En 2022, les troubles dits «mentaux» et «du comportement» ont pesé pour 4,4% des absences au travail, mais pour 13,5% du nombre total de jours d’absence.  (Photo: Shutterstock)

En 2022, les troubles dits «mentaux» et «du comportement» ont pesé pour 4,4% des absences au travail, mais pour 13,5% du nombre total de jours d’absence.  (Photo: Shutterstock)

Difficile de passer à côté du sujet de la santé mentale dans les allées du Forum sécurité-santé au travail, qui s’est déroulé ce mercredi. Un atelier s’est intéressé aux leviers dont disposent les managers dans la prévention du stress et du burn-out.

Si elle a fait la part belle aux dernières possibilités en matière de technologies, la 17e édition du Forum sécurité-santé au travail, , n’en a pas pour autant oublié d’explorer ce qui, jusqu’à preuve du contraire, continue de faire la pluie et le beau temps dans l’ambiance de travail: ces bonnes vieilles relations humaines. Et tout spécialement les rapports hiérarchiques. Choix pertinent. Pour s’en convaincre, il n’y avait qu’à voir la longue file d’attente qui s’était formée un peu avant l’heure du déjeuner, à l’entrée de la salle de plusieurs centaines de places accueillant le workshop dédié à «l’impact du manager sur la santé mentale de ses collaborateurs», l’un des 20 ateliers de ce genre au menu de la journée.

Les pattes de la coccinelle

«Le manager ne dispose pas de toutes les armes pour combattre les risques psychosociaux (RPS), mais il en a quelques-unes à sa disposition», a introduit le Head of Health Department au sein d’ArcelorMittal, Dr Marc Jacoby. Le géant de la sidérurgie s’est signalé, à Luxexpo The Box, avec un stand promouvant la formation de secouriste en santé mentale parmi ses collaborateurs. Aux managers d’aujourd’hui, comme aux sociétés qui les emploient du reste, le Dr Marc Jacoby préconise de la souplesse afin, notamment, d’adapter leurs mots et leur attitude à «l’environnement multiculturel» spécifique au Grand-Duché autant qu’à l’irruption sur le marché du travail d’une gen Z qui «vient avec des attentes nouvelles». Et avec laquelle il ne servirait à rien de chercher à faire entrer des carrés dans les ronds: «Espérer recruter des jeunes qui s’adaptent à nos organisations, c’est utopique. L’approche traditionnelle ne suffit plus», estime-t-il.

Ceci posé, le Dr Marc Jacoby a proposé des pistes au public afin de déjouer les pièges menant les salariés du stress au burn-out. Ce dernier, a-t-il rappelé, n’étant pas forcément caractérisé par une somme de tâches démesurée. Mais bien par «la perception émotionnelle» de son travail. À l’appui de son propos, le spécialiste utilise l’image d’une coccinelle. L’animal dispose de six pattes. Chaque patte correspond à un compartiment de vie: travail, santé, loisirs, relations familiales, contacts sociaux, foi/croyances. Si l’une de ses pattes venait à se briser, la coccinelle pourrait quand même continuer de se déplacer. Avec deux pattes en moins, les choses seraient plus compliquées. Trois, ce serait mission impossible. Burn-out. «Ce n’est pas une maladie, mais un syndrome qui peut inclure différentes maladies. Le burn-out s’apparente à une voie sans issue. Le plus important est de repérer que l’on est sur cette voie-là», souligne le spécialiste.

«Résilience personnelle»

Prévenir le burn-out, indique le Dr Marc Jacoby, implique de créer les conditions d’«un environnement de travail psychologiquement sûr». Pour ce faire, le manager doit d’abord travailler sur lui, et ainsi «accroître sa résilience personnelle». Car «pour être bon avec les autres, il faut d’abord être bon avec soi-même». Cela suppose d’avoir des rituels et de garder des moments à soi afin que ne se brise – reprenons l’image de la coccinelle – aucune des six pattes nécessaires au déplacement de l’insecte. «Il faut apprendre à se ressourcer. Considérez votre équilibre mental comme une priorité», enjoint l’homme de science.

