Les rumeurs, non démenties par Microsoft, d’un nouveau data center à plus de 100 milliards de dollars, indiquent qu’il sera mis en service entre 2028 et 2030. Un game changer. (Photo d’illustration: ChatGPT 4o)

Les rumeurs, non démenties par Microsoft, d’un nouveau data center à plus de 100 milliards de dollars, indiquent qu’il sera mis en service entre 2028 et 2030. Un game changer. (Photo d’illustration: ChatGPT 4o)

Microsoft et OpenAI auraient pour projet de construire un centre de données du futur à plus de 100 milliards de dollars d’ici 2028. Entre l’ère de l’intelligence artificielle, le doublement quotidien du volume de données à venir et l’émergence des digital twins, le Luxembourg doit décider s’il entend réinvestir activement dans sa politique de data centers pour rester bien placé.

La (très longue) conférence de presse sur les résultats annuels d’Encevo se termine. Le CEO de l’énergéticien rappelle qu’il se féliciterait d’une production d’électricité renouvelable supérieure à la demande. «De quoi rêver qu’un géant puisse enfin installer son data center?» Un sourire amusé éclaira le visage de Claude Seywert une seconde pour toute réponse.

À l’ère de la révolution née de l’intelligence artificielle, d’un doublement annoncé du volume de données produites chaque jour, le Luxembourg peut-il faire l’économie d’un plan d’investissement massif dans une nouvelle génération de data centers? Ou même «seulement» dans une mise à jour? La question est stratégique: même si tout le monde parle de «cloud» en permanence, comme si les données planaient au-dessus de nos têtes, elles doivent être à un moment donné «rangées» dans une armoire. Accessibles, mais rangées. Si «nos armoires» venaient à être pleines, ce qui n’est pas le cas, c’en serait fini de quelques axes de développement moderne, du HPC luxembourgeois à la solution souveraine déployée par le tandem LuxConnect-Proximus, avec la technologie Google mais sans l’intervention de Google.

Le gouvernement s’est fixé pour objectif d’actualiser le plus rapidement possible les deux stratégies principales, à savoir la stratégie des données et la stratégie relative à l’intelligence artificielle.

Le ministère de l’Économie

«Le Luxembourg investit depuis plus de 20 ans dans son infrastructure informatique, dans l’internet haut débit, les centres de données, le calcul haute performance, etc. Aujourd’hui déjà, le Luxembourg est très bien placé dans le domaine des centres de données et fait figure de ‘frontrunner’ en Europe», répond le ministère de l’Économie. «Il ne fait aucun doute que l’économie des données et les développements rapides dans le domaine de l’intelligence artificielle augmentent les exigences en matière d’infrastructure informatique. Nous aurons certainement besoin de plus de capacités de centres de données pour continuer à exploiter les opportunités offertes par les technologies numériques. Il est donc essentiel que le Luxembourg continue d’investir dans cette infrastructure, y compris dans les centres de données. Le gouvernement s’est fixé pour objectif d’actualiser le plus rapidement possible les deux stratégies principales, à savoir la stratégie des données et la stratégie relative à l’intelligence artificielle. Les investissements futurs dans l’infrastructure IT seront également pris en compte lors de l’élaboration de ces stratégies. L’objectif est d’élaborer les deux stratégies, qui sont étroitement liées, d’ici la fin de l’année.»

Clarence, Meluxina, GCore

La fin de l’année, pardon, mais c’est trop lent. Deux exemples en témoignent. Si, effectivement, , elle a largement été imitée. Les géants américains du cloud n’ont pas le choix: avec le règlement européen sur la protection des données et l’absence de garantie que la justice ou les renseignements américains ne pourraient plus avoir accès à nos données, face aux inquiétudes européennes, ils ont été obligés d’imaginer cette solution où ils accompagnent des acteurs européens vers davantage de souveraineté – avec des modes très différentes selon les acteurs… – en fonction de la nature stratégique des données en question.

L’autre exemple est beaucoup plus spectaculaire encore. Selon The Information, Microsoft et OpenAI seraient prêts à investir de 100 à 115 milliards (bien milliards, ndlr) de dollars dans un centre de données d’un nouveau genre pour être à l’aise avec les besoins de l’intelligence artificielle. Microsoft serait dans la troisième des cinq phases qui permettront à cette infrastructure unique au monde d’être livrée en 2028 et opérationnelle deux ans plus tard. Le géant américain n’en a pas les moyens aujourd’hui mais au rythme de ses bénéfices et, surtout, de leur trajectoire, les analystes parient qu’il n’aura pas de difficulté à financer les 27, 29 et 42 milliards de dollars prévus en 2026, 2027 et 2028. Son bénéfice pourrait atteindre 500 milliards de dollars entre 2024 et 2028. Pour s’affranchir de l’importance de Nvidia dans les puces, Microsoft, Amazon Web Services, Google et Meta Platforms ont aussi créé ou sont en train de créer leurs propres unités centrales de traitement (CPU) et de traitement extrême (XPU).

