Les sessions plénières du Parlement européen doivent se tenir à Strasbourg, selon le traité de Maastricht, même si les «imprévisibilités inhérentes à la procédure budgétaire» peuvent conduire les eurodéputés à voter à Bruxelles, estime la CJUE. (Photo: Shutterstock)

Les sessions plénières du Parlement européen doivent se tenir à Strasbourg, selon le traité de Maastricht, même si les «imprévisibilités inhérentes à la procédure budgétaire» peuvent conduire les eurodéputés à voter à Bruxelles, estime la CJUE. (Photo: Shutterstock)

Les deux villes consacrées par les traités luttent contre le tropisme bruxellois, à l’œuvre dans les coulisses des institutions européennes.

Sièges de droit consacrés par le traité de Maastricht sur l’UE en 1992, Strasbourg et Luxembourg affrontent un , qui concentre déjà le siège de la Commission européenne, véritable aimant attirant de plus en plus de services et renforçant petit à petit son pouvoir.

C’est la tendance à l’œuvre derrière certaines nominations, certains transferts d’équipes ou de compétences. Comme, par exemple,  (DG Connect), démantelé à Luxembourg pour être fondu dans une Blockchain Competence Team très majoritairement implantée à Bruxelles. Ou, plus récemment, le projet de la Commission européenne visant à regrouper les agences chargées d’exécuter ses programmes à Bruxelles – , l’agence dédiée aux programmes de santé, protection des consommateurs, agriculture et alimentation, créée en 2003 à Luxembourg… comme contrepartie au départ de fonctionnaires vers Bruxelles (accord Kinnock-Polfer).

L’autre capitale européenne qu’est Strasbourg se bat elle aussi pour conserver cet attribut gagné en 1958. La belle Alsacienne abrite le Parlement européen (héritier de l’assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l’acier), voisin de la Cour européenne des droits de l’Homme et du Conseil de l’Europe.

Le budget 2018 pouvait-il être adopté à Bruxelles, et non à Strasbourg?

Or, si le Parlement européen siège bien au bord de l’Ill, dans un bâtiment paré de verre construit en 1999, son secrétariat se trouve à Luxembourg – où il occupait la tour B de la place de l’Europe – et, surtout, les députés passent davantage de temps à Bruxelles, où ils résident généralement. C’est là que se déroulent les commissions, qu’ils rencontrent aussi les fonctionnaires de la Commission sur les sujets techniques, et qu’ils ont leur bureau, ne se rendant à Strasbourg que pour les séances plénières, à raison de quatre jours par mois.

La France fait donc preuve d’une grande vigilance face à toute dérive contribuant à remettre en cause l’ancrage strasbourgeois du Parlement européen. Et n’hésite pas à attaquer l’institution elle-même devant la Cour de justice de l’UE.

C’est ce qu’elle a encore fait en 2018 en intentant un recours contre l’adoption du budget général de l’UE pour l’exercice 2018, voté lors d’une session plénière additionnelle à Bruxelles les 29 et 30 novembre 2017. Son argument: «Il ressort, tant des protocoles sur le siège des institutions que de la jurisprudence de la Cour, que le Parlement européen ne peut exercer le pouvoir budgétaire que lui confère l’article 314 TFUE au cours des périodes de sessions plénières additionnelles qui se déroulent à Bruxelles, mais doit l’exercer au cours des périodes de sessions plénières ordinaires qui se tiennent à Strasbourg.»

Le Luxembourg voit son siège conforté… en droit, du moins

Fait intéressant: le Luxembourg a soutenu la France dans cette procédure, appuyant chacun de ses arguments. Par principe, puisqu’il tient à l’ancrage des sièges des institutions définis par les traités, mais aussi parce qu’il est concerné directement en tant que siège du Secrétariat du Parlement européen.

La France n’a pas obtenu gain de cause, la Cour de justice estimant dans un arrêt du 25 juin dernier qu’il fallait tenir compte des «imprévisibilités inhérentes à la procédure budgétaire» et ne pas tancer le Parlement européen pour avoir finalement organisé le vote du budget à Bruxelles au lieu de Strasbourg. Mais la Cour de justice rappelle que le Parlement européen «doit respecter le protocole sur les sièges des institutions, qui, en vertu de l’article 51 TUE, fait partie intégrante des traités». Strasbourg, comme Luxembourg, se voit ainsi confortée dans son statut de siège européen.

C’est d’ailleurs ce que retient le ministère des Affaires étrangères et européennes. «L’arrêt ne remet pas en question l’implantation du Secrétariat général du Parlement européen au Grand-Duché – tout au contraire, étant donné que la CJUE a confirmé à nouveau l’implantation du Secrétariat général du Parlement européen à Luxembourg, telle que consacrée par le droit primaire de l’Union –, en jugeant que le Parlement européen ‘doit respecter le protocole sur les sièges des institutions, qui, en vertu de l’article 51 TUE, fait partie intégrante des traités’. Le projet immobilier d’envergure dénommé Konrad Adenauer 2 témoigne par ailleurs de l’engagement à long terme du Parlement européen envers le Luxembourg.»

Garantie par le droit, la politique du siège doit toutefois affronter une réalité plus insidieuse, comme nous le relations , aussi en raison d’une  entre Bruxelles et Luxembourg. Et la , Laura Codruta Kövesi, à se constituer une équipe étoffée en est l’indice le plus récent.