L’histoire de Struwweltëntert est un peu singulière: ce lieu rassemble un restaurant, un café et une épicerie dans le petit village de Tuntange qui fait partie, depuis la fusion avec Boevange-sur-Attert en 2018, de la commune d’Helperknapp. Il est logé dans le rez-de-chaussée d’une résidence somme toute ordinaire, le long d’une route. Mais ce local, qui appartient à la commune, a été aménagé et pris en exploitation par un trio d’entrepreneurs dynamiques aux ambitions déterminées, pour un résultat qui mérite qu’on se rende dans cette bourgade du nord-ouest du pays.
«Autrefois, nous avions plus de bistrots que d’habitants, introduit ironiquement le bourgmestre Paul Mangen. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il nous manquait un point de rencontre, un lieu où les habitants peuvent se retrouver de manière conviviale, ainsi qu’une petite épicerie de village. C’est pourquoi la commune a pris la décision d’acheter ce vaste local commercial de 400 m2 avec la volonté d’en faire un lieu pour les villageois.»
La commune a alors pris contact avec Belvedere Architecture pour élaborer une étude de faisabilité et de programmation. Ils ont envisagé un espace pouvant accueillir un maximum de fonctions: un restaurant ou une brasserie, un café, une épicerie… «Nous avons travaillé à partir du gros œuvre fermé, pris en compte les split-levels qu’impose la déclivité du terrain et défini un programme suffisamment ouvert pour l’appel à candidatures du futur exploitant», explique Patrick Meyer, directeur de Belvedere.
Notre volonté en regroupant plusieurs fonctions est aussi d’avoir un lieu qui puisse être ouvert toute la journée.
«Notre volonté en regroupant plusieurs fonctions est aussi d’avoir un lieu qui puisse être ouvert toute la journée, précise le bourgmestre qui mène avec son conseil communal cette initiative tout à fait singulière. C’est à la fois une chance, mais aussi un challenge pour l’équipe qui doit trouver les justes fonctions pour que le lieu puisse fonctionner ainsi.» Afin de donner un maximum de soutien à l’exploitant, la commune a décidé de demander un loyer modéré, qui est progressif au fil des ans. «Nous avons aussi accepté de prendre en charge tout l’équipement du local, y compris l’achat du mobilier», précise Paul Mangen. Un engagement financier conséquent donc, pour cette petite commune qui s’efforce ainsi recréer une activité et attractivité villageoise.
Une coopérative lauréate
Pour ce faire, la commune a lancé un appel à candidatures et c’est le projet porté par la coopérative Coreca qui a été choisi. «Notre concept a muri et évolué pendant la candidature qui a duré longtemps, d’autant plus longtemps que le Covid est arrivé et nous a forcés à jouer les prolongations et à nous réinterroger», explique Jacques Hoffmann, président de la coopérative et habitant de Tuntange. Avec Christophe Kremer et Joran Didelot, ils ont développé un commerce qui rassemble un restaurant, un café-brasserie et une épicerie. «La forme de la coopérative nous permet d’allier le caractère lucratif nécessaire pour cette entreprise et le volet social qui nous est cher. Chaque salarié est ainsi impliqué dans les résultats de l’activité puisqu’il y est intéressé», poursuit Christophe Kremer. Quant au nom, les trois amis ont choisi celui d’un champignon très résistant qui pousse sur un sol maigre, le «Struwweltëntert». «Cela nous a semblé être adapté à notre situation», déclare philosophiquement Christophe Kremer.
Un restaurant bistronomique
Les trois amis ont ainsi mis à profit leurs compétences respectives et mis sur pieds, le restaurant Beim Struwwel qui propose une cuisine bistronomique. Elle est réalisée par Joran Didelot qui, bien que mathématicien de formation, est passionné de gastronomie et a travaillé dans les cuisines de restaurants étoilés dont il a conservé l’esprit et la technicité. «La carte, composée de quatre entrées, quatre plats et quatre desserts, change toutes les six semaines. Elle est réalisée avec des produits de saison, les plus locaux possibles. Nous avons aussi un menu de la semaine», explique le chef. Sa cuisine est créative, inspirée par toutes les régions du monde, en ne gardant que le meilleur de chaque culture culinaire. «Je travaille le plus possible avec des producteurs locaux», assure Joran Didelot. Dans le même esprit, il réalise aussi lui-même les pains au levain et les sauces. Lors de notre passage, nous avons pu tester des filets de maquereaux laqués grillés parfaitement maîtrisés, un Wellington végétarien au céleri très réussi et un délicieux cheesecake de courge.
Un café convivial et une épicerie
En complément du restaurant, le Struwweltëntert est aussi un café (le Tëntert). En plus des boissons chaudes et froides, les clients peuvent commander quelques plats plus simples qu’au restaurant: falafel, burger, pulled pork, planches de charcuteries ou fromages… «Cela nous permet d’avoir différentes offres au sein d’un même lieu», souligne Jacques Hoffmann. D’un côté un repas à table, plus posé, où on prend son temps, d’autre l’autre un esprit plus brasserie, pour un repas sur le pouce.
Tout autour se trouvent les rayons de l’épicerie qui offrent des produits relevant plutôt de l’épicerie fine, complétés par des produits de première nécessité alimentaire pour le quotidien. Ainsi, on ne trouvera pas ici de paquet de couches par exemple, mais des œufs, des produits laitiers, de la charcuterie, des céréales, des pâtes, des sauces préparées, des conserves…
Un espace ouvert tout en restant intime
D’un point de vue architectural, le projet a été réalisé par Belvedere Architecture. Depuis l’entrée, la vue lointaine donne sur la cuisine ouverte et les tables du restaurant sont positionnées sur cet axe. Le bar se trouve à droite, au centre, avec des tables et fauteuils proches des grandes baies qui donnent sur la rue. Les rayonnages d’épicerie structurent l’espace, en le cloisonnant de manière fluide. On sait tout de suite où l’on se trouve, ce qui se passe ici.
«Nous avons développé un espace qui reste ouvert, avec des zones plus refermées, plus intimes, qui permettent à la fois d’être ensemble tout en ayant une forme de discrétion», explique Patrick Meyer, architecte et directeur de Belvedere Architecture. «Ainsi, chacun trouve sa place en fonction de son humeur, de son besoin, que l’on soit en groupe, seul, que l’on ait envie d’être caché ou plus exposé, qu’on vienne ici pour se rencontrer, se restaurer, se détendre ou travailler sur son ordinateur portable.» Entre le café et le restaurant, il y a aussi un coin famille, avec des jeux pour les plus jeunes.
«Nous avons volontairement laissé les plafonds nus, avec la technique apparente, pour gagner le plus possible de hauteur sous plafond», détaille Lorenz Reiter, architecte chez Belvedere en charge du projet. «Cela nous a permis d’installer un équipement acoustique de qualité qui améliore le confort dans ce grand espace.»
Au niveau de la clientèle, ce sont bien entendu les villageois qui sont les premiers concernés. Mais la proximité de la plateforme de bus offre aussi la possibilité aux habitants de la région de venir ici par les transports en commun. Dans les mois à venir, la commune se verra dotée d’une nouvelle maison de soin et d’une pharmacie, ce qui pourra créer une dynamique nouvelle à proximité du Struwwel. À signaler également que Coreca s’implique activement pour la vie en milieu rural puisqu’en plus de l’établissement à Tuntange, elle gère également l’Épicerie Am Duerf à Schrondweiler et prévoit d’ouvrir prochainement une autre épicerie à Heffingen.
16 rue de Luxembourg L-7480 Tuntange. Fermé le mardi et le mercredi.