Le Luxembourg n’est pas nulle part, ce serait largement exagéré. Pour 30 millions d’euros, l’État a favorisé l’émergence de LuxProvide, aux manettes du supercalculateur luxembourgeois, via LuxConnect. Et puis, le 18 octobre, . Arrivée il y a plus de dix ans à l’European Data Hub, la société d’André Reitenbach compte aujourd’hui plus de 2.500 serveurs chez LuxConnect (dans l’ancien espace de Microsoft) avec des Nvidia (H100 et A100). GCore s’est installée là pour l’offre à 60 watts par baie qu’elle disait unique au Luxembourg. Unique mais suffisante dans la perspective de l’intelligence artificielle? Pas si sûr, de nombreux serveurs et cartes utiles pour l’intelligence artificielle ont besoin de 1.800 à 3.000 watts par baie. Une des entreprises les plus en pointe du marché, l’américaine Cyrus One, qui a cinq centres de données à Francfort, a des offres à 300KW!

(Interrogée sur ses perspectives de développement, GCore n’est pas revenue vers nous au moment de boucler cet article.)

Un réseau à développer

Le double atout de LuxConnect est de s’alimenter exclusivement à l’énergie renouvelable et d’avoir un PUE (un indicateur d’efficience énergétique) de 1,3 pour ses quatre infrastructures, quand les vieux data centers atteignent le mauvais chiffre de 2 et ceux de Google par exemple sont en moyenne mondiale à 1,1. Le «1» signifie que la totalité d’une unité d’énergie est utilisée pour faire fonctionner le data center, dès que le chiffre est supérieur, c’est qu’il y a des pertes d’énergie dans le fonctionnement.

S’il ne s’étend pas publiquement sur son PUE, Ebrc, filiale à 100% de Post, indique de son côté qu’elle espère que ses data centers seront neutres en 2025 et prêts dès 2040 à respecter les règles de 2050 sur la neutralité carbone. Évoquer Post dans ce contexte a un autre intérêt. Avec le rapport annuel RSE très détaillé, on peut lire qu’Ebrc consomme 61% de l’électricité du groupe Post, 131GWh en 2023, soit 80GWh, chiffre stable ces dernières années. Un indicateur de la consommation de nos data centers.

Contacté, le CEO de LuxConnect, Paul Konsbruck, reconnaît qu’«il y a toujours des investissements à faire. Surtout si les choses évoluent bien avec GCore». Mais qu’il a encore de la place dans ses infrastructures et qu’il faudra aussi imaginer une évolution du réseau électrique. Là encore, nos fournisseurs de centres de données pourraient-ils se retrouver dépendants de l’évolution d’Encevo?

Mi-mai s’est terminée la consultation d’un mois sur la stratégique nouvelle ligne à haute tension (380kv) par Creos, entre 2024 et 2034, qui va nécessiter 300 à 350 millions d’euros d’investissements d’Encevo. L’énergéticien n’a pas de passe-droit pour accélérer les procédures d’autorisation d’installation des 170 pylônes entre Aix-la-Chapelle et Bertrange, mais fixe toujours l’entrée en service en 2028.

Délégation de poids dans la Silicon Valley

Une chose est sûre, susurrait Michèle Detaille au moment d’abandonner son fauteuil de présidente de la Fedil à Georges Rassel: Paul Konsbruck, qui a l’oreille de l’ex-Premier ministre, est devenu membre du conseil d’administration de la Fedil et ce n’est pas pour y faire de la figuration.

La semaine dernière, il s’est envolé pour la Californie du Nord pour le 12e «study trip» de la Fedil avec du beau monde:  (Luxinnovation); (Alipa Group); (HITEC Luxembourg); (BCE); (ministère de l’Économie); (Proximus Luxembourg); (Post Telecom); (Université du Luxembourg); Yves Le Traon (Université du Luxembourg - SnT); Katalin Ligeti (Université du Luxembourg - FDEF); (DSL IT Solutions & Services); Romain Martin (ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur); (Luxembourg Confederation); (Luxembourg Institute of Health - LIH); (Université du Luxembourg - SnT); (Fedil); Georges Santer (Fedil); (Schiltz & Schiltz / Fedil); (FiveOffices) ; (Post Luxembourg); Céline Tarraube (Fedil) et Jacques Thill (Clarence S.A.).

Si la Fedil considère qu’elle ne peut pas communiquer sur les entreprises visitées, faute d’avoir leur accord, . Une belle délégation à double sens: capable de vendre le Luxembourg aux États-Unis et de vendre les États-Unis au Premier ministre, Luc Frieden, en rentrant.

Une autre rumeur dit par exemple que , aurait besoin que le Luxembourg fasse un pas dans sa direction. , un petit coup de dépoussiérage de la loi permettrait d’avoir des véhicules autonomes sur la route sans que cela ne soit soumis au bon vouloir du ministère des Transports, comme .