Claire Leonelli et Claire Denoual, Avocats à la Cour – Etude /c law (Crédit: /c law)

Claire Leonelli et Claire Denoual, Avocats à la Cour – Etude /c law (Crédit: /c law)

Peu de startups ont le réflexe d’intégrer la protection de leurs actifs immatériels dès les prémisses de leur stratégie de développement. Sécuriser lesdits actifs au moyen de la propriété intellectuelle (PI) permet toutefois d’obtenir un avantage concurrentiel non négligeable. Explication.

Les droits de PI, qui sont des droits exclusifs d’exploitation, permettent de rentabiliser les frais de recherche et développement et d’augmenter la valeur d’une entreprise. Ils permettent également de se défendre contre la copie par des tiers. Pour toute startup, définir, le plus en amont possible, une stratégie de protection et de valorisation de ses (futurs) actifs immatériels est essentiel.

Protéger ses actifs immatériels passe par un encadrement contractuel dès la phase brainstorming

Il est primordial, avant même d’entrer dans la phase de développement proprement dite, de garder secret son projet, et ce d’autant plus lorsqu’il apparaît innovant. Il faut également s’assurer que les éventuels droits de PI des personnes participant au projet reviendront bien à la startup. Comment? D’une part, en concluant des accords de non-divulgation (NDA) ou des clauses de confidentialité avec les partenaires ou salariés auxquels vous ferez appel pour concrétiser votre idée. D’autre part, en intégrant à vos contrats une clause de cession de droits de PI (ou de répartition des droits en cas de co-développement). Gardez en tête que la loi luxembourgeoise n’organise pas de cession automatique de tous les droits de PI en faveur de l’employeur ni en faveur du client qui commande une prestation intellectuelle. Mieux vaut donc verrouiller ce point clef en amont.

À chaque actif immatériel, son droit de PI et sa stratégie propres

La marque s’obtient par une formalité de dépôt auprès de l’office territorial où la protection est demandée. Elle protège le nom des produits ou services d’une entreprise et les distingue de ceux de ses concurrents. Il est très important, avant de fixer son choix sur un signe (nom, logo, slogan), de s’assurer qu’aucun tiers ne dispose de droits antérieurs. Il est également essentiel de s’assurer que le signe choisi peut constituer une marque valable. Tel ne serait pas le cas d’un terme descriptif de l’activité choisie (ex.: «Software» pour des logiciels). Avoir à modifier ultérieurement son identité visuelle est très lourd de conséquences et mieux vaut donc prévenir que guérir... La protection étant territoire par territoire (ou par zone dans certains cas comme au Benelux ou pour l’Union européenne), la stratégie de dépôt doit être adaptée au plan de développement commercial.

Les inventions peuvent, sous certaines conditions, être protégées par un brevet. Seules celles n’ayant jamais été divulguées peuvent être brevetées. Là encore, la protection s’obtient par un dépôt préalable et est territoriale. La stratégie de protection dépend donc du business plan. Il faut également tenir compte des coûts importants liés à l’obtention et au maintien d’un brevet dans plusieurs pays et du fait que l’innovation couverte par un brevet est rendue publique. Les tiers ont accès à l’information même s’ils ne peuvent pas copier le brevet. Le dépôt d’un brevet n’est donc pas toujours la panacée et le business model pourra être plus profitable en gardant secret le savoir-faire sous-jacent.

L’aspect d’un produit peut être protégé par un droit de dessin et modèle. Là encore, un enregistrement préalable territorial est nécessaire, bien que de nombreux pays admettent un cumul de protection avec le droit d’auteur.

Le droit d’auteur justement naît de la simple création d’une œuvre de l’esprit dès lors que celle-ci présente un caractère original. Il peut s’agir d’un texte, d’un logiciel, d’un graphisme, d’une photographie et pas seulement d’une œuvre d’art ou d’un roman. La date de création, et ainsi l’antériorité, peut être difficile à prouver en cas de litige. Certaines formalités, comme l’i-DEPOT auprès de l’OBPI, par exemple, permettent de pallier cette difficulté.

Les simples idées, aussi géniales soient-elles, ne sont pas protégeables par la PI et peuvent être reprises par tous.

Quelles (principales) questions se poser en pratique?

- Ai-je mis en place les bons outils pour garder secret mon concept ou mon savoir-faire?

- Ai-je une preuve de la date de création de mes créations (publication, i-DEPOT, autres…)?

- Ai-je développé une invention brevetable? Le cas échéant, mon business plan me permet-il de rentabiliser les coûts d’un brevet?

- Ai-je bien les droits de PI sur mes produits/services? Quel est l’impact de l’utilisation de logiciels open-source sur mon business plan?

- Est-ce que le nom/logo que j’ai choisi est suffisamment arbitraire par rapport à mon activité? Est-il disponible?

- Quels sont les marchés territoriaux que je vise (demain, après-demain, après-après-demain)?

- Comment vais-je commercialiser mon produit/service (vente directe, franchise, agents commerciaux)?

- Quel budget dois-je consacrer à la protection de mes droits de PI et comment rentabiliser cet investissement?

- Etc.

Autant de questions à se poser pour construire sa stratégie en termes de PI, anticiper les investissements correspondants et les intégrer dès la genèse à son plan de développement pour éviter les déconvenues.