La rétention des talents est un défi majeur pour le Luxembourg. Comment abordez-vous cette problématique?
Une pénurie existe et pourrait s’accentuer puisque les besoins en recrutement augmenteront encore dans les 10 ans à venir.
Muriel Morbé – “La rétention comme l’attraction des talents sont, en effet, deux sujets majeurs qui concernent tous les secteurs d’activité. Une pénurie existe et pourrait s’accentuer puisque les besoins en recrutement augmenteront encore dans les 10 ans à venir. Avec l’arrivée massive de nouveaux profils professionnels, le pays doit être capable d’actualiser perpétuellement son bassin de compétences pour rester compétitif.
À cet égard, nous pensons que la formation est l’un des axes principaux dans lequel doivent investir toutes les entreprises. La Chambre de Commerce et la House of Training les soutiennent pour anticiper et développer les compétences nécessaires pour relever les défis futurs, en s’appuyant sur la force de son écosystème et sur son étroite collaboration avec les partenaires sectoriels.
Notre ambition est d’être proactifs: se former aujourd’hui, pour saisir les opportunités de demain.”
En quoi la formation apparaît-elle comme une solution face à cet enjeu?
“Investir dans la formation, c’est s’engager dans le développement des compétences de ses collaborateurs. Cette volonté de valoriser le capital humain est un critère de sélection pour les collaborateurs qui choisissent de rejoindre et de travailler, ou non, dans telle ou telle entreprise. De cet investissement dépendent énormément l’attractivité et la rétention des talents. Mettons-nous à la place du candidat: s’il choisit une entreprise, c’est aussi parce qu’elle lui permet d’évoluer, de monter en compétences et de se sentir mieux à son poste au quotidien. Une société qui forme ses collaborateurs en continu est une organisation où l’on se projette à long terme. Cette démarche a un impact très positif sur l’‘employer branding’.”
Être proactif et se former aujourd’hui, pour saisir les opportunités de demain.
La CC est un acteur majeur de la formation depuis 75 ans. Comment intervenez-vous sur ce sujet?
“La formation est une des missions essentielles de la Chambre de Commerce. Nous nous engageons à sensibiliser, dès le plus jeune âge, aux opportunités offertes par le marché du travail et à promouvoir un système éducatif adapté aux exigences actuelles et futures de notre économie. Notre ambition est d’accompagner et d’aider les jeunes dans leurs choix d’orientation.
Portant l’excellence éducative comme valeur clé, la Chambre de Commerce est un acteur engagé au niveau de la formation professionnelle initiale et de l’apprentissage. Elle s’investit également pour rapprocher les écoles des entreprises et présenter aux plus jeunes le champ de leurs possibilités professionnelles, dans tous les domaines d’activité.
Concernant la formation professionnelle, au-delà de ces perspectives de formation, notre mission d’intérêt général comprend là aussi un devoir de sensibilisation et d’information auprès des entreprises, sur des sujets tels que le cofinancement, l’apprentissage ou le droit de former.
Nous agissons également comme prescripteur en collaborant étroitement avec l’ADEM, les ministères, ainsi que les fédérations et associations professionnelles, pour identifier les besoins du marché en matière de formation professionnelle continue.”
Comment cela se traduit-il, concrètement?
“En collaboration avec l’État et la Chambre des Salariés, nous organisons la formation professionnelle initiale, l’apprentissage, qui combine des périodes de formation en milieu scolaire ainsi que des périodes de formation pratique en milieu professionnel.
La Chambre de Commerce gère chaque année près de 2.000 contrats d’apprentissage dans les secteurs du commerce, de l’industrie, de l’hôtellerie et de la restauration, des services et du socioéducatif.
À travers le programme ‘Relations École-Entreprise’, nous avons créé les ‘Matinées découvertes en entreprise’ offrant la possibilité à plus de 400 lycéens de visiter plus de 15 entreprises, favorisant ainsi les interactions avec les dirigeants d’entreprises de tous secteurs.”
Et dans un second temps? Comment mettre à jour ses connaissances?
“Vient donc ensuite la formation professionnelle continue, prise en charge par la House of Training qui a proposé plus de 1.400 formations à plus de 33.000 inscrits et 3.000 entreprises en 2023. Elle s’appuie sur un réseau de plus de 50 partenaires et de 800 formateurs experts, pour la plupart issus ‘du terrain’, qui disposent d’une excellente visibilité sur les besoins des entreprises et dispensent les connaissances adéquates.
En ce qui concerne enfin la formation académique continue, citons HEC Liège Luxembourg, qui propose un MBA et plusieurs certificats universitaires en collaboration avec HEC Liège, pour des personnes ayant déjà une certaine expérience et souhaitant évoluer.”
L’IA bouleverse tous les métiers. Quel rôle joue la formation face à cela?
“C’est évidemment une thématique phare pour la Chambre de Commerce du Luxembourg. Une étude réalisée par PwC en 2023 indique que 69% des dirigeants prévoient que l’IA sera à l’origine de la création d’emplois. Un chiffre qui révèle bien un potentiel que nous ne pouvons laisser passer sans y embarquer. Toutefois, si les conférences sur le sujet sont légion, il faut reconnaître que les formations sont bien moins nombreuses. C’est dans ce rôle de prescripteur que nous avons mis au point des formations théoriques et pratiques par métier pour cette thématique. Ces dernières forment notamment à l’utilisation de l’IA générative pour faciliter certaines tâches administratives lourdes et se concentrer pleinement sur les missions à forte valeur ajoutée.”
En 2024, la CC célèbrera ses 75 ans d’activité au service de la formation. À quoi peut-on s’attendre?
“Un premier évènement aura lieu le 11 juin, une conférence portant sur l’avenir du monde du travail. La question des compétences et du recrutement sera évidemment au centre du débat.
Des invités experts issus de différents secteurs d’activité seront présents, viendront témoigner de l’évolution du marché, et une table ronde permettra d’aborder de façon plus pragmatique les solutions à mettre en œuvre face aux problématiques évoquées.
Tout au long de l’année, différentes actions auront également lieu, sous l’angle d’une ‘rétroperspective’, afin de célébrer ce qui a été fait, ce qui est fait aujourd’hui, mais surtout annoncer ce à quoi nous nous emploierons pour anticiper l’avenir.”