Pour Louis Porrini, l’accès à la santé est un enjeu sociétal majeur. (Photo: Luccicanza/Denis Allard)

Pour Louis Porrini, l’accès à la santé est un enjeu sociétal majeur. (Photo: Luccicanza/Denis Allard)

Louis Porrini est gérant de fonds et analyste senior à La Financière de l’Échiquier (LFDE), en charge de la stratégie santé. Une stratégie déclinée dans le fonds Echiquier Health Impact for All. Une stratégie d’impact dont il détaille les ressorts pour Paperjam et Delano.

Le marché de la santé en plein essor: chaque année, les dépenses de santé atteignent 8.500 milliards de dollars dans le monde – «un chiffre qui a doublé en 20 ans» –. Aux États-Unis, la part du PIB consacrée à la santé atteignait 19,7% en 2019. «50% de la population mondiale n’a pas accès aux soins de santé de base et chaque année, selon l’OMS, ce sont 100 millions de personnes qui basculent dans la pauvreté à cause des coûts de ces soins.» Pour lui, une des tendances clés du marché est la poursuite des dépenses de santé. «Si les bénéfices des solutions apportées par les professionnels dépassent le coût pour la société, la question du prix arrive en second plan», estime le gérant en citant en exemple le cas des vaccins anti-Covid.


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Pour profiter de cette tendance, le fonds a décidé de favoriser les entreprises qui ont un impact concret sur l’accès à la santé. Et base son analyse sur quatre critères: la disponibilité, l’accessibilité géographique et financière ainsi que l’acceptabilité.

Parlant de disponibilité, Louis Porrini se réfère aux «médicaments biologiques innovants» – Les thérapies ciblées, l’immunothérapie et les thérapies géniques ainsi que les nouveaux médicaments prometteurs pour traiter des pathologies pour lesquelles aucun traitement n’est encore disponible – . Un marché estimé en 2020 à 303 milliards de dollars.

Le thème de l’accessibilité renvoie à la télémédecine, un secteur en plein essor estimé à 88 milliards de dollars en 2022. On parle ici du dépistage, du traitement des patients à distance et du suivi des patients grâce à des consultations virtuelles, des biocapteurs sans fil, etc. «Cela permet de soulager les établissements de santé et d’accélérer les traitements, notamment pour les personnes isolées.»

Le thème de l’accessibilité financière renvoie aux diagnostics in vitro. «Ces diagnostics représentent entre 2 et 3% des dépenses de santé mondiales, alors qu’ils sont indispensables à la prise de décision médicale.» En 2020, ce marché pesait 80 milliards de dollars.

L’acceptabilité vise le secteur des dispositifs médicaux innovants comme les pompes à insuline sans fil, les prothèses bioniques et autres. Bref, de nouveaux dispositifs pour améliorer le confort et l’adoption des traitements médicaux les pompes à insuline sans fil, les prothèses bioniques et autres. Bref, de nouveaux dispositifs pour améliorer le confort et l’adoption des traitements médicaux – «un marché de 432 milliards de dollars en 2020».

L’univers d’investissement de départ se focalise sur les actions internationales du secteur de la santé dont la capitalisation boursière est supérieure à 50 millions d’euros et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 10 millions. Soit à peu près 2.100 sociétés. Après l’application d’une première série de filtres ESG, puis d’un filtre d’impact mesurant la contribution à l’amélioration de l’accès à la santé – en résumé, au moins 20% du chiffre d’affaires de chaque entreprise doit contribuer à un ou plusieurs des quatre thèmes –, les plus ou moins 150 entreprises restantes sont passées à la moulinette de l’analyse fondamentale pour arriver à un portefeuille de 40 valeurs environ. Uniquement des sociétés innovantes.

La fin de la parenthèse covid

S’il est moins négatif sur le secteur des génériques – «un secteur extrêmement compétitif où la valeur ajoutée est faible» –, Louis Porrini est très positif sur le secteur des biomédicaments qui font appel à une source biologique comme matière première du principe actif qu’ils renferment. «L’ARN messager est un biomédicament. C’est une molécule, en l’occurrence un ARN, qui va transmettre une information génétique à une cellule pour la forcer à agir. L’ARN messager est le summum de l’innovation».

Les valorisations du secteur sont hautes, en particulier les sociétés innovantes qui sont le cœur du portefeuille. Des valorisations portées par la baisse des taux de ces 20 dernières années. Des valorisations qui sont revenues à leurs niveaux d’avant covid après avoir fortement dévissé. On assiste selon Louis Porrini à une correction dans la trajectoire des revenus liés au Covid. Une trajectoire mal anticipée par le marché et les investisseurs qui a entraîné une certaine «confusion» sur la valeur réelle des entreprises – «pour certaines entreprises, les revenus générés par le Covid ont pu représenter jusqu’à 40% du chiffre d’affaires» –. Une confusion qui va se dissiper au fur et à mesure que les managements vont «nettoyer» ces revenus des perspectives pour les années à venir. Une parenthèse se ferme quelque part et on en revient aux fondamentaux que devraient être la plus-value en matière d’accès à la santé et la différenciation entre les sociétés en matière d’innovation.

À la question de savoir si les entreprises du secteur sont déstabilisées par l’actuel contexte d’inflation et de remontée des taux, Louis Porrini répond que «l’inflation n’est pas ce qui embarrasse le plus». La hausse du prix des matières premières et de l’énergie touche relativement peu le secteur. L’inflation qui l’inquiète et qui touche les sociétés innovantes est celle des salaires. «Elles ont besoin d’ingénieurs de très haut vol qui coûtent cher. Et de manière générale, il y a des pénuries de travailleurs qualifiés un peu partout. Pour résoudre ce problème, il faut mieux rémunérer les gens.»