne se sentent pas écoutés par le gouvernement. «Nous avons le sentiment que pour ce gouvernement, le dialogue social n’est pas une priorité. Jamais nous n’avons été aussi ignorés par un gouvernement», confie mezza voce un syndicaliste. Pour lui, des actions coordonnées des syndicats sur ces trois sujets que sont l’organisation du temps de travail, la négociation des conventions collectives et la réforme des pensions ne sont plus à exclure.