Chef du département santé chez ArcelorMittal, le Dr Marc Jacoby préconise aux managers de prendre soin d’eux pour mieux prendre soin des autres. (Photo: Maison Moderne)

Chef du département santé chez ArcelorMittal, le Dr Marc Jacoby préconise aux managers de prendre soin d’eux pour mieux prendre soin des autres. (Photo: Maison Moderne)

Le cadre d’ArcelorMittal invite ensuite à repenser sa position à l’autre. «Quand j’ai quelque chose à dire à un collaborateur ayant fait des erreurs, je m’efforce toujours avant la discussion de me représenter ce que sont ses atouts et ses qualités», illustre-t-il. Cette méthode, dite de «l’approche ++», permet de traiter son interlocuteur d’égal à égal. Et de faire taire les «émotions négatives» qui seraient «en train de bouillir».

Enfin, le manager se doit de faire preuve d’un minimum de psychologie pour reconnaître les différents «masques du stress» qu’enfilent les salariés mal dans leur peau: on les surprendra à se plaindre plus que de coutume, à s’emporter pour trois fois rien, à user de quelques malveillances de couloir… Drapeau rouge!

À chacun ses besoins

Pas de méthode toute faite, le Dr Marc Jacoby conseille de ne pas choisir entre management «autocratique», «démocratique» ou «bienveillant», mais d’«appliquer un management individualisé». Premièrement, «vous adoptez spontanément le style de management qui correspond le mieux à votre personnalité»; deuxièmement, «dès que vous vous rendez compte que votre propre style n’est pas approprié, vous l’adaptez à la personnalité de votre collègue».

Pour lui, le manager doit veiller à apporter à l’employé «la satisfaction de ses besoins psychologiques». Besoin d’être reconnu, besoin de se sentir apprécié, besoin de contact, besoin d’émulation… Ce que le Dr Marc Jacoby désigne par l’expression «sucre de vie», c’est-à-dire l’énergie supplémentaire que tout un chacun serait capable de mettre à la tâche, même quand la charge de travail est soutenue, pour peu qu’il se sente valorisé. «Le défi consiste à reconnaître les besoins spécifiques de chaque employé et à ne pas projeter ses propres besoins sur eux», prévient-il.

À ce prix pourra s’établir «une culture de la confiance», seule capable «d’accroître la productivité, la créativité et l’engagement», mais aussi de «faciliter la prise de parole» ou poser les bases d’un «télétravail efficace». «Respecter les engagements», «écouter pour comprendre», «adopter une intention positive», «accepter la diversité des points de vue»… Au bout de cette liste, le Dr Marc Jacoby résume: «La confiance n’est pas donnée, elle se mérite.»

Cinq entreprises distinguées 

En marge du forum, cinq entreprises ont été désignées lauréates de l’édition 2024 du Prix sécurité-santé au travail. Il s’agit de Drees & Sommer (offres aux collaborateurs sur le thème de la santé); de Ferro-Tech (mise en place d’une rampe mobile d’arrosage pour l’abattage des poussières de silice); de Dussmann Service (formation, évolution et protection des collaborateurs); de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment (réalité virtuelle dans les tranchées) et de Wallenborn Transports S.A (pour sa Wallenborn Academy).

Un prix du public doit également être attribué dans les prochaines semaines, à l’issue d’un vote en ligne.

Les ministres Georges Mischo et Martine Deprez (au centre) ont remis leurs certificats aux entreprises lauréates lors du Forum de la sécurité et de la santé au travail. (Photo: SIP/Pancake! Photographie)

Les ministres Georges Mischo et Martine Deprez (au centre) ont remis leurs certificats aux entreprises lauréates lors du Forum de la sécurité et de la santé au travail. (Photo: SIP/Pancake! Photographie)

Le prix SST vise à «reconnaître les initiatives innovantes en matière de sécurité, de santé et du bien-être au travail; souligner les efforts concertés des salariés et des employeurs pour gérer la santé au travail et pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles; valoriser les efforts d’investissements des entreprises pour améliorer la sécurité, la santé et le bien-être au travail; diffuser largement les réalisations afin d’en faire profiter d’autres entreprises».

Il est récompensé d’une somme de 5.000 euros pour les entreprises gagnantes, et de 2.000 euros pour celle qui sera choisie par le public.